Colon Rectum (2009) 3:77-83 DOI 10.1007/s11725-009-0147-7
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE
Outils isotopiques pour les MICI : PET et PET-CT Isotopic Tools for IBD: PET and PET-CT R. Hustinx · E. Louis © Springer-Verlag 2009
Les points essentiels – Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont des pathologies qui nécessitent le développement de techniques d’exploration non invasives ; – une évaluation transpariétale et globale du tube digestif est probablement préférable à la simple évaluation muqueuse fournie par l’endoscopie ; – le PET-CT permet de coupler des informations fonctionnelles (inflammation) et anatomiques avec une procédure très bien acceptée par les patients ; – la sensibilité pour la détection des lésions inflammatoires visibles à l’endoscopie est élevée et la valeur prédictive négative pour les lésions sévères (sténose, ulcères creusants) est proche de 100 % ; – le PET-CT réalisé selon une procédure standard entraîne une irradiation de 10 mSev, mais des adaptations techniques devraient permettre de réduire celle-ci aux alentours de 5 mSev.
Les références essentielles Brewer S, McPherson M, Fujiwara D, et al (2008) Molecular imaging of murine intestinal inflammation with 2-deoxy-2-[18F] fluoro-D-glucose and positron emission tomography. Gastroenterology 3:744–755 Bicik I, Bauerfeind P, Breitbach T, et al (1997) Inflammatory bowel disease activity measured by positron-emission tomography. Lancet 350(9073):262
R. Hustinx (*) Service de médecine nucléaire, centre hospitalier universitaire de Liège, campus universitaire du Sart Tilman, B35, 4000 Liège 1, Belgique e-mail :
[email protected] E. Louis (*) Service de gastroentérologie, centre hospitalier universitaire de Liège, campus universitaire du Sart Tilman, B35, 4000 Liège 1, Belgique e-mail :
[email protected]
Neurath MF, Vehling D, Schunk K, et al (2002) Non-invasive assessment of Crohn’s disease activity: a comparison of 18F-fluorodeoxyglucose positron emission tomography, hydromagnetic resonance imaging and granulocyte scintigraphy with labeled antibodies. Am J Gastroenterol 8: 1978–1985 Louis E, Ancion G, Colard A, et al (2007) Noninvasive assessment of Crohn’s disease intestinal lesions with (18)F-FDG PET-CT. J Nucl Med 7:1053–1059 Schulthess GK, Schlemmer HP (2009) A look ahead: PET-MR versus PET-CT. Eur J Nucl Med Mol Imaging 36(Suppl 1): S3–S9
Les cinq points d’EBM – La sensibilité du PET-CT pour la détection des lésions endoscopiques de MICI est de l’ordre de 70 % ; la sensibilité du PET-CT pour la détection des lésions endoscopiques sévères (sténoses et ulcères creusants) de MICI est proche de 100 % ; – la spécificité du PET-CT pour la détection des lésions endoscopique de MICI est de l’ordre de 65 % ; – la sensibilité du PET-CT pour la détection des lésions endoscopiques de MICI est supérieure à celle de l’entéro-RMN, particulièrement pour les lésions non sévères ; – le PET-CT ne nécessite pas de préparation particulière et sa réalisation, selon un protocole standard, entraîne une irradiation de l’ordre de 10 mSev.
Résumé Compte tenu du caractère chronique et récidivant des MICI, l’évaluation non invasive de l’activité de la maladie est une question clinique éminemment pertinente. L’endoscopie reste bien entendu le standard de référence, mais ses limites sont bien connues, justifiant l’activité scientifique considérable visant à développer des méthodes alternatives d’imagerie. Dans cette optique, la médecine nucléaire, par le caractère fonctionnel de ses explorations, propose une approche originale. Ce caractère largement,
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voire exclusivement, fonctionnel peut également constituer une limite, en particulier lorsque l’information anatomique fait totalement défaut. Les progrès technologiques récents tendent à combiner le meilleur des deux mondes, réunissant dans la même machine tomographie à positons (PET scan) et tomodensitométrie (TDM ou CT scan) d’une part, scintigraphie (SPECT) et CT scan d’autre part. Le PETCT utilisant le traceur le plus commun, le FDG, est un outil puissant, car très sensible dans la reconnaissance des processus inflammatoires actifs dans les MICI. Les limites des méthodes isotopiques seront discutées, en particulier l’aspect relatif aux effets délétères de l’exposition aux rayonnements ionisants et les moyens possibles de les limiter autant que faire se peut. Enfin, des perspectives seront dressées pour l’avenir, mettant à nouveau l’accent sur le progrès technologique avec l’avènement de machines hybrides combinant PET scan et IRM. Mots clés MICI · PET · PET-CT Abstract Due to the chronic and relapsing character of inflammatory bowel diseases (IBD), the development of non-invasive explorations is a key clinical issue. Endoscopy remains the gold standard for the exploration of IBD but its limits are well-known stimulating the research for alternative imaging techniques. From this point of view, nuclear medicine, offers an original option through its functional approach to exploration. However, this principally, even purely functional aspect may represent a drawback, particularly when anatomical information is completely lacking. Recent technical progresses tend to bring together the best of both worlds, combining positron emission tomography (PET scan) and tomodensitometry (TDM or CT scan) on the one hand, and scintigraphy (SPECT) and CT scan on the other hand, in the same machine. PET-CT using the common FDG tracer is a powerful tool as it is highly-sensitive to recognizing active inflammatory processes in IBD. Limitations of isotopic techniques will be discussed, particularly the issues relevant to the pernicious effects of exposure to ionizing radiation and the ways and means feasible to limiting them as much as possible. Perspectives for the future will also be drawn up, highlighting the technical development of hybrid machines coupling PET and MRI. Keywords IBD · PET · PET-CT
Introduction Les techniques de médecine nucléaire interrogent les aspects fonctionnels, métaboliques, voire moléculaires des pathologies étudiées. La maladie de Crohn (MC) et la
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rectocolite ulcérohémorragique sont des maladies inflammatoires chroniques du tractus digestif, médiées par le système immunitaire. Considérant l’importance de la réaction inflammatoire muqueuse ou sous-muqueuse et de la migration cellulaire qui l’accompagne, dans la physiopathologie de ces affections, il apparaît assez logique que la scintigraphie aux leucocytes marqués ait constitué, jusque récemment, le principal examen isotopique à la disposition des cliniciens. La tomographie à émission de positons (TEP ou PET suivant l’acronyme anglo-saxon) offre de nombreux avantages par rapport aux techniques scintigraphiques monophotoniques classiques. Le PET scan fournit des images tridimensionnelles, potentiellement quantitatives, et hautement résolutives de la distribution du traceur dans l’organisme. Les progrès réalisés dans les cristaux détecteurs et dans l’électronique d’aval ont considérablement raccourci les durées d’acquisition, c’est-à-dire, le temps passé par le patient dans le scanner. Les machines actuelles réalisent une exploration du corps entier dite « oncologique », soit de la base du crâne aux creux inguinaux en une dizaine de minutes. Ces cristaux plus sensibles offrent également la possibilité de réduire la dose injectée au patient, et, par conséquent, son exposition aux rayonnements ionisants, au prix d’un léger allongement du temps d’acquisition. Cet aspect n’est pas négligeable chez des patients souffrant d’une maladie chronique et dont un nombre significatif devra être exploré de façon répétée tout au long de la vie. Actuellement, tous les scanners PET qui sont commercialisés sont des machines hybrides, associant un PET scanner et un scanner à rayons X. Les deux examens, PET et CT, sont donc réalisés dans la foulée, fournissant en une session d’imagerie unique la combinaison de l’information métabolique (PET) et de l’information anatomique (CT). Le traceur le plus utilisé est le 18F-fluoro2-déoxyglucose (FDG), dont la captation est proportionnelle à l’activité glycolytique cellulaire. Ce traceur, largement disponible et de moins en moins coûteux, se prête particulièrement bien à l’exploration des processus inflammatoires [1]. Enfin, nous verrons que de nouvelles perspectives s’ouvrent avec le développement d’appareils combinant PET scanner et imagerie par résonance magnétique (PET-MR) [2].
PET et PET-CT au FDG La captation du FDG est augmentée dans la plupart des cellules cancéreuses, ce qui fait du PET-CT au FDG un outil essentiel dans la mise au point de nombreuses pathologies oncologiques. La captation du FDG n’est, cependant, pas limitée aux cellules malignes, et les cellules inflammatoires représentent également une source importante d’accumulation du traceur [3]. Brewer et al. ont
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récemment investigué le substrat moléculaire de l’accumulation intestinale du FDG dans un modèle murin, à l’aide de microPET et microCT scanners [4]. De façon très élégante, ils démontrent que la captation de FDG est corrélée, quantitativement, à l’activité inflammatoire et directement liée à l’hyperexpression du transporteur membranaire GLUT1 par les lymphocytes T CD4+ de la muqueuse intestinale. Cette augmentation de captation survient de façon très précoce, de telle sorte que l’imagerie permet la visualisation d’une inflammation active, à un stade préclinique. Enfin, la modulation du processus inflammatoire, exacerbé par un traitement par piroxicam ou réduit par un traitement par anti-IL1A, s’accompagne également de modifications de la captation de FDG, vers le haut ou vers le bas, suivant le type de traitement. C’est en 1997 que Bicik et al. suggèrent, pour la première fois, d’utiliser le PET au FDG dans le cadre des MICI [5]. En 1999, Skehan et al. rapportent la première série clinique portant sur 25 patients pédiatriques, âgés de 7 à 18 ans et souffrant de MC (15 cas), de rectocolite ulcéreuse hémorragique (RCUH) [trois cas] ou de diarrhée et/ou douleurs abdominales aspécifiques (sept cas) [6]. L’activité métabolique était évaluée de façon visuelle et semi-quantitative, à l’aide d’une échelle à quatre points. Suivant cette méthodologie, la sensibilité est de 81 % et la spécificité de 85 % pour l’analyse par patients. Utilisant l’histologie ou le transit grêle comme référence, la sensibilité est de 71 % et la spécificité 81 % dans l’analyse par segments digestifs. Ces résultats encourageants sont confirmés par le même groupe sur une série plus large, incluant 65 enfants dont 37 au bilan initial d’une MICI, 18 présentant une MICI établie et des signes évolutifs, et dix des douleurs abdominales récidivantes sans diagnostic de MICI [7]. Une maladie active est correctement identifiée par PET scan dans 80 % des cas, la technique étant également performante dans la MC (81,5 % correctement identifiés) et la RCUH (76,4 %). Une corrélation forte et significative est observée entre l’imagerie métabolique et les données de l’endoscopie. En outre, aucun des enfants souffrant de douleurs abdominales récidivantes ne montrait d’anomalie au PET scan. Neurath et al. ont étudié une population adulte de 91 patients, dont 59 avec une MC cliniquement active, 12 avec un syndrome de l’intestin irritable et 20 patients oncologiques à titre de sujets témoins [8]. Tous ont bénéficié d’un PET scan au FDG et d’une entéro-IRM (après opacification orale par une solution de mannitol), à l’exception des sujets cancéreux chez qui seul le PET a été réalisé. Une colonoscopie était réalisée chez 28 patients avec une MC. Si les deux techniques se révèlent hautement spécifiques (89 % pour le PET, 93 % pour l’IRM), l’imagerie métabolique détecte plus de segments pathologiques que l’IRM (127 vs 89). Il est à noter que 84/89 segments pathologiques en IRM étaient, également, identifiés en PET. L’essentiel des segments, seulement visibles en
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PET, étaient localisés dans les segments distaux par rapport au côlon ascendant. La sensibilité du PET et de l’IRM était de 85 et 67 %, respectivement, lorsque l’endoscopie était considérée comme le standard de référence. Sur le plan méthodologique, c’est l’appréciation visuelle de l’activité métabolique qui donnait les meilleurs résultats. En effet, la méthode quantitative à l’aide du SUV (standard uptake value) ne montrait pas de corrélation avec les scores clinique (CDAI), biologique ou endoscopique. À l’inverse, d’autres investigateurs ont rapporté d’excellents résultats en utilisant un score métabolique basé sur le ratio d’activité des segments digestifs par rapport au foie sain (SUVsegment/SUVfoie > 1,2) [9]. Avec l’histologie comme standard de référence, la sensibilité et la VPN du PET sont de 98 %, au prix d’une spécificité et d’une VPP suboptimale (68 et 75 %). La série était limitée et hétérogène, cependant, avec 17 MC, deux RCUH et six colites-entérites d’origine diverse. Ainsi, toutes les données publiées indiquent une bonne sensibilité du PET au FDG pour identifier les segments digestifs enflammés, quel que soit l’âge de la population étudiée. La spécificité est plus variable, ce qui est compréhensible compte tenu de l’activité non spécifique fréquemment observée avec le FDG, en particulier au niveau du côlon [10]. Dans cette optique, l’addition de l’information anatomique, même limitée lorsque le CT est obtenu en mode low dose et sans contraste IV, se révèle précieuse. En effet, sur une revue systématique de plus de 3 000 examens PETCT réalisés pour des indications oncologiques, Kamel et al. ont montré que l’association d’une anomalie métabolique, soit une hyperfixation digestive focale ou segmentaire, et d’une anomalie structurelle, sous la forme d’un épaississement pariétal ou d’une anomalie de densité, était expliquée par une pathologie tumorale inflammatoire ou autre dans 87 % des cas vérifiés à l’endoscopie [11]. L’imagerie hybride PET-CT est investiguée de façon croissante dans le cadre des MICI. Dans la première étude, publiée par Louis et al., un PET-CT au FDG a été réalisé de façon prospective chez 22 patients avec un diagnostic établi de MC et une suspicion de réactivation, sur base clinique et/ou biologique [12]. Dans tous les cas, une iléocolonoscopie était réalisée dans la semaine précédant le PET-CT, le Crohn’s disease endosopy index of severity (CDEIS) et le Crohn’s disease activity index (CDAI) étaient calculés, et les taux sériques de CRP mesurés, de même que la calprotectine fécale. Globalement, la sensibilité pour détecter les lésions endoscopiques était de 72,9 %, soit 35/48 segments endoscopiquement positifs. Ne considérant que les lésions endoscopiques sévères, ulcères profonds et sténoses, la sensibilité était cependant de 100 %. Par ailleurs, le score global obtenu au PET-CT est significativement corrélé aux scores endoscopique (CDEIS), clinique (CDAI) et biologique (CRP) d’activité de la maladie. Il est à noter que le CT était réalisé dans cette étude en mode low dose (120 kV, 50 mAs) et sans produit de
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contraste IV. Il était simplement demandé au patient de boire un litre d’eau dans l’heure précédant l’examen, à titre d’agent de contraste endoluminal négatif. Dans ces conditions, le CT est essentiellement utile à la localisation des anomalies métaboliques identifiées en PET. Un épaississement pariétal était noté à chaque fois qu’il était présent, mais à la différence du score métabolique, ce paramètre n’est pas associé de façon indépendante à la présence de lésions muqueuses, comme le montre une analyse par régression logistique. Afin d’améliorer la reproductibilité de l’interprétation des images, une analyse ROC a été réalisée, faisant varier les ratios SUVsegment digestif/SUVfoie. Il apparaît qu’un ratio de 1,47 permet d’identifier toutes les lésions sévères, avec une spécificité de 67 % (Fig. 1). Il est possible que cette valeur soit sous-estimée, le standard de référence étant l’endoscopie dans cette étude. Seules les atteintes muqueuses macroscopiquement visibles étaient donc retenues, alors qu’il n’est pas impossible qu’un hypermétabolisme pariétal soit, dans
certains cas, le reflet d’un processus inflammatoire infraclinique [4]. Dans une étude récente, Rubin et al. rapportent la présence d’un hypermétabolisme colique pathologique chez 3/10 patients souffrant d’une RCUH quiescente, c’est-àdire en rémission clinique et endoscopique, semblant confirmer cette hypothèse [13]. Cela reste cependant à vérifier et à quantifier dans des études cliniques plus larges et bénéficiant d’un recul suffisant. Enfin, Meisner et al. rapportent, également, une bonne corrélation entre l’activité de la maladie et l’évaluation PET-CT sur une série de 12 patients, dont sept avec une MC et cinq avec une RCUH [14]. On le voit, si les données restent limitées et certainement perfectibles sur le plan méthodologique, il existe, actuellement, un solide faisceau d’arguments supportant, à tout le moins, la poursuite de l’évaluation clinique du PET-CT dans les MICI [15]. Il apparaît d’emblée que la technique ne peut être proposée comme outil de screening. Le coût et l’accessibilité d’une part, la spécificité suboptimale d’autre part sont des obstacles évidents, et de toute façon, ce n’est vraisemblablement pas dans ce rôle que les besoins cliniques sont les plus évidents. En revanche, le PET-CT pourrait se révéler extrêmement utile chez des patients souffrant d’une MICI connue et chez qui la question d’une réactivation se pose, sur base clinique ou biologique. Dans ce cadre, il n’est pas déraisonnable d’imaginer un premier tri par PET-CT. Compte tenu d’une sensibilité et d’une valeur prédictive négative élevées, un résultat négatif permettrait d’exclure une évolution inflammatoire et de s’orienter vers une pathologie fonctionnelle, fréquente chez ces patients. Un résultat positif devrait cependant être confirmé au moins biologiquement (CRP, calprotectine fécale), voire endoscopiquement. Une seconde population cible potentielle est celle des patients en rémission clinique, dont on sait que certains vont évoluer vers des complications à long terme. Comme démontré dans des études pilotes, la grande sensibilité du PET, qui n’est pas limitée à l’atteinte muqueuse, pourrait identifier un sousgroupe de patients susceptible de bénéficier d’une approche thérapeutique plus agressive, afin d’éviter ces complications tardives irréversibles [4,13]. À ce stade, ces considérations restent spéculatives, mais les éléments dont nous disposons indiquent qu’il est légitime de tester ces hypothèses de façon appropriée.
Fig. 1A Il s’agit d’une patiente de 37 ans, souffrant d’une MC depuis 12 ans, qui n’est plus traitée depuis six mois. Elle se plaint de douleurs abdominales et de diarrhées (six selles liquides par jour). La CRP est normale. Le PET montre un hypermétabolisme diffus du cadre colique (Fig. 1A. Image de projection 3D). Les images de fusion permettent de localiser clairement les sites inflammatoires les plus sévères, à savoir la jonction iléocolique (Fig. 1B) et l’angle splénique (Fig. 1C). Le ratio des SUV par rapport au foie est supérieur à 1,5, témoignant d’une maladie active
Dosimétrie Les MICI sont des maladies inflammatoires chroniques requérant la réalisation de multiples explorations tout au long de la vie des patients. Parmi les méthodes d’imagerie et à la différence de l’IRM, le PET-CT et le CT font appel aux rayonnements ionisants. Il est donc essentiel de se préoccuper de la dose reçue par le patient lors de chacun des examens, mais aussi de la dose cumulée qui est
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susceptible de résulter de l’addition de tous les examens sur une vie entière. Ainsi, une série de 103 patients soufrant d’une MC diagnostiquée entre 1990 et 2001 a été suivie pendant 8,9 ans en moyenne, et la dose efficace cumulée, liée à l’exploration et au suivi de la MC, a été calculée [16]. Celle-ci est très variable, oscillant de 0 à 279 mSv, avec une valeur médiane de 26,6 mSv. Le CT contribue à environ la moitié de cette dose. De façon assez logique, un diagnostic réalisé dans l’enfance et une sévérité élevée de la maladie sont des facteurs associés à une dose cumulée plus élevée [17]. S’il apparaît que la valeur médiane reste largement acceptable en termes de risque, tout doit être mis en œuvre pour réduire l’exposition globale, en gardant, cependant, à l’esprit le résultat clinique recherché. Ainsi, la dose délivrée
par un PET-CT tel que réalisé dans l’étude de Louis et al. est de l’ordre de 10 mSv, également répartis entre l’irradiation liée au FDG et celle résultant du CT [18]. En fonction du choix de l’opérateur, les appareils les plus modernes peuvent être utilisés avec une dose de FDG réduite de moitié. Le choix des paramètres d’acquisition du CT est encore plus large : utilisée à très faible courant, la qualité des images est insuffisante et ne permet pas de fournir de renseignements anatomiques pertinents. Elle permet, cependant, une correction d’atténuation et donc des images PET de haute qualité. Dans ces conditions, la dose liée au CT peut être réduite jusqu’à 3 % de la valeur associée à un scanner diagnostique classique [19]. À l’autre extrémité du spectre, il est parfaitement possible de
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combiner un PET de haute qualité et un CT diagnostique en une session d’imagerie. Par exemple, Das et al. ont réalisé un PET-CT avec entéroclyse chez 17 patients, obtenant des images de grande qualité [20]. La question est de pondérer le niveau d’exposition (et l’inconfort du patient) en fonction du bénéfice clinique attendu. Le même exercice doit être réalisé lorsqu’il s’agit de comparer le PET-CT avec des méthodes non irradiantes, en particulier l’IRM.
Perspectives Les développements de la médecine nucléaire suivent deux axes : la mise au point de traceurs alternatifs et les progrès technologiques. Dans le domaine des MICI, peu de radiotraceurs précliniques présentent des avantages déterminants par rapport au FDG. Il est possible de marquer les leucocytes, non plus avec du 99mTc-HMPAO comme pour la scintigraphie « classique », mais avec du FDG [21]. On associe de la sorte la résolution spatiale et l’aspect quantitatif du PET à un traceur biologique, les leucocytes, qui seraient plus appropriés encore que le FDG à l’étude des processus inflammatoires, comme le suggèrent des études animales [22]. La faisabilité du PET scan aux leucocytes marqués dans les MICI a été démontrée, mais il n’existe, actuellement, aucune série clinique significative [23]. Par ailleurs, nous avons vu que le développement de machines hybrides, combinant PET et CT est une avancée technologique majeure. Parallèlement, des appareils combinant une gammacaméra et un CT scanner, appelés SPECT-CT, deviennent de plus en plus populaires. Les performances de ces CT sont souvent en deçà de celles de CT diagnostiques ou même des CT équipant les PET-CT, mais ils sont néanmoins susceptibles d’apporter une information anatomique pertinente, et donc d’améliorer les performances diagnostiques de la scintigraphie aux leucocytes marqués. Aucune étude clinique n’est disponible, mais un récent travail dans un modèle expérimental murin de colite s’est révélé très prometteur, utilisant le SPECT-CT et un anticorps monoclonal CD4+ marqué à l’111In [24]. Enfin, le développement technologique le plus enthousiasmant est certainement celui d’une troisième catégorie de machines hybrides, combinant cette fois PET et IRM [25]. Connaissant le potentiel de l’IRM dans les MICI, largement exposé ailleurs dans ce dossier thématique, l’idée de combiner les deux méthodes en une session unique d’imagerie apparaît extrêmement séduisante. En effet, au prix d’une irradiation tout à fait minime, car résultant exclusivement de l’émission du FDG, il serait possible d’obtenir des détails anatomiques et structurels très précis, y compris sur les trajets fistuleux, tout en évaluant de façon quantitative l’activité de la maladie.
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Conclusion Les outils isotopiques pour les MICI présentent l’avantage déterminant d’explorer l’aspect physiopathologique, pour les leucocytes marqués, ou moléculaire, pour le FDG, des affections. Les résultats cliniques disponibles actuellement sont résolument encourageants, en particulier pour le PETCT qui apparaît extrêmement sensible dans l’identification de la maladie active, possiblement même à un niveau infraclinique. On entrevoit d’emblée des adaptations possibles des algorithmes d’exploration, pour rationaliser au mieux l’utilisation d’une technique qui reste relativement coûteuse et dont la disponibilité est très inégalement répartie en Europe. Au stade actuel, le PET-CT au FDG doit être considéré comme un outil très prometteur, mais il est prématuré de l’envisager d’emblée comme un outil de routine clinique.
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