Chronique de la recherche
DES TECHNIQUES AU DESIGN Vincent Beaubois * Les Cahiers Simondon
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ous les ans, depuis 2009, paraissent aux éditions L’Harmattan, sous la direction de Jean-Hugues Barthélémy, les Cahiers Simondon, lieu d’expression privilégié d’une communauté simondonienne grandissante. Produits d’une dynamique appuyée par les séminaires de l’Atelier Simondon, organisés par Jean-Hugues Barthélémy et Vincent Bontems, à l’École normale supérieure de Paris, ces Cahiers marquent d’un seuil la progression des études simondoniennes en France et à l’étranger. La pensée de Gilbert Simondon, connue pour sa thèse principale, L’Individuation à la lumière des notions de forme et d’information, et sa thèse complémentaire, Du mode d’existence des objets techniques (toutes deux soutenues en 1958), trouve ici un écho collectif rassemblant chercheurs confirmés et doctorants français ou étrangers. Les trois premiers numéros des Cahiers Simondon ouvrent ainsi un travail « d’exégèse polémique » – comme le défend Jean-Hugues Barthélémy – éprouvant la force des concepts simondoniens tout en instaurant un dialogue critique avec le philosophe. Le premier numéro aborde différentes grandes thématiques de la pensée simondonienne, comme la mécanologie et l’invention. Giovanni Carrozzini interroge ainsi les liens possibles entre Gilbert Simondon et Jacques Lafitte, pionnier de la mécanologie et tenant d’une science normative des machines. Ronan Le Roux replace la question de l’invention, entendue comme résolution de problème, selon sa source bergsonienne et son influence cybernétique (Wiener). Ce numéro prolonge également certains questionnements simondoniens au-delà de leur développement propre. Jean-Hugues Barthélémy poursuit ainsi la réflexion éthique de Simondon, reconstruisant de manière inventive l’opposition kantienne entre autonomie et hétéronomie. Victor Petit rejoue la critique de l’hylémorphisme simondonien dans le champ de la biologie, renonçant au dualisme extériorité/intériorité pour redéfinir le vivant comme un « milieu-intérieuren-relation-avec-un-milieu-extérieur ». Ludovic Duhem rend compte d’un double « faux départ » de l’esthétique de Simondon à la fois dans sa thèse principale – les * Vincent Beaubois, né en 1980, est doctorant en philosophie à l’université Paris-Ouest Nanterre, au laboratoire d’ « Histoire des arts et des représentations ». Il travaille sur des questions de philosophie de la technique, de design et d’esthétique en dialogue avec la philosophie contemporaine. Adresse : Université Paris Ouest, 200, avenue de la République, F-92001 Nanterre cedex (vincent.beaubois@ u-paris10.fr). Revue de synthèse : tome 133, 6e série, n° 4, 2012, p. 557-563.
DOI 10.1007/s11873-012-0201-8
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théories proposées de l’invention, de la prise de forme et de la signification n’appelant jamais un paradigme esthétique – mais aussi dans sa thèse complémentaire, l’esthétique restant un « point neutre » en deçà des phases que forment la technique et la religion. Ce recueil rend également compte d’un travail exégétique interne à l’œuvre simondonienne concernant l’unification de ses pôles « individuation » et « technique ». Xavier Guchet insiste sur une unité de l’œuvre fondée sur un projet d’axiomatique des sciences sociales en replaçant le travail de Simondon par rapport aux sciences psychosociales de son temps (Lewin, Moreno, Kardiner). Jean-Hugues Barthélémy, quant à lui, prolonge cette exégèse interne en s’intéressant à la présence de la « non-vie » comme condition même de la vie, les réflexions sur l’artefact débouchant sur la question du transindividuel et d’une vie comme « différence à soi ». Le deuxième numéro poursuit l’éclairage des grandes thématiques. Jean-Hugues Barthélémy situe la problématique de la « psychologie générale » dans l’œuvre de Simondon, la nécessité de sa psychosociologie ayant été posée par son ontologie. Vincent Bontems discute la théorie d’échelle de Laurent Nottale par le prisme de la notion de « préindividuel », toutes échelles de grandeur manifestant l’existence de potentiels non-actualisés. Ce numéro poursuit, en outre, le travail d’enquête sur les filiations et influences de Simondon. Sarah Margairaz y interroge les apports et les distances de la philosophie bergsonienne sur l’œuvre de Simondon, tandis que Victor Petit sonde les relations entre l’ontogenèse simondonienne et la pensée « génétique » de Piaget. Ce deuxième numéro instaure ainsi une véritable confrontation entre Simondon et certains penseurs du xxe siècle, Fernando Fragozo comparant et différenciant notamment le projet d’ontogenèse simondonienne et celui d’une « ontologie fondamentale » heidegérrienne. Cette confrontation se déplace ensuite sur le terrain contemporain. Arne de Boever entame ici une discussion autour de l’usage que fait Giorgio Agamben de Simondon, alors que Jean-Hugues Barthélémy questionne les appropriations – parfois déformantes mais toujours inventives – des concepts simondoniens par Gilles Deleuze, tout en insistant sur l’influence de cette œuvre sur le travail de Bernard Stiegler et sur son propre projet de « relativité philosophique ». Le troisième numéro des Cahiers Simondon poursuit cette discussion critique avec Anne Sauvagnargues et une exégèse du texte deleuzien reconstruisant ses apports simondoniens, notamment par une compréhension de la forme comme « modulation » de forces et par une pensée du signe comme différence intensive. Les Cahiers sont alors le lieu d’un éclairage des enjeux simondoniens en prise avec l’histoire de la philosophie. Sacha Loeve rapproche Hannah Arendt et Simondon sur la question du lien entre questionnement politique et ontologique à travers le rôle des techniques, Arendt rejoignant la posture non-anthropologique de Simondon sur l’impossibilité de couper la technique de la culture. Giovanni Carrozzini se penche sur les rapports entre la pensée esthétique simondonienne et la phénoménologie de Mikel Dufrenne, insistant alors sur une « techno-esthétique » (telle que Simondon la décrit dans une lettre à Jacques Derrida datant de 1982) qui cherche à combler le manque existant entre l’objet technique, « séparé et séparant », et l’objet esthétique, unifiant. Ronan Le Roux reprend son dialogue entre la philosophie simondonienne et les projets cybernétiques de formalisation d’une science des techniques (Couffignal, Riguet). Baptiste Morizot, quant à lui, prolonge les intuitions simondoniennes sur le terrain de l’hominisation en
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redonnant toute sa force au concept de « néoténisation », opération d’ordre temporel consistant à se maintenir dans la métastabilité : la néoténisation apparaît alors comme un ralentissement manifestant plusieurs vitesses d’individuation, le vivant retardant la réalité physique tout comme le psychique dilate la réalité vivante pour se maintenir dans une disponibilité à la rencontre. Xavier Guchet et Jean-Hugues Barthélémy, enfin, poursuivent leur travail d’exégèse interne au texte simondonien. Xavier Guchet cherche à saisir les liens entre psychologie et sociologie selon une autre polarité que « l’homme intérieur » et « l’homme extérieur ». Jean-Hugues Barthélémy, en questionnant le mode d’unité de l’œuvre, discute certains modes d’unification problématique et propose différentes trajectoires exégétiques pour éclairer sa lecture. Les Cahiers Simondon ne cherchent donc pas à mobiliser la pensée simondonienne sur des thèmes précis qu’il s’agirait de circonscrire mais fonctionnent par « sélection d’exposés complémentaires permettant d’avoir un aperçu de la richesse de cette pensée » comme le mentionne Jean-Hugues Barthélémy dans l’introduction au premier numéro. C’est donc l’hétérogénéité qui gouverne cette publication, celle-ci traduisant à la fois la jeunesse du travail de commentaire, proliférant selon de multiples dimensions, mais également la propension de cette œuvre à toucher différents champs hétérogènes (du design à la métaphysique, du collectif social à la formation du vivant), marquant par-là la portée à la fois ontologique, épistémologique et technologique de cette philosophie. Philosophie du design : un séminaire
Au printemps 2011, s’est déroulé le séminaire de philosophie du design, animé à l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) par l’Atelier Simondon sous la direction de Vincent Bontems. Le design présente une réalité polymorphe interrogeant à la fois la technicité des objets et des ensembles techniques mais également les effets psychosociaux de cette technicité. À partir de l’œuvre du philosophe Gilbert Simondon, à commencer par Du Mode d’existence des objets techniques, ce cycle de conférences a inauguré une réflexion nouvelle et un dialogue fécond entre philosophie et design. Le design s’intéresse à la conception technique tout en se différenciant d’une conception simplement technique, ouvrant l’objet au psychosocial par ses capacités affectives. Le design peut être pensé comme une conception des objets techniques, consciente des effets de transformations sociales inhérentes à ses produits. Le design crée un objet qui ne se résume pas à son fonctionnement technique puisqu’il intègre, par une fonction expressive ou esthétique, la capacité de transformation sur le social de ce fonctionnement même. L’enjeu de ce séminaire était d’inventer un espace d’échanges entre la philosophie simondonienne et l’horizon du design : individuer une connaissance du design par le prisme des concepts simondoniens, tout en re-précipitant ces concepts sous le feu des théories et pratiques du design. Les huit séances de ce séminaire ont ainsi mêlé trois ambitions : 1) définir précisément certains concepts issus de la pensée de Simondon en lien direct avec les questionnements des designers (Vincent Bontems) ; 2) préciser l’enjeu d’une « technoesthétique » appréhendant l’objet technique comme interface entre technicité et société
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(Giovanni Carrozzini, Ludovic Duhem) ; 3) rendre compte de cette techno-esthétique dans différents domaines liant technicité et psychosociologie comme le design sonore (Frédéric Pascal), l’architecture numérique (Sébastien Bourbonnais), le design en astrophysique (Vincent Minier) et les nanotechnologies (Sacha Loeve). Les concepts de Simondon à l’épreuve du design Si le design s’intéresse aux effets psychosociaux de la technicité, s’installant au sein même des processus de transformation socio-techniques, les concepts simondoniens de transduction, de diagrammatique et d’effet de halo, présentés par Vincent Bontems, offrent des outils taillés au plus près des préoccupations des designers. La transduction définit à la fois les conditions d’une opération et le produit de cette opération, venant caractériser tout processus par lequel deux ou plusieurs ordres de réalités incommensurables entrent en résonance et deviennent commensurables par l’invention d’une dimension qui les articule. C’est la dynamique liant technicité et assimilation-transformation de cette technicité dans la culture qui se trouve éclairée, piéton et automobile étant, par exemple, liés transductivement : en se co-constituant, ils se transforment l’un l’autre et transforment par-là même la relation qui les lie. Le design manifeste, par ailleurs, un intérêt particulier pour l’opération de schématisation graphique des artefacts, que ce soit pour une étude fonctionnelle, structurelle ou formelle. La réflexion sur la forme de l’objet, sur sa lisibilité, questionnement propre au design, trouve ici un écho dans la notion de diagramme et dans la pensée « techno-graphique » de Simondon. Le dessin ne se fait plus simple esquisse d’une apparence extérieure (entreprise « cosmétologique » dirait Raymond Loewy) mais intègre le déploiement de la structure et de ses opérations dans une expression diagrammatique. Le diagramme ne représente pas un fonctionnement mais fonctionne lui-même en manifestant l’opération. Enfin, l’interférence entre la phase artistique et la phase technique du design trouve également une résonance dans une prise en compte des réseaux techniques et de ce que Simondon appelle « effet de halo ». Si l’effet d’aura benjaminien manifeste l’apparition d’une unicité, d’une authenticité perceptible hic et nunc, l’effet de halo simondonien présente la charge des objets industriellement produits et reproductibles. Le halo de l’objet exprime sa solidarité à un ensemble technique, à un réseau de technicité débordant l’objet : Simondon parle d’effet de halo d’un objet technique pour qualifier les connections psychosociales qui entourent celui-ci. Les objets mécaniques suisses, par exemple, sont auréolés d’une « précision suisse » héritée de l’horlogerie et du savoir-faire national en matière de mécanique de précision. De même, un objet Streamline, tel le réfrigérateur Coldspot de Loewy et ses formes aérodynamiques attire à lui le champ de la vitesse et de l’aéro nautique. Les concepts de Simondon trouvent ainsi une résonance particulière dans les opérations que mène le design, l’objet industriel se manifestant par une « technoesthétique » que deux séances de ce séminaire ont commencé à éclairer. Design et techno-esthétique La notion de techno-esthétique, introduite par Simondon dans sa lettre du 3 juillet 1982 à Jacques Derrida, appelle à appréhender les objets techniques comme des
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interfaces liant le technique au social. Partant de la référence explicite à Simondon dans la définition du design établie par Tomás Maldonado pour l’ICSID (International Concil of Societies of Industrial Design) en 1964, Giovanni Carrozzini a proposé une filiation entre la pensée simondonienne de la technique et une certaine tradition du design (que l’on peut notamment identifier chez Bruno Munari et Gillo Dorflès) refusant tout geste de dissimulation du fonctionnement de l’objet. L’apparence de l’objet ne doit pas masquer son fonctionnement technique, sémantique et fonctionnalité devant entrer en consonance. L’objet ne doit pas mentir, telles ces traces de coffrage sur le béton laissées visibles chez Le Corbusier, manifestant, pour Simondon, une marque de cette « honnêteté » phanéro-technique. Simondon a ainsi lui-même défini le design – qu’il appelle à cette époque « esthétique industrielle » suivant les mots d’Étienne Souriau – comme ce qui a pour charge d’« organiser la technophanie » de l’objet (« Psychosociologie de la technicité »). L’expérience techno-esthétique se polarise alors, non plus sur la notion de contemplation mais sur celle d’action, l’objet manifestant lui-même les opérations dont il est le siège. Ludovic Duhem s’est, quant à lui, concentré sur la notion d’invention au cœur de cette techno-esthétique. Design et invention ne fonctionnent pas immédiatement de concert, le design venant traditionnellement toujours après l’invention. Le designer, totalement inséré dans le processus économique capitaliste, n’opère ni création artistique ni invention technique, mais cherche à manifester dans l’objet les « attentes » psychosociales, l’invention se déplaçant au niveau des « usages ». L’usage doit ici être distingué de l’utilité. Si l’utilité, depuis Aristote jusqu’à Heidegger, donne un privilège à un sujet-utilisateur antérieur, supérieur et régnant sur l’objet, l’usage met l’accent, pour Ludovic Duhem, sur les marges d’indétermination de l’objet, zones de virtualités multipliant ses possibilités d’insertion. S’installant dans le programme d’une technoesthétique, ces deux interventions ont ouvert une pensée du design comme insertion des artefacts techniques dans un milieu à la fois naturel et culturel, amorçant par-là une problématique écologique tant environnementale que sociale. Quatre cas d’insertion techno-esthétique L’objet, lieu d’une technophanie, se fait donc interface, couplant culture et technicité. Frédéric Pascal s’est employé à questionner l’objet technique en tant qu’interface sonore à travers son intervention sur le design sonore, programme de développement de produits industriels datant du milieu des années 1990. Des objets fétiches comme le Zippo, la Harley Davidson, la Porsche possèdent ainsi une signature sonore, mettant en avant l’opération dont ils sont le siège : le grondement d’un moteur de Harley Davidson se fait l’indice de toute sa mécanique. Le design sonore nous incite à ralentir sur la notion simondonienne de modulation, manifestant une opération de transformation continue d’un signal tout en donnant une importance particulière au récepteur compris comme démodulateur, celui-ci recevant l’onde porteuse chargée de sens. Deux points importants lient alors la problématique du design sonore à la pensée simondonienne : l’information portée par le son ne se limite pas à la sphère de l’émetteur mais donne toute son importance au milieu et au récepteur (le moteur de Harley Davidson est apprécié de l’amateur mais trouble le calme de celui qui n’y est
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pas sensible) ; le phénomène de signature sonore offre un point d’accroche privilégié avec la question de la techno-esthétique, cette techno-esthétique du son manifestant une tension entre ce qui traduit l’opérativité de l’objet et ce qui relève d’une esthétisation de ce son. Sébastien Bourbonnais s’est ensuite intéressé à la notion d’architecture numérique, courant architectural exploitant l’outil informatique dans la recherche de structure formelle complexe. L’architecture numérique questionne ainsi une concrétisation techno-esthétique (par analogie avec la concrétisation technique) dans le domaine architectural. Si dans L’Invention dans les techniques, Simondon se concentre uniquement sur des exemples techniques d’architecture (comme la voûte gothique, élément technique extériorisé), l’importance donnée à une psychosociologie de la technicité ouvre l’objet architectural à une triple identité : technique, technoesthétique et sociale. Dans la recherche de nouvelles formes au carrefour de ces différents champs, l’outil informatique permet ainsi l’exploration d’un inconscient numérique, d’une multitude de grammaires structurelles définissant une véritable esthétique du « lâcher-prise ». Enfin, les deux dernières séances ont été l’occasion d’interroger le design sous des formes plus technicisées suivant deux échelles opposées : l’astrophysique et les nanotechnologies. Vincent Minier, astrophysicien, a insisté sur la notion de milieu associé dans la conception de télescopes spatiaux comme Herschel, lancé en 2009. La conception d’un tel objet nécessite, tout d’abord, la prise en compte d’un espace radioactif environnant, Ariane 5 lâchant ses satellites dans l’ionosphère, couche atmosphérique supérieure bombardée d’ultraviolets. La conception d’un télescope spatial doit, en outre, intégrer la localisation de points de Lagrange nécessaires à la détermination de son orbite, ceux-ci faisant partie du fonctionnement même du satellite. Pour finir, Sacha Loeve a clôturé ce séminaire autour des nanotechnologies et leurs représentations. Contre un triple préjugé à l’œuvre dans la physique atomique en termes d’inaccessibilité, de bifurcation et d’exclusion, les images des nano technologies appellent un nouveau regard. Ces trois préjugés énoncent respectivement l’impossibilité de percevoir les atomes comme une limite de principe, la disjonction entre l’hypothèse scientifique et son évidence sensible, et l’impossibilité de concilier une science de l’atome à son expérience sensorielle. Or, les atomes individuels sont devenus accessibles, ayant été rendus sensibles par la microscopie à sonde locale. Les images du nano-monde ne fonctionnent plus en régime de bifurcation mais en régime de conjonction entre série objective et série sensible, ce fonctionnement conjonctif définissant ce que Loeve appelle des images-objets. Les nanotechnologies offrent alors, non un champ de science fondamentale, mais un champ de technologie fondamentale : les nanotechnologies manifestent ainsi un processus de design transposé, ce design moléculaire présentant l’unité d’un projet de design tout en faisant intervenir des compétences différentes. Design sonore, architecture, astrophysique et nanotechnologies offrent des situations opératoires à travers lesquelles les réflexions techno-esthétiques de Simondon trouvent un écho. Cette rencontre entre philosophes et designers appellent à
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poursuivre l’investigation de ce champ problématique entre technique et société qu’est le design, cherchant à éclairer ce geste qu’est la conception de notre environnement technique. Si la pensée de Gilbert Simondon semble précieuse pour penser ce champ complexe que forme le design, une question se pose toutefois : la pensée simondonienne du design ne reste-t-elle pas prisonnière de la vision de l’époque – celle de « l’esthétique industrielle » des Souriau, Viénot et Patrix ? Et, de ce fait, est-ce la pensée simondonienne du design qui force l’intérêt de ce programme, ou bien une philosophie simondonienne pour le design, mettant au travail ses concepts pour formaliser une nouvelle compréhension de ce qu’est et de ce que peut le design aujourd’hui ? Ce séminaire n’a pas tranché la question, laissant cette interrogation en suspens pour de futures rencontres.