JEAN-MARIE KRAEMER
EVALUER POUR MIEUX COMPRENDRE LES ENFANTS ET AMELIORER SA PRATIQUE1
RÉSUMÉ. Une grande majorité des écoles primaires néerlandaises utilise le suivi des élèves développé par le Citogroep pour signaler le progrès des élèves entre 6 et 12 ans et gérer leurs apprentissages à partir de données empiriques. Ce suivi fonctionne dans ce sens comme un outil de pilotage de l’enseignement différentié et de l’amélioration des pratiques d’adaptation dans les classes et au niveau de l’école. Une telle évaluation formative et autorégulatrice centrée sur la gestion de longs processus exige un ensemble complexe de connaissances et d’aptitudes. Cela explique bon nombre de problèmes auxquels se heurtent les professeurs dans leur pratique, en particulier dans le cadre du soutien des élèves les plus en retard. Ces problèmes nous ont poussés à développer une panoplie d’outils adaptés à leurs besoins ainsi que des activités de formation ‘sur le tas’, ancrées dans l’évaluation formative pratiquée à l’école. Nous présentons dans cet article la structure, les principes et les outils de cette gestion de (l’amélioration de) l’enseignement différentié, exposons les problèmes structurels qui émergent dans la pratique et développons par-là les idées clés de notre approche expérimentale de formation. ABSTRACT. A large majority of primary schools in the Netherlands uses the followup of students’ progress developed by Citogroep to signal the progress of 6–12 years old students and monitor their learning based on empirical data. This follow-up thus works as a steering tool for promoting differential pedagogy and improvement of practices of adaptation in classes and at the school level. This kind of formative and self-regulating evaluation focused on the management of long term processes requires complex knowledge and skills, which explains the many problems facing teachers in their practice, particularly in supporting the least advanced students. These problems incited us to develop a broad range of tools, adapted to the needs of teachers, and activities to be used in their workplace, anchored in the formative evaluation practiced in their schools. In this article we present the structure, the principles and the tools of our management of the improvement of differential pedagogy, and by revealing the structural problems that emerge from practice we develop the key ideas of our experimental approach to teacher education.
1. I NTRODUCTION
L’évaluation dans le cadre de l’enseignement a toujours été une source de controverses en fonction de sa conception et de son usage. Il en est de même en ce début du 21ème siècle où deux conceptions et deux usages de l’évaluation semblent élargir le fossé qui existe par tradition entre les enseignants d’un côté et les parents, administrateurs et fonctionnaires pubEducational Studies in Mathematics 51: 95–116, 2002. © 2003 Kluwer Academic Publishers. Printed in the Netherlands.
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lics de l’autre. Les responsabilités des enseignants les poussent à évaluer dans leur classe pour taxer la qualité des apprentissages et des acquis et comprendre les processus de différentiation et les problèmes qui émergent dans le groupe. C’est sur la base de ces données qu’ils corrigent et adaptent leurs instructions en fonction des connaissances et compétences développées par la pratique. Cette évaluation personnelle des professeurs dans leur classe met en jeu l’agencement et les modalités d’un enseignement différentié au niveau de l’école. Toute équipe scolaire doit en effet trouver un consensus sur un système de différentiation qui tient compte des différentes dimensions de l’enseignement: les objectifs et contenus, les trajectoires d’apprentissage, l’approche pédagogique, l’organisation, les critères de qualité etc. Cette équipe doit définir alors une ‘philosophie’ et une ‘politique’ de différentiation qui garantit une certaine cohérence dans les mesures individuelles d’adaptation dans les classes. Dans ce sens, l’évaluation formative dans les classes s’inscrit dans une pratique d’auto évaluation et de régulation de l’équipe scolaire au niveau de l’école. Parents, administrateurs et politiciens préconisent dans leur rôle de ‘clients’, ‘gestionnaires’ et ‘garants’ de l’enseignement une évaluation régulatrice externe qui garantit la qualité des apprentissages et des acquis, à partir de critères et de conditions de gestion clairement définis. Cette double finalité et ce double usage de l’évaluation sont actuellement au centre du débat dans bon nombre de pays et cause des tensions plus ou moins polysémiques entre les enseignants, les parents, les administrateurs et les autorités publiques (Gauthier, 2000; Michel, 2000). Cette tension est particulièrement sensible aux Pays Bas. Le gouvernement met en effet la dernière main à un long processus de décentralisation et instaure un système de régulation de l’enseignement primaire qui prescrit l’usage d’un suivi des élèves dès l’entrée des enfants à l’école primaire. Ce mode de régulation est typiquement néerlandais dans la mesure où il donne un maximum d’autonomie aux écoles en garantissant un minimum de cohérence au niveau national. C’est dans ce contexte de la politique éducative que le secteur primaire du Citogroep a développé un suivi des élèves (Janssen, 2002). Son utilisation dans 95% des écoles soulève un certain nombre de problèmes qui s’expliquent par la difficulté d’interprétation de données empiriques sur de longs processus d’apprentissage (Kraemer, 2001). Ces problèmes nous ont poussés à intégrer le suivi des élèves dans un ‘système de soin différentié’. Ce système comprend tous les instruments dont les enseignants ont besoin au cours du processus de soutien des élèves. Nous avons de plus entrepris le développement d’une approche de formation continue ‘sur le tas’ ancrée dans l’utilisation de notre suivi comme instrument de pilot-
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age de l’amélioration de la pratique. Les cycles de formation alternent les sessions collectives de recherche, réflexion et discussion avec des leçons expérimentales individuelles dans les classes à partir des constructions qui émergent du travail collectif. Cette formation favorise ainsi le développement d’une ‘nouvelle culture d’évaluation’ mise en question par le comité international du programme de la CIEAEM54 (Giménez et al., 2002). Cet article justifie les activités expérimentales de formation développées par la section de mathématiques du secteur primaire du Citogroep. Nous introduisons d’abord notre suivi des élèves en esquissant le cadre politique de l’enseignement différentié et en distinguant trois niveaux complémentaires d’évaluation. A partir de ce cadre et des perspectives innovatrices néerlandaises, nous précisons les fonctions de ce suivi dans notre système de soin différentié, par rapport à celle des outils complémentaires de ce système. Ceci nous mène à expliciter les principes et idées directrices de notre approche de formation en partant des problèmes des utilisateurs de nos outils dans leur pratique d’adaptation. Le cycle d’activités présenté ensuite concrétise ces principes et idées et soulève trois thèmes de réflexion exposés en conclusion.
2. C ONTEXTE POLITIQUE NÉERLANDAIS
La loi de l’enseignement de base de 1985 a engagé les enseignants et les écoles primaires néerlandaises dans un processus de changement selon une logique de politique éducative déterminée par la constitution. Cette logique équilibre les responsabilités des enseignants et des services publics. Elle donne aux écoles une grande liberté d’adaptation des innovations aux conditions locales et garantit en même temps une certaine cohérence dans ces adaptations par un système de régulation typiquement néerlandais. C’est dans ce contexte et ces conditions de politique innovatrice que le Citogroep a développé de nouveaux instruments d’évaluation. Ces instruments permettent aux enseignants, aux équipes scolaires et aux services publics de piloter le changement à leur propre de niveau de responsabilité. Nous introduisons dans ce paragraphe le suivi des élèves comme outil de pilotage des adaptations dans les classes et au niveau de l’école par le biais du cadre constitutionnel et législatif et des trois types d’évaluation complémentaires pratiqués aux Pays-Bas.
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2.1. Cadre constitutionnel et législatif du pilotage Le système éducatif néerlandais est très particulier par la façon dont il fait coexister enseignement public et enseignement privé en leur reconnaissant une valeur égale. La liberté d’inspiration et d’organisation de l’enseignement, inscrite dans la constitution, permet à d’innombrables groupes de parents de donner à leurs enfants une instruction en accord avec leurs idéaux et leurs convictions. Elle permet par contre-coup aux enseignants d’adapter les contenus et la structure de leur enseignement à la ‘philosophie’ de leur école. C’est la loi de 1985 sur l’enseignement de base qui, dans ce cadre constitutionnel, a introduit une forme de régulation du changement typiquement néerlandaise: le pilotage à la base. Cette loi prescrit le développement interrompu de chaque élève entre 4 et 12 ans et par-là un enseignement différentié, adapté aux besoins et potentiel de croissance de chaque élève. L’article 11 de cette loi introduit le plan scolaire intégral comme l’outil de régulation de l’innovation. Chaque école doit y mentionner, entre autres, ce que l’équipe scolaire veut enseigner, les mesures d’organisation, les mesures destinées aux élèves qui rencontrent des difficultés, le contrôle de l’effectivité de ces mesures ainsi que l’évaluation du progrès des élèves. Interprété dans le cadre de réflexion de Michel (2000, pp. 22–24), l’article 11 ‘pilote’ l’innovation de l’enseignement par la base et ne ‘réforme’ pas le système éducatif par le sommet. La loi stimule une réflexion systémique des professeurs et de l’équipe scolaire sur les contenus et la structure de leur enseignement en leur donnant une grande liberté d’adaptation des innovations aux conditions locales. D’autre part, le législateur prend à sa charge la régulation de ce processus par le biais de l’inspection qui veille à un minimum de cohérence et garantit ainsi la réalisation des objectifs nationaux.
2.2. Trois formes d’évaluation à trois niveaux de pilotage Dès l’application de la nouvelle loi, la section primaire du Citogroep a entrepris le développement de nouvelles formes et instruments d’évaluation qui répondent aux besoins des enseignants et des fonctionnaires de l’éducation. Nous distinguons trois dynamiques de changement à trois niveaux de l’enseignement et donc trois formes d’évaluation et types d’instruments unis par la même logique politique et innovatrice (van der Schoot et van Dam, 2000): – L’évaluation dans la classe des processus d’apprentissage et des acquis des élèves (micro-niveau: suivi des élèves – de 6 à 12 ans –, entretiens diagnostiques, épreuves d’entrée et épreuves d’orientation);
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Figure 1. Cycle d’activit´es de soin.
– L’évaluation de la qualité et du rendement de l’enseignement au niveau de l’école et de la communauté scolaire locale (meso-niveau: suivi des élèves et auto-évaluation interne); – L’évaluation du niveau et des résultats de l’enseignement aux PaysBas (macro-niveau: sondages périodiques à mi-chemin et à la fin du primaire). Comme nos activités de formation partent des deux premiers types d’évaluation, nous présentons ci-dessous l’instrument de pilotage utilisé par les professeurs et les équipes locales: le suivi des élèves du Citogroep. 2.3. Suivi des élèves comme instrument de pilotage de l’enseignement différentié Les écoles sont libres d’utiliser les instruments d’évaluation de leur choix. La grande majorité des écoles utilise aujourd’hui notre suivi Calcul-mathématique pour rendre compte de la progression de leurs élèves, organiser la différentiation des apprentissages à partir des résultats et évaluer transversalement et/ou longitudinalement la qualité de l’enseignement au niveau de l’école dans les perspectives du plan d’activités. Dans ce cas, l’évaluation prend la forme d’une auto-évaluation. Elle donne les repères indispensables pour analyser les problèmes, définir les priorités et expliciter les mesures d’amélioration à entreprendre dans un nouveau cycle de changement.
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Figure 2. Outils des enseignants.
3. F ONCTION DU SUIVI DANS LE CADRE D ’ UN SYSTÈME DE SOIN DIFFÉRENTIÉ
C’est à la demande explicite des professeurs que nous avons intégré notre suivi des élèves dans un système de soin différentié. Les résultats des épreuves du suivi leur permettent d’estimer deux fois par an (avec une marge minimale d’erreur) le niveau de compétence et les acquis de leurs élèves. Comme ils appliquent la même échelle de mesure d’un degré à un autre (voyez la figure 6), ils peuvent aussi comparer ce niveau d’année en année et déterminer ainsi le progrès accompli par les élèves au cours de leur scolarité primaire. Cette caractéristique essentielle du suivi a provoqué chez les professeurs le besoin de développer des points de repère afin d’interpréter correctement les données empiriques de leur évaluation et de mieux gérer les différences mises à jour par les épreuves. Ces épreuves forment en fait le point de départ et le point d’arrivée d’un cycle d’activités (Figure 1) que nous avons formalisé dans ce que nous appelons un système de soin. Dans cette section nous présentons les caractéristiques essentielles de ce système ainsi que les outils développés pour la pratique. Le schéma de la Figure 1 visualise les phases du cycle d’activités, celui de la Figure 2 – les instruments utilisés par les professeurs au cours de leurs activités.
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3.1. Signaler et identifier Les élèves font chaque année deux épreuves: une en janvier-février, l’autre en mai-juin. Un système de registration permet de déterminer le niveau de progression de chaque enfant et d’identifier les élèves qui ont besoin d’une attention plus particulière à cause de leur ‘retard’ ou de leur ‘avance’ par rapport au reste du groupe. Ce signalement et cette identification sont ancrés dans la normalisation de l’échelle de mesure, réalisée à partir des résultats d’un échantillon national d’élèves suivis au cours de leur scolarité primaire (Eggen et Sanders, 1993).
3.2. Analyser et détecter les mesures d’adaptation Cette phase essentielle du cycle d’adaptation pose le plus de problèmes dans la pratique. Un grand nombre de professeurs manque en effet de points de repères qui sont nécessaires pour interpréter les informations que donnent les épreuves sur la nature et le niveau des acquis des élèves, les relations complexes entre ces acquis et leur influence sur le cours et la qualité des apprentissages à long terme. Un de ces processus est le développement de stratégies et procédures de calcul mental et d’estimation tout au long de la scolarité primaire. Nous essayons de pallier ces besoins en éditant les résultats de nos propres analyses sous la forme de profils de compétences (Janssen, 2002), de guides de progression (Janssen & Kraemer, 1995, 1997) et de descriptions détaillées des phases de la progression dans nos Livres de soin (Kraemer, 2002; sous presse). Ces livres proposent, en plus, des leçons diagnostiques qui permettent aux professeurs de se familiariser avec la façon de penser et d’opérer des élèves faibles et avec la didactique de soutien que nous suggérons.
3.3. Soutien adapté et évaluation de ses effets Chaque manuel de calcul-mathématique utilisé dans la pratique des écoles a son propre système de soutien différentié. Ce système permet d’adapter les apprentissages de la grande majorité des élèves, mais les mesures suggérées sont moins appropriées pour soutenir et stimuler les élèves les plus faibles. Ce constat nous a poussé à développer des activités de soutien ancrées dans notre analyse didactique de leur progression, mesurée par les épreuves du suivi. Ces activités sont organisées dans un programme longitudinal de soutien centré sur l’acquisition d’un number sense (McIntosh, Reys & Reys, 1992) à la mesure de ces enfants (voir les livres de soin: Kraemer, 2002, sous presse).
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3.4. Fonction du suivi Le modèle cyclique de l’enseignement de Simon (1995) nous a guidés dans la conception et l’élaboration de ce système de soin. Si nos enseignants ont tant de mal à interpréter les données des épreuves du suivi et à envisager des mesures d’adaptation à partir de ces données, c’est parce que ce suivi est conçu pour gérer les apprentissages à long terme et à plusieurs niveaux et rythmes de développement. Il exige donc un cadre de référence beaucoup plus affiné et complexe que les repères utilisés pour planifier un cycle de quelques leçons, gérer les interactions et le travail individuel au cours de ce cycle et ajuster les objectifs, instructions et activités après chaque leçon. Dans ce contexte, notre suivi a trois fonctions principales. Il signale les différences au cours de la progression des élèves et permet ainsi aux enseignants de se faire une idée plus précise du cours des apprentissages dans le temps, des phases cruciales de ces apprentissages et des problèmes auxquels se heurtent certains (groupes d’) enfants au cours de la progression suggérée par les manuels utilisés. Ces informations permettent aux enseignants de remettre en question l’idée qu’ils ont des apprentissages en mathématiques et des contenus de ces apprentissages. C’est la deuxième fonction de notre suivi qui, en liaison avec la première, donne enfin la possibilité d’envisager de nouvelles formes et activités de travail à partir de nouvelles références plus adaptées aux exigences de l’enseignement différentié. Notre suivi signale en conclusion les différences, stimule la construction d’un nouveau système de références et libère ainsi les enseignants des opinions et des routines qui bloquent la conception d’alternatives à leur propre niveau de professionnalisation.
4. I DÉES DIRECTRICES DE NOTRE APPROCHE DE FORMATION
Notre approche de formation part des fonctions de l’utilisation du suivi exposées ci-dessus. Elle repose sur quatre principes que nous explicitons brièvement dans cette section à partir du cycle de formation de la Figure 3 que nous illustrerons par la suite. L’idée de départ consiste à organiser des cycles de formation qui intègrent les aspects essentiels de l’amélioration de la pratique à partir de l’évaluation des apprentissages et des questions qu’elle soulève. Nous exposons ci-dessous quatre activités clés d’un tel cycle de formation.
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Figure 3. Activit´es cl´es d’un cycle de formation.
4.1. Construire de nouveaux repères Il est impossible de gérer les différences sans données empiriques qui montrent ce qui fait la différence entre les enfants au cours de leur développement et ce qui stimule et entretient la tendance de leur croissance. C’est pourquoi chaque cycle de formation est ancré dans l’analyse de données collectionnées par les enseignants. Il s’agit d’observations personnelles, de protocoles d’entretiens diagnostiques avec plus ou moins d’élèves, de solutions de problèmes posés à des élèves à deux ou trois degrés de l’école, et bien sûr des données du suivi. Un objectif essentiel de ces activités est de comprendre les principes d’une analyse centrée sur les apprentissages à long terme et sur une différentiation structurelle de ces apprentissages. Un autre objectif est de développer une forme d’évaluation au jour le jour et par cycle de leçons qui affine l’évaluation à long terme avec le suivi des élèves. 4.2. Apprendre à regarder, penser et opérer comme le font les enfants Ce qui bloque l’interprétation des données et ainsi aussi la conception de mesures adaptatives est la difficulté pour beaucoup d’enseignants de se mettre ‘dans la peau des enfants’. C’est-à-dire de regarder, de penser et d’opérer comme eux dans les situations journalières de calcul-mathématiques en appliquant leurs notions, représentations et outils de travail. ‘Je ne peux pas regarder dans la tête des enfants’ est la remarque typique
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Figure 4. Quatre indicateurs du niveau de compr´ehension et de solution des e´ l`eves.
des professeurs dans ce contexte. Nous pouvons briser cette barrière en observant les solutions des élèves sous le microscope pour découvrir les différences caractéristiques qui expliquent bon nombre de problèmes de communication au cours des interactions quotidiennes (voir van Hiele, 1973). Cette exploration mène à la reconstruction de quatre indicateurs du niveau de compréhension et de résolution des élèves (Figure 4): la représentation que se fait l’élève du problème posé, le raisonnement qu’il suit et qui guide sa stratégie et ses procédures de solution et le langage qu’il utilise pour présenter, expliquer et défendre son approche et sa solution. Ce type d’activités enthousiasme les professeurs car ils apprennent petit à petit à reconnaître des constellations typiques et à les associer au niveau de compréhension et de solution de leurs propres élèves. Mais surtout – parce que nous reconstruisons ensemble et à partir des données de chacun le ‘paysage mathématique’ que construisent les (groupes d’) élèves d’un même degré, les frontières de ces paysages et les défis à leur horizon (comparer avec Fosnot et Dolk, 2001a; 2001b). Nous remplaçons ainsi, de session en session, les anciennes références par des alternatives et des options testées individuellement dans la pratique et reconsidérées et organisées ensuite par une réflexion collective sur les expériences de classe. 4.3. Chercher la source des problèmes en soi et dans la culture de l’école De telles activités invitent les professeurs à porter leur regard sur leur propre comportement. Elles ouvrent ainsi la porte d’une exploration cri-
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tique de ce qui, en eux, influence ces comportements. Nous pensons aux représentations, suppositions, croyances, opinions et ‘histoires’, construites dans le passé à partir de faits réels et qui figurent depuis comme des vérités. Inspirés par l’approche systémique de Senge (2000), nous utilisons ce qui irrite et frustre les enseignants au cours de leurs activités expérimentales pour mettre à jour ces filtres qu’ils ne contrôlent pratiquement plus et qui modèlent leurs perceptions et leurs interprétations des ‘faits divers’ de leur vie scolaire. Ce type d’activités est d’autant plus délicat qu’il engage les professeurs à mettre en question une grande partie des opinions qui ‘justifient’ leurs routines et à construire eux-mêmes des alternatives fondées sur de nouvelles références et expériences. Orienter ainsi la discussion et la réflexion sur les opinions et routines personnelles met bien sûr la culture et les traditions de l’équipe scolaire et de l’école en question. Les données de l’auto-évaluation peuvent alors orienter les objectifs et les contenus de nouvelles activités de formation plus centrées sur le travail au sein de l’équipe scolaire. 4.4. Amélioration de la pratique par une coopération entre chercheurs, formateurs et enseignants Apprendre à adapter les apprentissages aux acquis des élèves pour favoriser un développement ininterrompu est une entreprise difficile et de longue haleine. Elle implique un tel investissement pour les écoles et exige des compétences si variées qu’il nous semble indispensable de créer un cadre de travail délimité dans l’espace et dans le temps. C’est pourquoi nous préconisons la formation de ‘cercles de qualité’ (Kraemer, 1998). Nous pensons à des réseaux locaux d’enseignants et de membres des services et instituts d’encadrement (chercheurs, professeurs de formation et conseillers pédagogiques) dans lesquels les participants travaillent à leur propre rythme et niveau de compétences. Ils sont tous engagés dans un même processus d’amélioration locale de la pratique qui intègre la recherche d’adaptations concrètes à la formation professionnelle de chaque participant. La pratique de tous les jours est l’objet de recherche et de formation et forme en même temps le cadre naturel d’expérimentation (comparez avec Simon, 1995; Hiebert et Stigler, 1999). Nous avons exploré les quatre principes de formation cyclique sur le tas à petite échelle, dans notre école expérimentale de La Haye et au cours d’un cycle expérimental de formation à Sittard, dans la région du Limbourg. L’évaluation actuelle de ces expériences oriente le développement d’un premier cycle de formation qui sera proposé au cours de 2003. Dans la section suivante, une description de quatre activités expérimentales va concrétiser les principes exposés ci-dessus.
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Figure 5a. Cinq des 18 questions de l’entretien diagnostique du degr´e 2.
5. C YCLE D ’ ACTIVITES DE FORMATION : UN EXEMPLE
Le cycle de formation présenté ci-dessous illustre les principes de notre approche de formation. Nous explicitons dans chaque phase du cycle les objectifs, les activités et les constructions des professeurs qui introduisent de nouvelles questions et les engagent dans un nouveau défi. 5.1. Construire des points de repère qui ont du sens Une manière défiante et efficace d’engager les enseignants consiste à les inviter à s’entretenir avec quelques élèves de leur classe sur quelques questions des épreuves du suivi (Figure 5a). Dans cet exemple l’analyse du protocole de l’entretien avec Patrick et Liane (Figure 5b) permet en premier lieu aux participants d’explorer les différences en reconstruisant les indicateurs de niveau présentés plus haut dans la Figure 4 (représentation mentale de la situation, raisonnement suivi, langage utilisé, stratégie et procédures suivies). De ce travail émergent des opinions et suppositions sur les acquis, les fausses conceptions, les lacunes et les perspectives de progrès chez Patrick et Liane. Les participants apprennent à les expliquer et à les justifier en associant les unes aux autres les informations cachées dans les solutions
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Figure 5b. Extraits du protocole d’un entretien diagnostique au degr´e 4 en janvier/f´evrier.
de Patrick et de Liane. Les discussions dévoilent une certaine cohérence dans leur attitude et leur comportement. Elles permettent aux participants de prendre conscience de la qualité et des limites de leur propre compréhension des mathématiques et du progrès des apprentissages dans ce domaine des nombres et du calcul mental jusqu’à cent. Les différences d’interprétation et d’opinion soulèvent des doutes qui nous permettent d’introduire le profil de compétence de la Figure 6 comme moyen de contrôle de sa propre taxation du niveau de Patrick et de Liane à partir des données empiriques du suivi. 5.2. Explication du graphique L’axe vertical symbolise l’échelle normalisée, les segments verticaux plus ou moins longs les questions de l’entretien. Les numéros gras sont les questions du protocole utilisées ici. La projection de l’origine de chaque
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Figure 6. Profil de comp´etences a` partir des donn´ees empiriques du suivi des e´ l`eves.
segment sur l’échelle donne le niveau de compétence nécessaire pour résoudre 5 questions sur 10 de ce type correctement (paramètre de difficulté). La projection de l’extrémité des segments donne à son tour la compétence exigée pour résoudre correctement 8 questions sur 10 de ce type (paramètre de maîtrise). En traçant les lignes horizontales à partir du niveau actuel de progression de Patrick (52), de Liane (73) et de celui de l’élève moyen (61) les participants distinguent les questions et contenus que maîtrisent ces élèves (tous les segments en dessous de leur niveau), ce qu’ils construisent en ‘ce moment’ (les segments coupés par la ligne horizontale) et ce qui dans cette phase n’a pas encore de sens pour eux (tous les segments au-dessus de leur niveau). Ils peuvent alors contrôler les relations qu’ils ont établies entre les questions et leurs contenus ainsi que leurs suppositions sur les acquis et les lacunes. De tels profils ancrent dans ce sens les repères qualitatifs des participants dans les repères empiriques du suivi. La conclusion de cette première phase est que Patrick fait, comme chacun le pensait, partie du groupe des élèves les plus faibles du degré 2 et que Liane, elle, fait partie des meilleurs élèves de ce degré. Elle maîtrise tous les types de questions, à l’exception des deux derniers (les soustractions du type de la question 18). La question qui émerge de ces premières activités est bien sûr celle du soutien de Patrick et des élèves qui opèrent à son niveau à partir de ce qu’ils comprennent et appliquent correctement ‘en ce moment’ et dans les perspectives du programme scolaire de leur degré.
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Figure 7. Profil hypoth´etique de Patrick.
5.3. Mieux comprendre la force mathématique et les limites des élèves ‘faibles’ en reconstruisant leur tendance de développement En analysant les protocoles, les participants ont exploré les concepts, idées, représentations, raisonnements, stratégies, procédures de Liane et de Patrick. Ils ont délimité avec eux grossièrement le champ de différentiation au degré 2. Il s’agit maintenant de mieux comprendre les possibilités et les limites des élèves comme Patrick en reconstruisant la tendance de développement à leur âge à partir des données d’entretien avec d’autres élèves qui opèrent à des niveaux intermédiaires (entre celui de Patrick et celui de Liane). Les participants établissent dans ce but des profils hypothétiques de compétences, tels que celui de la Figure 7. Ils lient les données de ces profils les unes aux autres et explorent ainsi les changements plus ou moins subtils au niveau de la conception des nombres, de l’organisation de ces nombres et des opérations avec ces nombres. En travaillant ainsi, les participants reconstruisent ‘pierre par pierre’ le paysage mathématique qu’inventent et organisent les élèves, réinventent et affinent les outils mathématiques qu’ils fabriquent et explorent leur utilisation dans les situations courantes des leçons. Une telle reconstruction de la tendance de développement provoque en général de nombreuses remarques sur les différences entre les élèves telles que les professeurs les vivent dans leur classe. Les anecdotes qu’ils racontent à propos des problèmes que soulèvent ces différences portent alors l’attention sur les routines qu’ils ont développées pour tenter de les résoudre. Elles ouvrent ainsi la porte de l’introspection de la phase suivante.
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5.4. Identifier en soi la source de problèmes persistants C’est l’ambiance ‘ouverte’ de travail qui invite les participants à prendre le risque d’observer ‘en eux’ ce qui pourrait expliquer les problèmes qui ‘reviennent’ constamment et qui les mènent toujours dans les mêmes impasses. Nous avons ‘provoqué’ l’exemple d’introspection de la Figure 8 à partir d’une leçon expérimentale donnée par chaque participant dans sa propre classe. L’objectif était triple: a) inventorier les stratégies et procédures de multiplication plus ou moins formelles utilisées par les élèves dans leur résolution du problème posé; b) organiser ces stratégies et procédures dans une séquence de progression à partir de l’expérience de la session précédente; c) décrire un problème typique et persistant lié à la gestion des interactions au cours de telles leçons et découvrir ce qui ‘en soi-même’ pourrait expliquer la persistance de ce problème. Yvonne est une enseignante très consciencieuse qui s’est engagée totalement au cours de ce cycle. Son entretien ‘avec elle-même’ a beaucoup frappé ses collègues, car ils ont reconnu dans son comportement et sa réflexion leurs propres habitudes, rationalisations et frustrations. Ce que nous avons retenu de cette réflexion est la difficulté de prendre le temps qu’il faut pour comprendre ce qu’expose un enfant et de contrôler cette compréhension. Mais aussi le besoin d’apprendre à apprécier la valeur de chaque construction en en comprenant sens dans le processus long de développement en question. Dans ce sens, de telles introspections stimulent la curiosité des professeurs et les engagent à développer les références, les connaissances, les compétences et les formes de travail dont ils ont besoin pour exploiter au maximum les constructions de chaque élève. Les activités de la dernière phase du cycle donné en exemple sont centrées sur cet objectif. 5.5. Apprendre à adapter en jetant un pont entre Patrick et Liane Dans cette dernière session du cycle nous faisons un lien entre les remarques de la session précédente et un fragment du protocole de l’entretien avec Patrick réservé dans ce but. Patrick est en effet un de ces élèves dont parle Yvonne et qui provoquent (toujours) les mêmes réactions du professeur et du reste de la classe. Ses explications prennent en général beaucoup de temps puisqu’il utilise surtout des procédures de comptage difficiles à comprendre par son utilisation très personnelle des doigts comme modèle de calcul. Le dernier travail collectif de la Figure 9 consiste à jeter un pont entre l’approche ‘bizarre’ de Patrick et la stratégie de calcul mental de Liane qu’attendent les professeurs à ce degré: soustraire en complétant. Les questions posées permettent aux participants de réfléchir sur les principes didactiques qu’ils appliquent journalièrement, la trajectoire
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Figure 8. Introspection d’Yvonne avec elle-même.
Figure 9. Qu’est-ce qui lie Patrick a` Liane?
d’apprentissage qu’ils suivent avec leurs manuels et les matériaux qu’ils utilisent pour orienter les élèves et soutenir le processus de développement et de formalisation graduelle des procédures de calcul mental. Les participants reconstruisent en fait le chemin qui mène à l’idée d’utiliser une ligne ‘vide’ pour modéliser différentes stratégies et procédures de soustraction à partir du sens que l’on peut donner à ces soustractions (Figure 10). C’est ainsi qu’ils apprennent à apprécier les ‘inventions’ les
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Figure 10. Modelage de deux strat´egies et proc´edures de solution a` partir de deux interpr´etations du probl`eme des maisons.
plus rudimentaires et à les exploiter dans la ligne de pensée des enfants et des auteurs de leurs manuels. Les adaptations qui émergent de telles activités sont ‘testées’ dans la pratique. En rapportant leurs expériences au début d’un nouveau cycle d’activités, les participants peuvent reconsidérer les hypothèses et opinions de départ et s’engager dans de nouvelles explorations pour affiner les repères, les connaissances et les principes développés jusque là. C’est par de tels cycles d’activités que les participants développent petit à petit un nouveau cadre de référence et une panoplie plus ou moins large d’outils qui donnent confiance et leur font accepter les risques de défier chaque élève à son niveau.
6. R ÉFLEXION FINALE
L’exemple d’activités illustre les deux principes clés de notre approche de formation: – utiliser un suivi des élèves pour ancrer les observations diagnostiques des participants dans des données empiriques et pour orienter et régulariser l’adaptation des objectifs et des contenus intermédiaires de la progression; – centrer les activités de formation sur a) une meilleure compréhension et appréciation des constructions et du progrès des élèves, b) explorer les facteurs en soi qui entretiennent les routines et bloquent ainsi le changement et c) développer et intégrer progressivement de nouvelles
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attitudes, opinions et modes de travail de plus en plus adaptés aux besoins et au potentiel de croissance des enfants. C’est dans ce sens que nous considérons le suivi des élèves comme un instrument indispensable de pilotage de l’innovation et de l’amélioraton de la pratique. Nos experiences de formation soulèvent trois points de réflexion à ce propos. 6.1. Intégrer les formes d’évaluation de la pratique à partir d’une réflexion systémique sur la gestion des apprentissages L’impression que donne notre suivi dès son application dans les écoles est que c’est un instrument fiable, facile à intégrer dans l’organisation de la classe (des écoles) et qui confirme les évaluations des professeurs au jour le jour. Cette impression explique l’enthousiasme des professeurs tant qu’ils utilisent ce suivi ‘á côté’ de l’évaluation, telle qu’ils la pratiquent par tradition (observations, entretiens et corrections journalières, épreuves périodiques des livres utilisés, etc.). Le suivi fonctionne en effet dans cette phase comme un ‘révélateur externe’ des différences que les professeurs ‘connaissent’ déjà par leur ‘évaluation interne’. Les données des épreuves n’influencent pas les décisions d’adaption, mais justifient plutôt les mesures prises à partir de l’évaluation de tous les jours. Dans ce sens, le problème clé de l’utilisation d’un suivi comme instrument de pilotage est l’intégration de toutes les formes d’évaluation en tenant compte des rôles et des besoins des professeurs dans les différents contextes de la gestion des apprentissages ainsi que de la complémentarité des formes et outils d’évaluation. Quelles données allons-nous utiliser pour nos rapports mensuels ou trimestriel aux parents et pour adapter notre programme? Celles des épreuves périodiques du livre ou celles du suivi? Cette question pratique des professeurs de notre école expérimentale nous a signalé ce besoin d’intégration. Elle en soulèvent mille autres que l’équipe scolaire ne peut traiter avec bon sens que par une réflexion systémique sur les aspects clés de l’enseignement différentié, à partir des problèmes auxquels se heurtent les professeurs dans leur pratique et de leurs besoins les plus urgents. Un suivi des élèves est, certes, un instrument indispensable pour gérer les apprentissages à longs termes. Mais les professeurs ne transforment pas automatiquement leur pratique d’évaluation et de gestion des apprentissages par son utilisation. Créer un espace et un temps de formation est selon nous la condition sine qua non pour réaliser cet objectif en engageant les professeurs dans une formation continue centrée sur le développement personnel de chaque participant.
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6.2. Mieux comprendre les exigences d’un enseignement qui défie en réfléchissant sur ses propres apprentissages C’est à partir de ce constat que nous engageons les professeurs dans un processus de réflexion sur et de recherche dans leur pratique et d’investir par-là dans leur propre formation. L’idée centrale est d’apprendre à problématiser la question complexe de l’adaption des objectifs et contenus du programme et de développer soi-même, en dialogue avec ses collègues, un cadre de référence, une façon de penser et des méthodes et outils de travail applicables dans les situations les plus courantes de la pratique. Par notre approche active et systémique de formation (Senge et al., 2000) nous défions dans ce sens les professeurs à rationaliser leur pratique comme ils sont sensés de défier leurs élèves à mathématiser le monde dans lequel ils vivent (Freudenthal, 1968). La formation reflète autrement dit les exigences d’apprentissages défiants et qui stimulent les acteurs à prendre leur propre part de responsabilité. Elle permet ainsi aux professeurs de mieux comprendre leurs responsabilités essentielles envers leurs élèves. 6.3. Pas de standards sans données empiriques La politique actuelle de décentralisation de l’enseignement et de régulation des innovations incite de plus en plus de pays à formuler des standards que devraient réaliser le plus grand nombre d’élèves dans le plus grand nombre d’écoles. Notre comparaison des résultats scolaires (dans le cadre des sondages périodiques du niveau de l’enseignement) avec les standards néerlandais formulés par les enseignants, professeurs de formation et consultants scolaires signalent que ceux-ci sousestiment systématiquement le niveau de difficulté des objectifs que 70 à 75%% des élèves devrait réaliser selon eux à la fin du primaire. Ils estiment par contre plus ou moins correctement les standards qu’ils formulent pour la minorité d’élèves très en retard et très en avance. Cette constatation jette des doutes sur le sens de formuler des standards à partir des opinions des responsables de l’enseignement et des experts des services d’encadrement (ou sur la base d’une consultation plus large) sans références empiriques sur la progression réelle des enfants au cours de leur scolarité obligatoire. Ceci nous pousse à préconiser une discussion sur les orientations d’un enseignement adapté aux exigences de la vie actuelle à partir d’une vue d’ensemble sur ce qu’apprennent et appliquent les élèves actuellement entre 4 et 16 ans à différents niveaux de compréhension et d’aptitudes. Nous manquons de tels repères pour justifier pleinement la différentiation des objectifs et contenus au cours du cycle primaire et pour orienter les élèves dans la voie qui correspond le mieux à leurs affinités et leurs talents.
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N OTES 1. Cet article est une adaptation de la conférence plénière de l’auteur à la 54ème Rencontre de la Commission Internationale pour l’Etude et l’Amélioration de l’Enseignement Mathématique à Vilanova i la Geltrú (Catalogne, Espagne), 13–19 juillet 2002.
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