Diagnostic et traitement des tumeurs débutantes de l’ampoule de Vater B. NAPOLÉON (Lyon)
Les tumeurs de l’ampoule de Vater sont essentiellement représentées par les adénomes et les adénocarcinomes. Le risque ganglionnaire des adénocarcinomes est principalement dépendant de l’infiltration en profondeur. En l’absence d’atteinte de la sousmuqueuse duodénale, le risque est considéré comme nul (30 % si sm +). Les lésions bénignes et les adénocarcinomes respectant la sous-muqueuse et réséqués en totalité peuvent donc être guéris par un traitement endoscopique. Ces dernières années, plusieurs études ont validé celui-ci comme le traitement de référence des tumeurs débutantes, évitant ainsi une chirurgie lourde. Le diagnostic, le staging et le traitement endoscopique de ces tumeurs restent cependant complexes nécessitant une approche rigoureuse. DIAGNOSTIC D’ADÉNOME AMPULLAIRE Anatomiquement, la présence de plusieurs tissus et organes se rejoignant dans l’ampoule rend l’approche diagnostique délicate. C’est l’endoscopie qui posera le diagnostic de lésion ampullaire, l’histologie affirmant l’adénome et orientant vers le tissu d’origine (duodénal, ampullaire, pancréatique ou biliaire). Trois modes de découverte sont habituels — Les patients symptomatiques sont principalement retrouvés dans les séries chirurgicales. Les lésions sont plus souvent néoplasiques et avancées que pour les autres modes de découverte. Ce mode de découverte est retrouvé également chez 20 % des patients bénéficiant d’une ampullectomie endoscopique à visée curative. — Chez les patients porteurs de polyadénomatose familiale (PAF), la surveillance de l’ampoule est systématiquement conseillée par endoscopie et biopsies (recommandations SFED). La présence d’un adénome ampullaire est une évolution pratiquement constante avec le temps mais seules les lésions en dysplasie de bas grade (DBG) d’une taille supérieure au centimètre ou des lésions en dysplasie de haut grade (DHG) seront des indications d’exérèse. Un traitement conjoint des adénomes duodénaux sera à envisager, parfois en priorité. — La découverte fortuite de tumeurs ampullaires lors de la gastroscopie est en très nette progression et représente plus du tiers des patients dans les séries d’ampullectomies endoscopiques françaises. Un examen systématique de l’ampoule de vater en gastroscopie doit donc être conseillé. 462
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Place de l’endoscopie Endoscopiquement, une tumeur ampullaire peut se présenter sous trois formes : végétante, bombante sans anomalie muqueuse visible (développement endo-ampullaire) ou mixte. Le diagnostic endoscopique a ses limites : la vision axiale d’un gastroscope n’est pas la plus adaptée. Néanmoins, l’existence d’une hypertrophie ampullaire, en particulier si elle comporte un aspect pseudo-villeux doit alerter et conduire à la biopsie. En présence d’un simple bombement du capuchon de l’ampoule, les biopsies par endoscopie n’auront pas d’utilité. Si la lésion fait plus d’un centimètre ou s’il existe des symptômes, une duodénoscopie et une échoendoscopie (EE) complémentaire seront souhaitables pour éliminer un ampullome à développement endocanalaire. Place de la biopsie Les biopsies seront réalisées au mieux avec un duodénoscope. Un problème fréquent et nécessitant une grande expertise de l’anatomopathologiste est la distinction entre un foyer d’adénome en DBG et un simple foyer inflammatoire régénératif. Il faudra interpréter les résultats à la lumière du contexte endoscopique et clinique. Chez un patient présentant un syndrome d’obstacle ampullaire ou une tumeur endoscopique indiscutable, le diagnostic de DBG est suffisant pour conclure à un ampullome. Il est nécessaire d’être beaucoup plus prudent chez un patient asymptomatique ayant une ampoule simplement hypertrophiée en gastroscopie et des biopsies concluant à une DBG. Avant d’envisager un traitement, une duodénoscopie avec de nouvelles biopsies ou une double lecture anatomopathologique est indispensable. Dans les formes de développement endo-ampullaire, une sphinctérotomie sera parfois nécessaire pour permettre des biopsies profondes et pour conclure au diagnostic. Place des autres examens Seule l’EE peut parfois évoquer une tumeur endoampullaire quand l’endoscopie est en défaut. STAGING Il est fondamental avant d’envisager le traitement. L’approche endoscopique ne peut être curative que sur des tumeurs débutantes sans infiltration de la sous-muqueuse duodénale (sm -). Techniquement, l’existence d’une extension tumorale remontant dans Acta Endoscopica
le cholédoque ou le wirsung ne pourra être réséquée. Le staging doit donc permettre de sélectionner des tumeurs sm - et sans extension endocanalaire. L’endoscopie La présence d’une ulcération ampullaire sur le capuchon muqueux, à distance de l’orifice papillaire, permet de conclure à une lésion ayant traversé la sous-muqueuse duodénale et à traiter chirurgicalement. L’EE Elle permet de visualiser la musculeuse duodénale et d’examiner les ganglions péripancréatiques. Ses performances sont bonnes (90 % d’efficacité) pour sélectionner les tumeurs uT1 mais insuffisantes pour le staging ganglionnaire. Une extension tumorale à la sous-muqueuse duodénale ne peut par ailleurs pas être exclue. L’EE permet également de visualiser des bourgeons remontant dans le cholédoque ou le wirsung avec une très bonne efficacité (> 90 %). L’examen devra préférentiellement être réalisé avant tout geste thérapeutique. La sphinctérotomie ou la pose de prothèse peuvent en effet diminuer les performances sur le staging pariétal. Une chirurgie sera indiquée en cas de lésions > uT1 et/ou avec une infiltration endocanalaire. En présence d’une tumeur uT1 en EE et sans adénocarcinome aux biopsies, il pourrait être tentant de proposer une ampullectomie endoscopique. Le risque d’un envahissement de la sous-muqueuse par un adénocarcinome méconnu reste cependant notable (13 % dans notre série personnelle) incitant à réaliser une minisonde d’endosonographie biliaire (MS). Les minisondes d’endosonographie biliaire (MS) Elles utilisent des fréquences élevées (20 MHz) qui permettent de visualiser la sous-muqueuse duodénale et le sphincter d’Oddi. Elles sont introduites dans l’ampoule sur un fil guide au décours d’une CPRE. Les études sont prometteuses avec des performances autour de 90 % pour apprécier l’extension à la sousmuqueuse. L’impact thérapeutique est important avec la réalisation d’une ampullectomie endoscopique curative dans 81 % des cas. Une ampullectomie inutile (envahissement de la sous-muqueuse) est par ailleurs évitée dans 20 % des cas. LE TRAITEMENT ENDOSCOPIQUE
rieur) peut être nécessaire. Des tumeurs de gros volume (> 3 cm) ou avec une large diffusion en surface dans le duodénum peuvent être réséquées en plusieurs fragments. Les complications ne sont pas rares : pancréatite (15-20 %), hémorragie (10-15 %), ou perforation (1-3 %), mais généralement peu sévères. Elles sont plus fréquentes chez les patients asymptomatiques. Actuellement, un consensus se fait pour systématiquement poser une prothèse pancréatique pour limiter les risques de pancréatite secondaire. Pour considérer le traitement endoscopique comme satisfaisant, deux critères histologiques doivent être documentés : — l’existence ou non d’un foyer d’adénocarcinome envahissant la sous-muqueuse duodénale ; — la persistance de tissu pathologique au niveau de la tranche de section profonde. Si la résection profonde n’est pas histologiquement en tissu sain, deux situations peuvent se présenter. Si le contrôle endoscopique est rassurant, il sera nécessaire de contrôler les biopsies et de compléter la sphinctérotomie du cholédoque pour exposer au mieux les canaux. Si le contrôle endoscopique montre la persistance de tissu tumoral, une ampullectomie endoscopique itérative peut être tentée si elle est techniquement possible ; sinon, il faudra choisir, en fonction des circonstances, entre un geste chirurgical ou une destruction thermique complémentaire par plasma argon. Si l’exérèse initiale paraît complète en profondeur et que le contrôle endoscopique avec biopsies est satisfaisant, le patient rentre alors dans le protocole de surveillance. SUIVI ET RÉSULTATS En cas d’exérèse complète, aucun protocole de surveillance n’est validé. En l’absence d’adénocarcinome sur la pièce d’exérèse, un suivi de 3 ans incluant endoscopie + biopsies (tous les 6 mois pendant 2 ans et à 3 ans), échoendoscopie et cholangiographie rétrograde (à 1 an et 3 ans) peut être proposé. En présence d’un adénocarcinome, le suivi pourra être poursuivi à 4 et 5 ans et une échographie abdominale annuelle conseillée. Le suivi à 3 ans retrouve 10 à 25 % de récidives locales. Un traitement itératif potentiellement efficace est effectué dans 75 % des cas. Une DPC est nécessaire dans moins de 10 % des cas.
Les méthodes de destruction thermiques décrites dans les années 80 et 90 n’ont plus cours aujourd’hui du fait de l’absence de pièce histologique disponible. C’est l’exérèse endoscopique à l’anse qui est actuellement le traitement endoscopique de référence des tumeurs débutantes de l’ampoule de Vater.
Un suivi coloscopique sera également nécessaire, les associations de tumeurs étant fréquentes.
Le geste a pour objectif de réséquer l’ensemble de la structure ampullaire, idéalement en un fragment. Chez les patients antérieurement sphinctérotomisés, une résection en deux fragments (antérieur et posté-
En quelques années, la prise en charge des tumeurs ampullaires débutantes s’est considérablement modifiée. La possibilité d’un dépistage lors de la gastroscopie existe et permet de découvrir des lésions à un
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CONCLUSION
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stade précoce. Un contrôle de biopsies par duodénoscopie sera le plus souvent nécessaire du fait des limites de la vision axiale et de la difficulté de lecture des biopsies par des anatomopathologistes non experts. L’échoendoscopie est indispensable pour adresser au chirurgien les tumeurs avancées (>T1) et les lésions avec envahissement endocanalaire. Pour les tumeurs débutantes, un examen par minisonde sera idéalement réalisé avant l’exérèse endoscopique pour rechercher un envahissement de la sousmuqueuse qui contre-indiquerait le geste. Une résec-
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tion « monobloc » à l’anse diathermique doit être privilégiée. Les méthodes de destruction seront réservées à des situations particulières. Les complications sont fréquentes mais le plus souvent peu sévères si l’opérateur est entraîné, capable de mettre en place une prothèse pancréatique et d’utiliser des clips hémostatiques avec un duodénoscope. Les résultats à long terme sont satisfaisants permettant de considérer actuellement le traitement endoscopique comme la référence en cas de tumeurs débutantes de l’ampoule de Vater.
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