LA R E L A T I V I T E DE LA LOGIQUE par Louis ROUGIER (Paris) I. L'APODICTIQUE D'ARISTOTE
La logique est d~finie comme l'art de bien conduire sa pens6e, l'art de raisonner avec justesse. Raisonner c'est montrer que certaines propositions sont n~cessairement vraies & supposer que d'antres propositions, appel6es pr6misses, soient tenues pour teUes. C'est dans les sciences du raisonnement, c'est-A-dire en math6mathiques, clue la logique, pour la premifre lois, est entr6e ell action. S'il faut en croire Proclus, c'est au Vie sifcle avant notre fire que les math6matiques intuitives et empiriques des Orientaux se seraient transform6es en une discipline abstraite, d6ductive, et cette transformation seralt due ~ Pythagore: ,,Vint Pythagore qui transforma la g~om6trie en un enseignement hb6ral, car il remonta aux principes premiers et rechercha les th6orfmes abstraitement et par l'inteUigence pure". Cette transformation consiste essentieUement dans la substitution Al'6vidence sensible, qui ne porte que sur la constatation de cas concrets particuliers, de l'6vidence intelligible qui repose sur le raisonnement et qui atteint l'universel. Aristote, dans les Seconds Analytiques, a analys6 la procedure logique de la science d6ductive appel6e par lui Apodiaique, teUe que la concevalent les math6maticiens grecs de son temps. Son analyse s'est impos~e aux logiciens jusqu'A la fin du XlXe sifele. Selon lui, une science d6ductive, telle que la g6om6trie pythagoricienne, repose sur des principes 6vidents par eux-m~mes, qu'il appeUe ses #rincipes propres, et la d6monstration a pour but de transf6rer cette 6vidence de proche en proche des principes propres Aleurs cons6quences les plus 61oign6es. C'est l'dvidence des primipes propres
qui ]ende l'dvidence des thdor~mes a les principes propres sent plus gvidotts que ks thdorkmes qu'en en ddduit, en vertu d'un principe, 13
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qu'on peut appeler principe de l'dminence de la cause, d'apr&s lequel une qualit6 manifest~e par un effet dolt se trouver A un degr6 plus 6minent dans la cause de cet effet: ,,Par exemple, la raison qui fait aimer un objet est encore plus aim6e que lui. Puis donc que nous connaissons et que nous croyons en vertu des pfincipes, nous devons les connaltre et les croire mieux que les conclusions qu'on en tire x).,, Par suite, ,,si nous avons bien 6tabli ce que c'est que savoir, il s'ensuit n6cessairement que la science d6monstrative part de propositions vraies, premieres et imm6diates, et, relativement A la conclusion, plus notoires et ant6rieures. Tels sont les principes propres des d~monstrations; car, sans eux, il n'y a pas de syUogisme, d'ofi pas de d6monstration, d'ofi pas de science 2)-. La n6cessit6 des th6or~mes d6rive de celle des principes propres: ,,On appelle n6cessaire la d6monstration qui tire sa n6cessit6 de celle des pr6misses". La th6orie aristot61icienne de la d6monstration peut se d6composer en quatre propositions: 1~ I1 existe des principes qui sont ind6montrables par nature, 6tant, par nature, premiers et imm6diats. Ce sont les principes propres des diff6rentes sciences d6monstratives. 2 ~ La n~cessit6 des principes propres proc~de de teur 6vidence. 3 ~ L'6vidence des principes propres est propag6e aux th6or~mes par le moyen de ia d6monstration. A c e s trois affirmations, nous pouvons en ajouter une quatri&me, qu'Aristote ne formule pas explicitement, mais qui r6sulte des pr6c6dentes. 4 ~ Quand la d6monstration a propag6 l'6vidence des principes propres A un th6or&me, l'6nonc6 de ce th6or~me peut &tre d6tach6 de sa d6monstration. I1 constitue une proposition vraie en soi, pourvu qu'on se souvienne de l'avoir correctement d6duit des principes
propres. La th6orie d'Aristote, profess6e par toute la Scolastique, a surv6cu A la r6volution cart6sienne. Darts les Regulae ad directionem ingenii (Reg. XlI) Ren6 Descartes d6clare en effet: ,,I1 n'y a d'autres voies ouvertes A l'homme, pour parvenir A la connaissance certaine de la v6rit6, que rintuition 6vidente et la d6duction n6cessaire". L'intuition nous met en possession des principes dvidents, c'est-A-dire des v6rit6s premieres qui s'imposent A tout esprit atten~) I An., I, 2 ~ 7 1 b , 19--25. *) MeL, /x 6, lOlSb, 17.
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tif d&s qu'il en entend les termes. La d6duction, qui fait appel A la m6moire, n'est qu'une intuition di]/drde, car ,,toutes les propositions que nous d~duisons les unes des autres, pourvu que la d6duction soit 6vidente, sont d~s lors ramen6es ~ une v6ritable intuition". La d6duction n'est qu'un, d6tour, un proc6d6 discursif dfi A l'infirmit6 de notre esprit, qui ne peut embrasser d'un seul coup d'oeil l'ensemble de toutes les v6rit6s, mais qui doit passer de l'une A l'autre dans un ordre r6gulier, pour propager l'6vidence des principes jusqu'A ieurs cons6quences les plus 61oign6es. Cstte conception des sciences d6ductives a r6gn6 jusqu'au dernier quart du X l X e si~cle. On la retrouve encore A la base de l'ouvrage classique de Duhamel: Des mdthodes dans les sciences de raisonnement, dont la deuxi&me 6dition est de 1875. Plus r6cemment, des logiciens aussi avertis que Bertrand Russell et Brouwer font encore appel A l%vidence pour justifier le choix des principes sur lesquels ils fondent les math6matiques, l'un invoquant leur 6vidence rationnelle, l'autre, leur 6vidence intuitive. La th6orie de la d6duction d'Aristote implique une conception thdologique du monde. Si les propositions premieres des sciences ddmonstratives sont vraies en sol et s'il en est de m~me des th6or~mes une fois qu'on les a d6montr6s, il faut que ces v6rit6s en soi subsistent quelque part 6ternellement, ind6pendamment de leur saisie momentande par notre esprit. Cela conduit A affirmer un monde s6par6 des v6ritds en soi, le monde des id6es platoniciennes, que les th6ologiens ont ramen6 A l'intellect divin, en vertu de ce raisonnement : des v6rit6s 6ternelles supposent un esprit 6ternel off eltes soient perp6tuellement entendues. Tel est le c61~bre argument de l'existence de Dieu par les v6rit6s 6ternelles, dont Bossuet a donn6 le meilleur expos6: ,,Toutes ces vdritds et celles que j'en d6duis par un raisonnement certain, subsistent ind6pendamment de tous tes temps; en quelque temps que je mette un entendement humain, il les d6couvrira; mais, en les connaissant, il ne les fera pas teUes: car ce ne sont pas nos connaissances qui font leurs objets, elles les supposent. Ainsi ces v6rit~s subsistent devant t o u s l e s si~cles et devant qu'il y ait un entendement h u m a i n . . . Si je cherche maintenant en quel lieu eUes subsistent ~ternelles et immuables comme elles sont, je suis oblig6 d'avouer un ~tre off la v~rit~ est 6ternellement subsistante et off elle est toujours entendue: cet 8tre doit ~tre la v6rit6 m~me et doit ~tre toute v6rit6"
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C'est la d6couverte des g6om6tries non-euelidiennes qui a ruin6
l'Apodictique aristotglidenne pour lui substituer l'Axioma~ique de David Hilbert. 1~ Tout d'abord, les tentatives de dOmonstration du postulat d'Euelide ont montr6 qu'il est indiff&ent d'admettre au nombre des propositions premiOres le postulat d'Euclide ou d'autres propositions logiquement 6quivalentes telles que rOgalit6 de la somme des angles d'un triangle Adeux droits ou la similitude des figures. Cela veut dire qu'aueune signification absolue ne s'attache aux qualificatifs d'inddfinissable ou de ddfinissable appliquOes aux notions, d'im/c~gmIrable et de dcgnontrable appllquOs aux propositions. Une notion n'est indOfinissable et une proposition indOmontrable que par rapport ~ un certain systOme de dOfinitions et A un certain ordre de dOmonstrations, avee un autre syst/~me et selon un autre ordre,les mOmes notions peuvent 6ire dOfinies et les mOmes propos/tions dOmontrOes. Ainsi, pour exposer d&luctivement la gOomOtr/e mOtrique d'Euelide, une infinit6 de systOmes de notions et de propositions premiOres, tous 6quivalents entre eux, sont possibles. M. PeanD prend eomme premieres les notions de point et de segmr M. P/eri, ceres de point et de mouvement; M. Vebien, de point et d'ordre; M. Padoa, de point et de distance de deux points; M. Hilbert, de point, droite, plan, situg sur, situg entre, congruent, paraUile. Tous ces systOmes sont 6quivalents, e'est-~-dire qu'on peut en dOduire le mOme corps de propositions. Demander si une notion est dOfinissable ou si une proposition est indOmontrable, sans spOdfier A quel syst~me de notions et de propositions premiOres on se rOfOre, est tree question aussi dOnuOe de sens que de demander si un corps est en repos ou en mouvement, sans prOeiser/i quel systOme de rOfOrence on le rapporte. II n'y a done pas de notions premikves par
na2ure, paree qu'dant les plus simples, ni de propositions premikres par nature, parce qu'dtant les plus dvidentes. La premiere proposition ~pistOmologique d'Aristote est A rejeter. II. I1 en est de m~me de la seconde: les principes propres s'impos~nt d nous en vertu de leur gvidence. S'il en 6tait ainsi les gOomOtries non-euelidiennes et l'infinie varlet6 des g~omOtries qui correspondent anx espaces mOtriques de Riem.ann, anx espaees fonetionnels et abstraits, ne seraient pas possibles. A u crit&e de l' gvidence, appliqug
ckaque proposition premibre prise isoldment, se substitue le cvitk/e de la cotdrence appliqude dun ensemble de propositions ckoisies librement
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comme premieres. Tout ce que ]'on rdclame d'un systtme de notions et de propositions premieres, c'est d'etre suffisant et coh6rent. III. M~s alors la troisi~me proposition aristot61icienne tombe par le m~me effet. Ce qui ~air la ndcessitd des thdor~mes, ce n'est pas l'dvidence des principes propres d'une thdorie, c'est la ndcessitd des r~gles communes de la ddduction. Les sciences d6ductives ne sont pas des sciences apodictiques comme l'entendait Aristote: ce sont des syst~mes hypoth6tico-d~ductifs. IV. De coup s'61imine la quatri~me proposition d'Aristote: un thdor~me ddmontrd est une proposition vraie en soi. Tout ce que la ddmonstration 6tablit, c'est la d6pendance logique entre un th6or~me et le syst~me d'axiomes dont on est parti. La g6om6trie n'a pas pour but de prouver que le th6or~me de Pythagore est vrai; eUe a pour but de d6montrer que si l'on accepte les axiomes d'Eudide, on est /orcd d' admettre, en vertu des r~gles de la ddduction, le thgor~me de Pythagore. La m~me proposition, suivant qu'on la r6f~re A tel ou tel syst~me d'axiomes, est vraie, ~ausse ou d6nu6e de sens. Par exemple, le th~or~me: ,,il existe des figures semblables" est vrai quand on le r6f&re aux axiomes d'Euclide, faux quand on le r6f&re aux axiomes de Lobatchefski ou de Riemann. Les thdor~mes des sciences d6ductives sont des vdritgs relatives: elles se formulent sous forme de propositions hypothgtiques. Tout cela apparait encore mieux quand on recourt A la m6thode axiomatique, fond6e par Pasch en 1882 et formalis6e par David Hilbert en 1899. Cette m6thode eonsiste ~, traiter les notions premieres d'une th6orie d6ductive cornme des symboles d6nu6s de signification intuitive, eomme de simples variables vides de contenu caract6ris6es 6quivoquement par l'obligation de satisfaire aux relations logiques 6nonc6es darts les axiomes. Les axiomes prennent l'aspect de fonctions propositionnelles, qui ne sont ni vraies, ni fausses, mais qui deviennent vraies ou fausses suivant telles ou telles valeurs de leurs variables, c'est-Adire suivant telle ou telle interpr6tation des symboles non d6finis qui y figurent. Mais l'6nonc6 que le produit logique des axiomes implique telle proposition n'est pas une fonction propositionnelle, c'est une implication formelle vraie pour toutes les valeurs attribu6es ses arguments, c'est une proposition universelle. Elle est toujours vraie parce qu'elle s'impose g~nous en vertu de sa ]orme, inddpendamment de la vdritd ou de la [aussetd des axiomes dont on est parti. C'est une loi logique.
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Louis Rougier II. CARACTI~RE TAUTOLOGIOUE DES LOIS LOGIOUES
Si l'on expulse la n&essit6 des principes propres d'une th6orie ddductive, elle se r6fugie dans les r6gles logiques de la d6duction, et un probl~me surgit alors: d'ofi vient la n6cessit6 des r~gles logiques ? De ce probl6me, la solution n'a 6t6 donn6e qu'en 1921, dans le Tractatus Logico-philosophicus de Ludwig Wittgenstein. La solution est la suivante: les rkgles de la logique sont inconditionnellement ndcessaires, parce que leur vdritd est inddpendante, non seulement du sens, mais encore de la valeur de vdritd (de la vdritd ou de la ]ausseteO des propositions dldmentaires qui les constituent. Convenons d'appeler proposition toute 6nonciation susceptible d'etre vraie ou fausse. D6signons par p e t q deux propositions quelconques, trait6es comme des variables propositionneUes. L'affirmation: ,,pet q expriment des id6es semblables" ne peut 8tre v6rifi6e que si l'on fait intervenir le sens de p et de q. Au contraire, l'affirmation: ,,p et q sont l'une vraie, l'autre fausse" ne fait pas intervenir le sens de p e t de q mais uniquement leur valeur de vdritd: elle est vraie si les propositions p e t q ne sont ni simultan6ment vraies, ni simultan6ment fausses. Nous appeUerons une telle affirmation, qui ne d6pend que de la valeur de v6rit6 des propositions composantes, une [onction de vdritd. Consid6rons enfin l'affirmation suivante: ,,la proposition p est vraie ou fausse". Une telle affirmation est vraie quels que soient le sens et aussi la valeur de p, car p ne peut prendre, par convention, que deux valeurs, le vrai et le faux, et cette affirmation 6puise toutes les alternatives possibles. Nous dirons qu'une teUe affirmation est n6cessairement vraie, vraie en vertu de sa propre forme: c'est une tautologie, et, par suite, conform6ment la d6finition de Wittgenstein, c'est une loi logique appel6e principe du tiers exclu. Les op6rations logiques: la n~gation, la conjonction, la disjonction, l'implication, l'~quivalence sont des [onctions de vdritd. En effet, la v&it6 ou la fausset6 de la n6gation de p ne d~pend que de la v6rit6 ou de la fausset~ de p; l'affirmation que p e t q sont simultan~ment vrais ne d6pend que de la v6rit6 ou de la fausset6 de p et de q pris isol~ment. On peut dresser la table exhaustive de toutes les [onctions de vdritd de deux propositions. Chaque proposition pouvant prendre deux valeurs de v~rit6, le vrai et le faux, il y aura 4 r6partitions possibles des valeurs de v6rit6 entre ces deux
La rdativitg de la logique propositions,
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que l'on peut representer par le tableau suivant:
(I) P
q
V V F F
V F V F
Mais, chacune de ces r6partitions est elle-m~me susceptible d'6tre vraie ou fausse, ce qui donne, pour deux propositions prises pour arguments, 16 fonctions de v6rit6, que repr6sente le tableau II: (II)
V V F F
q
l
2
3
4
6
7
8
9
10 i 11 12 13 14 15 16
V F V F
V V V V
V V V F
V V F V
V V V V F F F V V F V F
V F F V
V F F F
F V V V
F V V F
5
F V F V
F V F F
F F V V
F F V F
F F F V
F F F F
Ce tableau des fonctions de v6rit6 de deux propositions p e t q ~puise toutes les combinaisons possibles des valeurs de v6rit6. I1 est, par cons6quent, exhaustif. Nous pouvons donner une grande precision ~ la proposition de Wittgenstein. Une fonction de v~rit6 lorsqu'elle est vraie, queUe que puisse 6tre la v6rit~ ou la fausset~ des propositions qui la constituent, est appel~e une tautologie; une fonction de v~rit6 lorsqu'elle est fausse, queue que puisse ~tre la v~rit6 ou la fausset~ des propotions qui la constituent, est appel6e une contradiction. Wittgenstein montre que les lois logiques ne sont pas autre chose que des tautologies. Une loi logique est'une proposition vraie dans tousles cas envisagds par ddlinition comme possibles. Au sujet de n'importe queue proposition on peut v6rifier imm6diatement, sans d~ductions interm6diaires, si eUe constitue une loi logique. I1 suffit de construire le tableau des valeurs des propositions composantes et de v6rifier si la proposition r~sultante est vraie dans tousles cas possibles.
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Louis Rougier
Soit la proposition: p V ( - - p ) , qui se lit: une proposition est vraie ou fausse:
(III) P
I Pv(--P)
......
i
I
V F
F V
[ V [ V
Une telle proposition est d6sign6e sous le nom de principe du tiers exdu. Prenons la proposition plus complexe: ( - - p. - - q) v (p v q), qui se lit: deux propositions sont Oll simultan~ment fausses ou l'une d'elles est vraie.
~q V V F F
V F V F
F F V V
F V F V
(IV) --p. --q pvq F F F V
V V V F
( - - p . - - q ) v (p v q) V V V V
Les lois de la logique ne sont pas autre chose que des tautologies qui r6glent l'implication des propositions. Si nous convenons de diviser t o u s l e s fitres vivants en mortels et en immortels, nous sommes certains de ne pas nous tromper en affirmant d'une ceUule vivante qu'eUe est mortelle ou immortelle, qu'elle ne peut ~tre mortelle et immortelle ~ la lois, que si eUe est mortelle, alors elle n'est pas immorteUe. Ces propositions s'imposent n~cessairement ~ nous comme suite des conventions de langage qui r~glent l'usage des constantes logiques ou, ne pas, s i . . . alors, et de la convention initiale de r6partir tousles fitres vivants en mortels ou immortels. Ce sont des propositions relatives ~ la syntaxe des mots ou, nr pas, s i . . . alors. La d6duction logique est, eUe aussi, tautologique; elle ne fait que rfaliser des transformations tautologiques. Les conventions d'emploi des conjonctions non et ou sont telles que si je formule les deux propositions: ,,x est mortel ou immortel" et ,,a n'est pas mortel", cela 6quivaut ~ dire: ,,a est immortel". En bref, les r6gles de la logique permettent de faire
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subir ~ un syst~me de propositions toutes les transformations tantologiques qui permettent de leur conf~rer des ~nonc~s ~quivalents en vertu des conventions de langage adopt~es. Envisageons les consequences philosophiques de la th~ofie de Wittgenstein. Les lois logiques sont n~cessairement vraies, parce qu'elles sont vraies en vertu de leur propre forme, ind~pendamment du contenu et de la valeur de v~rit~ des propositions ~l~mentaires qui les constituent. EUes ne nous renseignent en lien sur le monde, sur les ~v~nements qui la constituent, sur les corps qui le composent et sur leurs propres comportements: elles n'dnoncent aucune restriction pour l'Univers. Elles se rapportent non anx choses, mais au langage que nous tenons sur les choses. Elles sont vraies a priori parce qu'eUes ne d6pendent pas de l'exp~rience, mais de nos conventions de langage. Ce sont des r~gles syntactiques, qui d6finissent les conditions d'emploi des conjonctions logiques et qui permettent de faire subir ~ u n syst~me de propositions des operations qui les transforment en d'autres ~nonc6s tautologiquement ~quivalents. Enoncer le th~or~me de Pythagore, c'est une autre fa~on d'6noncer le syst~me des axiomes d'Euclide. Par contre, les propositions dou6es de contenu, qu'elles soient des propositions particuli~res d~crivant des faits singuliers oll qu'eUes soient des propositions g6n~rales pos6es A titre d'hypoth~ses, sont toutes synthdtiques. Ainsi se trouve justi/id l'empirisme le plus radical. Les propositions synth~tiques expriment toute notre connaissance de l'univers. La logique est une sorte de calcul auxiliaire pour la manipulation des propositions synth~tiques. Elle permet de r6aliser des transformations linguistiques qui permettent de d6duire de certains ~nonc6s synth6tiques d'autres 6nonc6s synth6tiques plus facilement confrontables avec l'exp~rience. Toute proposition doude de sens est ou synthdtique, ou tautologique, ou contradictoire. Si une 6nonciation ne rentre pas dans ces trois cat6gories, eUe est ddnude de sens. Dans ce dernier cas, eUe r6sulte de ce que Wittgenstein appelle une mauvaise grammaire, une fausse logique. La m6taphysique n'est pas antre chose qu'une maladie du langage. Ainsi, l'Apodictique d'Aristote nous conduisait A une conception m~taphysique du monde, puisqu'elle nous for~ait A admettre un entendement divin qui ne fait pas partie du monde de nos perceptions immddiates. Au contraire, le tautologisme de Wittgenstein nous conduit ~ l'empirisme le plus radical.
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Louis Rougier III. IMPOSSIBILIT~ DE L'EMPIRISME RADICAL
J e voudrais montrer comment un tel empirisme est insoutenable. n suppose que les qualifications de tautologique, de synthdtique, de contradictoire, de ddnud de sens applique6s aux propositions ont un sens absolu. Or, il n'en est lien, parce qu'il existe une infinit6 de logiques possibles, et que, suivant la logique adopt6e, la m~me proposition est tautologique ou contradictoire, analytique ou synthdtique, doude de sens ou ddnude de sens. Ces qualifications, tout comme ceUes d'inddmontrable et de ddmontrable appliqu6es aux propositions, d'indd/inissable et de dd/inissable appliqu6es aux notions, sont relatives au langage que nous adoptons. Imaginons que nous nous servions d'un barom~tre dont le cadran soit divis6 par un trait en deux parties avec les indications: beau temps, mauvais temps. La proposition: ,,il fait beau ou mauvais temps" est tautologique: il n'y aura pas besoin de consulter le barom~tre pour l'affirmer. Une teUe division de notre barom~tre est suffisante, si nous avons A faire une course dans la quartier: eUe suffira A nous indiquer s'il faut ou non prendre un parapluie. Mais, si je dois faire une ascension p6rilleuse en montagne, il vaudra mieux consulter un barom~tre comportant trois divisions: beau temps, mauvais temps, temps imertain, et ne m'engager que si l'aiguille est A beau temps. Dans ce cas, la proposition: ,,il fait beau temps ou il fait mauvais temps" cesse d'etre tautologique. EUe n'6puise pas tomes les 6ventualit6s, puisque le temps peut 6tre incertain; c'est une proposition synth6tique que l'exp6lience peut d6mentir. Pareillement, la proposition: ,,il ne fait ni beau, ni mauvais" est une proposition contradictoire avec mon premier syst~me de division; c'est une proposition synth6tique avec le second, puisqu'un temps incertain est un temps qui n'est ni beau, ni mauvais, par d6finition. Si, maintenant, je fais un vol en avion, il me faudra pousser plus loin la division de mon cadran, car j'aurai besoin de tenir compte, darts mon vol, des variations quantitatives de pression. Dans ce cas, un tr~s grand nombre de valeurs devront 6tre affect6es au temps qu'il fait. Adopter la premi&re division bipartide 6quivaut A adopter une logique k deux valeurs, r6gie par le principe du tiers exclu, oh une 0roposition est n6cessairement vraie ou fausse. Adopter le second cas, 6quivaut ~ adopter une logique ~ trois valeurs, oh le principe du tiers exclu est remplac6 par le principe du quadruple exclu; off, par cons6quent, une propo-
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sition peut &re ni vraie, ni fausse, mais ind6termin& ou possible. Adopter la troisi6me hypoth6se revient A prendre une logique autant de valeurs qu'il y aura de divisions sur le cadran. On peut concevoir une logique comportant un ensemble infini d~nombrable de valeurs. Or, le choix d'une logique bivalente, trivalente, polyvalente est une question de pure commodit6, aussi libre que la graduation d'un barom&re en deux, trois ou plusieurs secteurs. Suivant l'ordre de recherche, suivant le but pratique que nous nous proposons, le choix de telle logique et de teUe graduation est plus ou moins commode. Les d6nominations d'analytique ou de synthdtique ne sont pas absolues: riles sont rdatives au choix prdalable de
telle logique comportant tel hombre de valeurs de vdritd. Consid~rons l'dventualit~ qu'a un certain dv6nement de se produire dans l'avenir. Trois cas peuvent se pr6senter: nous pouvons d6montrer, en partant de la constellation des circonstances pr6sentes et des lois physiques connues, que cet dv~nement se r~alisera n& cessairement, ou qu'il est impossible qu'il se r6alise, ou nous ne pourrons d~montrer ni l'un, ni l'autre, ce que nous exprimerons en disant qu'il est simplement possible encore que les diverses ~ventualit~s envisag~es sont contingentes. Une m~me proposition, savoir une prediction, pourra rev&ir quatre modalit6s diff~rentes: n&essaire, impossible, possible, contingente, qui, ajout~es aux deux valeurs de v&it6 de la Logique classique: le vrai et le faux, donnent six modalitds. Nous aurons alors affaire A une logique modale ~ six valeurs, c'est-A-dire A une logique ou une proposition peut ~tre vraie ou [ausse, ou ngcessaire ou contingents, possible ou impossible. Si nous envisageons maintenant, dans l'incertitude de ce qui arrivera, parmi toutes ces 6ventualit~s possibles en nombre n celles en nombre m qui am~neront l'6v~nement attendu ou redout~, nous pourrons calculer la probalit~ qu'a cet ~v6nement de se produire, probabilit~ 6gale A m . Nous pouvons, du reste, soit nous n contenter d'affirmer que la probabilit~ d'un ~v6nement est plus grande ou plus petite que celle d'un autre, soit 6valuer quantitativement son degr6 de probabilit~ par rapport A t o u s l e s cas possibles. Dans le premier cas, nous aurons affaire A une logique probabilitaire topologique, dans le second A une logique probabilitaire mdtrique. On peut encore affirmer qu'un ~v~nement se produira si se r~alisent, au pr~alable, une premiere s~rie de circonstances subordonn&s elles-m~mes A la r~alisation d'une s6rie de circonstances, et ainsi
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de suite. On aura affaire, alors, ~ des logiques A modalitds complexes irrdductibles ou ~ probabilitgs subordonndes. Or, dans la vie courante, nous nous servons spontan~ment de ces logiques modales ou probabilitaires. En parlant de l'6ventualit6 d'une guerre pour le printemps 1940, les uns d6montrent qu'eUe sera fatale, d'autres impossible; il en est de plus modestes qui se contentent d'affirmer qu'elle est simplement possible; d'autres, plus ambitieux, vous affirment qu'ell e a 90 chances sur cent de se produire. Les prudents se borneront A d~clarer qu'eUe se produira si telles et teUes circonstances se r~alisent, etc . . . . . Des esprits, rompus A des exigences mentales diff6rentes, se serviront inconsciemment, en parlant de l'~ventualit6 de la guerre future, de logiques modales diff6rentes. Les logiciens du X X e si&cle ont 6tudi~ ces logiques. Ils en ont m~me cr6~ un hombre considerable que l'on peut tenter de classer comme suit. IV. CLASSIFICATION DES LOGIQUES
Nous partirons de la logique bivalente classique, sous la forme oh Bertrand Russell et Whitehead l'ont expos6e dans les Principia
Mathematica. Une premiere g6n~ralisation de la logique classique consiste A s'affranchir de la condition de ne consid6rer que 2 valeurs, le vrai et le faux. On peut construire des logiques A trois, quatre, cinq, A un nombre fini, A un hombre infini d6nombrable de valeurs exhaustives. Une logique A n valeurs exhaustives comportera toujours un principe analogue au tiers-exclu, mais s'~non~ant sous la forme d'un principe de n + 1 valeurs exclues. Nous appellerons ces logiques des logiques polyvalentes exhaustives. Lukasiewicz et ses ~l&ves ont particuli&rement ~tudi~ la logique trois valeurs exhaustives, puis la logique A un nombre infini d6nombrable de valeurs exhaustives. Post a montr6 qu'une logique n + 1 valeurs peut s'interpr~ter comme une repr6sentation synthdtique de rapports entre des frdquences, des probabilit~s de v~rit~ ou des niveaux de v6rit~ de n propositions A 2 valeurs. Les pr~cddentes logiques A valeurs exhaustives ne sont que des cas particuliers de la logique probabilitaire de Hans Reichenbach. La logique probabilitaire de Hans Reichenbach est une logique A une ~chelle infinie de valeurs, qui se pr6sente comme une g6n6ralisation de la logique ordinaire, analogue au passage de la
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g~6om6trie d'Euclide A celle de Riemann. Cette g6n6ralisation est obtenue en substituant ~ la notion de proposition ceUe de suites propositionnelles et A la notion de v6rit6, celle de probabilit6. Les 6nonc6s probabilitaires jouent le m~me r61e que les 6nonc6s de v6rit6 dans la logique ordinaire. Elles se pr6sentent, non pas sous la forme de propositions vraies, mais sous la forme de raises poss6dant un
certain poids. Un second groupe de logiques est constitu6 par les logiques modales, qui constituent, au reste, des interpr6tations possibles de certaines logiques polyvalentes. On peut obtenir ces logiques modales ~ l'aide de deux m6thodes diff6rentes: ou bien, on introduit la lois les diverses modalit6s envisag6es; ou bien, suivant la m6thode de GSdel, on part de la logique bivalente classique et on la complete par l'adjonction de nouveaux postulats qui introduisent de nouveUes modalit6s. Dans ce cas, on affectera, par exemple, la proposition p qu'on lit: ,,p est vrai" d'op6rateurs modaux A p, E p que l'on lira: ,,il est n6cessaire que p soit vrai", ,,il est possible que p soit vrai". Ces op6rateurs permettront d'introduire des
[onctions de modalitds. La plus c61~bre de ces logiques modales est ceUe qui fait intervenir les six modalit6s 6tudi6es par Aristote dans son livre, de l'Interprdtation, et dans les Premiers Analytiques, ~ savoir: vrai, /aux, ndcessaire, contingent, possible, impossible. Cette logique A six modalit6s se r6duit A cinq si on assimile possibilitd et contin~_gence; eile se r6duit A quatre modalit6s si on consid~re que toute proposition doit ~tre : ndcessaire, impossible, possible ou contingente. La logique modale h quatre valeurs se r6duit ~ trois valeurs, si l'on identitle A nouveau possible et contingent. La logique ~ six modalit6s a 6t6 formalis6e par Mac Coil, Lewis et O. Becker; la logique A cinq modalit6s par O. Becket; la logique A trois modalit6s par Lukasiewicz. On obtient des logiques A plus de six modalit6s, si on affecte les propositions modales, A l e u r tour, d'une modalit6. On peut, par exemple, consid6rer comme ndcessaire, impossible, possible, contingenre, l'affirmation modale eUe-m~me. On dira, par exemple: ,,il est n6cessaire que p soit n6cessairement vrai" ; ,,il est possible que p soit n6cessairement faux". Ces modalitds superposdes peuvent s'interpr6ter comme des niveaux de circonstances: un premier niveau dont d6pendrait la v6rit6 des circonstances dont p d6pend, et ainsi
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de suite. C'est ainsi que Becker a construit une logique A 10 valeurs, qui s'interpr~te comme une logique qui ne comporte que deux niveaux de circonstances. On peut envisager des logiques comportant une in/initd de superpositions irrdductibles de modalitds, clue l'on distinguera suivant que l'ordre des modalit~s est ou n'est pas enti&rement d6termin6. Bien que Lewis, Lewis-Langford, Becket, GSdel, Smith aient 6tudi6 ou se soient servi de telles logiques, aucune d'eUes n'a 6t6 l'objet d'une formalisation syst6matique. Une troisi~me cat~gorie de Logiques s'obtiendra, non plus par line complication des r&gles de la Logique classique, mais par un affaiblissement de ces r&gles. On les obtient, en laissant tomber quelques-unes de ces r~gles, en renon~ant ~ utiliser tousles raisonnements pennis par la Logique classique. On obtient la Logique de H e y t i n g, appel6e ,,logique intuitionniste,, en acceptant toutes les r~gles fondamentales de la Logique classique, saul le principe du tiers-exclu. I1 est vrai que cette simple suppression entratne des changements consid6rables dans les r~gles d'emploi des op6rations logiques fondamentales. Si l'on se borne aux r~gles de la n6gation, le principe de contradiction se maintient, mais l'affirmation n'6quivaut plus A la double n6gation : l'affirmation implique la double ndgation, mais non r6ciproquement. Par contre, la n6gation 6quivaut A la triple n~gation; un nombre impair de n~gations superpos6es 6quivaut ~ une n6gation simple. Johansson a cr66, en partant de la logique de Heyting, une logique nouvelle, appel6e par lui ,,calcul minimal". EUe retranche de la Logique de Heyting le principe: ,,ex falso sequitur quodlibet", le faux implique le vrai. La logique Lx de J.-L. Destouches, la logique LF de Paulette F6vrier, la logique L, de Destouches qui englobe la logique Lx et L F sont obtenues, toutes les trois, par affaiblissement de la Logique classique. Nous n'avons pas ~puis6 toutes les logiques possibles. Bertrand Russell, darts les Principia Mathdmatica, fonde le principe de d~duction: ,,si p e s t vrai et s i p implique q, alors q est vrai" sur une certaine d~finition de l'implication: ./3 v q, caract6ris6e par le tableau suivant, o4 15 exprime la n~gation de p:
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V p
q
pour p ~ q d6fini par ~ v q
V V F F
V F V F
V F V V
Or, ce mode d'implication, appel~ implication matdrielle, n'est qu'un des cas du tableau des 16 fonctions de vdrit~s possibles pour deux propositions, ~numdr6es dans le tableau de Wittgenstein. On peut se demander s'il n'y a pas quelque arbitraire A baser le principe de dfiduction sur cette seule d6finition. C'est l'avis de Paul Weiss, lorsqu'il ddclare qu'A c6t6 du syst&me de Russell il y a place pour autant de syst~mes que de fonctions de vdrit~, abstraction faite de la tautologie qui admet toutes les v~rit~s et de la contradiction qui n'admet aucune possibilit~ de vdritd, ce qui ramgne le nombre total des syst~mes de logique A quatorze. Par exemple, au lieu de baser le principe de d6duction sur l'implication mat6rielle qui se d6finit, A partir de la ndgation et de l'addition, par ~ v q, on peut le fonder sur p v q, d~fini par le tableau suivant : VI p
q
pour p -+ q d~fini par ~ v
V V F F
V F V F
F V V V
On obtient quatorze syst~mes de d6duction parmi lesquels les Principia Mathematica constituent un cas possible. Une nouvelle g6n~ralisation consiste A consid~rer des fonctions de v~rit6 3, 4, 5 . . . . n variables propositionnelles, au lieu de deux. On obtient alors un nombre croissant de possibilit6s de v~rit~, A partir desquels un nombre croissant de fonctions de v6rit6 se laissent d6finir, et dont chacune peut 6tre la base d'un principe de d~duction, en sorte qu'un nombre iUimit6 de syst&mes de d~duction sont possibles.
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Paul Weiss s'est ~lev6 ~ l'id6e d'une plus grande g~n~ralisation encore, ~ ridge d'une Logique qui ne s'occuperait pas seulement de propositions et de leurs propri~t~s, mais d'objets quelconques dou~s des propri6t6s quelconques. Au lieu de dire: ,,Quand teUe proposition est vraie, alors teUe autre proposition est tautologiquement vraie". On dirait: ,,Si ceci ou cela est le cas, alors ceci ou cela est tautologiquement le cas". Une r~alisation de ce genre est offerte par la Logique combinatoire de Curry, dont les operations portent sur des ~l~ments absolument quelconques, des etwas dit Curry, par exemple sur les signes m~me d'op~rations repr~sent6s par des majuscules. Les Principia Mathdmatica, que nous avons pris comme point de d~part de nos g~n~ralisations successives, ne sont qu'une Sl~Cification tr~s particuli~re d'une teUe Logique, quand on prend comme objets des propositions, auxquelles on n'attribue d'autres propri~t~s que les valeurs vrai ou faux, dont on n'envisage d'autres combinaisons que des fonctions de v~rit~, et que l'on enchatne l'aide du principe russeUien de la d~duction mat6rielle. V. USAGE DES LOGIQUES
Les logiques que nous venons d'6voquer apparaissent d'abord comme de simples jeux de l'esprit. Mais une connaissance m~me superficieUe de rhistoire des id6es r6v~le que certaines d'entre elles furent spontan6ment appliqu6es et nous explique pourquoi r o n est pass~ de l'une tt 1'autre. La logique bivalente des propositions fur la premi6re utilis~e. EUe suffit pour exprimer la pr6sence ou rabsence en un lieu d'un objet usuel, la r6alisation ou la carence tL un instant donn6 d'un ~v6nement attendu. Si on d~pouille un objet de toutes ses qualit6s, il ne lui reste plus pour propri6tfs que d'etre ou de n'~tre pas, ces deux propri~t~s ~tant exclusives l'une de l'autre, Aussi Gonseth a-t-il pu interpreter la logique bivalente des propositions comme la physique de l'objet quelconque. Cette logique symbolise aussi la constatation qu'un ~v~nement attendu se produit ou ne se produit pas A un instant donn6: eUe se pr~sente ainsi comme le canon naturel de nos jugements perceptifs d'existence. Mais une telle logique ne s'applique pas ~ ces sortes d'objets affaiblis qu'on
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appelle des champs, qui remplissent au m6me moment tout l'espace et qui peuvent s'interp6n6trer, alors que deux objets usuels ne peuvent coexister au m6me endroit et que le m~me objet ne peut agir par sa pr6sence A des endroits diff6rents. EUe ne s'applique pas non plus anx corpuscules de la microphysique dont on peut d6terminer seulement la probabilit6 de pr6sence ~t tel ou tel endroit, non la pr6sence ou rabsence. Elle ne s'applique pas davantage aux ~v~nements de l'avenir, dont on ne salt s'ils se produiront ou ne se produiront pas et qu'Aristote appelle des futurs contingents. A leur sujet, des jugements tels que: ,,I1 est possible que tel 6v6nement se r6alise; il est possible que tel 6v6nement ne se r6alise pas" sont vrais A la fois. De tels jugements rel~vent, d'une logique ~t trois valeurs, impliquant le principe de la possibilit6 bflat~rale, comme ceUe de Lukasiewicz. Si l'on distingue, an surplus, la v6rit~ empirique obtenue par la constatation sensible d'un fait de la v6rit6 formeUe obtenue par la d6monstration d'une proposition, on en vient A admettre une logique ~ cinq ou six modalit~s, pressentie par Aristote et formalis~e par Oscar Becker. C'est la logique dont on se sert coutumi&rement. Si l'on 6value la chance que poss&de une 6ventualit6 favorable de se r6aliser parmi une s6rie d'6ventualit~s possibles ou la fr6quence d'un 6v6nement d6termin6 dans une s6rie d'6v6nements, on est amen6 ~t se servir des logiques probabilitaires, dont les propositions ne sont plus des affirmations, mais des pr6somptions, c'est-~-dire des sortes d'affirmations affaiblies. La logique A un nombre infini de valeurs entre en jeu partout oh, comme en microphysique, les lois rigides de la m6canique classique font place des lois statistiques. Le grand m6rite de la logique probabilitaire de Hans Reichenbach est, pr6cis6ment, de rendre compte des d6marches de notre esprit darts la recherche scientifique, en interpr6tant la notion de probabilit6 comme une fr6quence relative d'6v6nements. Les lois de la nature, fond6es sur l'induction baconienne, nous apparaissent comme les raises les plus probables que nous puissions faire pour guider notre action, et que l'on am61iore sans cesse par des mises secondaires, constituant une appr6ciation des raises primaires. Une th6orie scientifique apparait comme une concat6nation de raises approximatives correspondant ~ des syst~mes d'inductions baconiennes enchain6es. Nous nous trouvons, en d6finitive, en pr6sence d'un grand nombre de logiques entre lesquelles nous pouvons choisir. Notre 14
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choix, bien que libre, n'est pas arbitraire. I1 s'adaptera, dans chaque cas, au domaine de faits dont rel&ve notre recherche ou au but que nous visons dans notre action. VI. RAISONS QUI CONDUISENT .~ PASSER D'UNE LOGIQUE A L'AUTRE
Historiquement, on constate qu'on substitue A la logique classique une logique plus forte ou plus faible, pour sortir d'une contradiction inh~rente A un syst~me d'id6es et qu'on ne pouvait pas surmonter autrement. Si l'on applique la logique bivalente A la notion la plus g6n6rale, celle d'$tre, et qu'on r6alise cette notion, on tombe in6vitablement dans le monisme des El~ates. Parm6nide argumentait ainsi: ,,L'~tre seul existe, car si une chose autre que l'~tre existe, cette chose ~tant diff6rente de l'dtre est le non-~tre et, comme teUe, elle n'existe pas". Aristote n'a pu 6chapper au monisme de Parm~nide qu'en introduisant, entre le non-6tre absolu et l'6tre actuel, l'~tre en puissance, lieu de l'ambiguit~ des contraires; et les docteurs de l'Eglise n'ont pu ~chapper au panth6isme qu'en introduisant l'~tre contingent, qui est l'~tre cr66, pour le distinguer de l'~tre n6cessaire, ce qui implique l'usage de logiques plusieurs modalit6s. Dans la th6orie des ensembles, on se heurte ~ certaines antinomies oh l'on arrive ~ poser l'6quivalence de deux propositions contradictoires. Lukasiewicz a cru pouvoir les surmonter grace ~ sa logique ~ 3 valeurs, car, dans sa logique, le principe qu'une proposition est d6clar6e fausse, si elle entralne l'6quivalence de deux propositions contradictoires, est rejet~. La logique de Heyting arrive toutefois au m~me r6sultat, mais ~ beaucoup moins de frais en rejetant la validit6 absolue du principe du tiers-exclu, mais non celle du principe de contradiction. La th6orie de la compl6mentarit6 de Niels Bohr implique la validit6 de propositions qui s'excluent mutuellement. Cette contradiction est intol6rable dans le champ de la logique clasc':que. Elle cesse de l'~tre dans le champ de la logique ~ trois valeurs, oh l'on attribue aux deux theses, ondulatoire et corpusculaire, la valeur logique de possibilit6. D'une faqon plus g6n6rale, J.-L. Destouches a montr6, dans sa th~se de doctorat ~s-lettres, que l'on ne peut surmonter les contradictions inh6rentes ~ la m6canique ondulatoire qu'~ condition d'adopter une logique affaiblie qui interdit les raisonnements qui m~nent pr6cis6ment aux contradictions
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redout~es. On peut, selon lui, toujours unifier deux theories physiques: soit en les englobant dans une th~orie plus gdn6rale si leurs axiomatiques sont compatibles, l'axiomatique de la th~orie nouvelle 6tant alors form6e par le produit logique des deux autres; soit, si les deux axiomatiques sont contradictoires, c'est-A-dire si une proposition figure dans une th6orie dont la contradictoire figure dans l'autre, en affaiblissant la logique adopt~e, de fa~on A renoncer aux raisonnements qui entralnent la contradiction. VII. CONS1~QUENCES PHILOSOPHIQUES
Quelles cons6quences philosophiques faut-il tirer de tout cela? Tout d'abord, la nature des lois logiques et leur n~cessit6 cessent d'etre un myst~re. Les lois logiques sont des tautologies qui sont vraies a priori parce qu'elles 6puisent toutes les alternatives que nous avons pos6es par convention en attribuant deux, trois, plusieurs ou un nombre infini de valeurs aux propositions ou en consid6rant un certain hombre de modalit6s. Les propositions sont susceptibles de deux valeurs dans la logique traditionnelle, non parce qu'il existe un principe vrai a priori, qui s'impose ndcessairement ~ notre pensde et que nous appelons le principe du tiers exclu, mais simplement parce que nous avons posd la convention d'appeler propositions les dnonciations susceptibles de prendre seulement ces deux valeurs. Nous aurions pu poser d'autres conventions. D'une fagon g6n6rale, les lois d'une logique r~sultent des conventions A l'aide desquelles nous d6finissons les propositions, leurs valeurs, leurs modalit6s et les op6rations logiques, c'est-A-dire la structure syntactique ou syntaxe formelle du langage que nous employons. Le caract~re tautologique de la logique condamne toute tentative de panlogisme, du genre de celle de Leibnitz et de Hegel, c'estZ-dire toute tentative de tirer la connaissance des lois logiques de notre pensde. En effet, les lois de In logique sont vides de tout contenu, il n'y a dans la pens6e pure aucune mati~re a priori. Le caract~re relati] de la logique condamne, par contre, tout empirisme radical. En effet, le caract~re pour une proposition d'etre analytique ou synthdtique, a priori ou empirique, tautologique ou contradictoire, ddpend de la logique adopt6e. La proposition: ,,Le temps est beau ou mauvais" est tautologique dans une logique bivalente; elle est synthdtique dans une logique trivalente. Sa n6gation: ,,le temps n'est ni beau, ni mauvais" est contradictoire
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dans le premier cas, non-contradictoire dans le second. Or, la logique classique est construite avec le chiffre deux d'une mani~re aussi conventionnelte que notre syst~me mrtrique est construit avec le chiffre lO. L'affirmation que chaque proposition est vraie ou fausse, appel~e principe du tiers exclu, n'est pas plus n~cessaire que cette autre: ,,tout nombre suprrieur A 99 s'~crit au moins l'aide de trois chiffres". Si l'on distingue, dans une science, les ~noncrs qui y interviennent en deux groupes: les 6nonces empiriques et les 6nonces th~oriques, non directement vrrifiables par rexprrience; et si on subdivise ces derniers en principes physiques, rrsultant d'une sch~matisation de l'exp~rience, et en r~gles logiques, qui permettent de tirer des principes une s~rie de th~or~mes, on pourra toujours transformer une partie des 6noncrs empiriques en 6noncrs th~oriques, comme l'a bien montr6 Poincarr; et l'on pourra semblablement transformer une pattie des principes physiques en r&gles logiques. Cette r~partition est facultative, sans cependant 6tre arbitraire. On la ]ustffie par des raisons de temprrament intellectuel, de commodit6 throrique ou pratique. Henri PoinCar~ a montr6 comment on soustrait certaines lois empiriques aux contestations de l'exprrience en les 6levant tt la diguit~ de principes, c'est-A-dire en les transformant en drfinitions drguis~es: ainsi la loi de la conservation de l'~nergie a pris rang de principe ell devenant la drfinition m~me de l'rnergie. Deux exemples, empruntrs tL Paulette Frvrier et tL Hans Reichenbach, montrent c o m m e n t l'on transforme un principe physique en r~gle logique. Les relations d'incertitude d'Heisenberg expriment, dans le physique quantique, non pas une d~ficience purement psychologique du savant, mais une indetermination physique fondamentale, c'est-A-dire une loi de la nature. Elles expriment qu'on ne peut mesurer avec prrcision simultandment des couples de grandeurs physiques complrmentaires. Melle Frvrier a montr6 comment on peut incorporer ces relations dans une logique tL trois valeurs qui admet des couples de propositions, dites ,,incomposables", dont chacune prise ~ part peut 8tre vraie, mais dont le produit logique est interdit. Ces couples de propositions correspondent aux ~noncrs de mesure de couples de grandeurs physiques compldmentaires. Le principe d'induction de Bacon et de Hume semble le type m r m e d'un principe physique irrrductible ~ toute mutation en
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r~gle logique. E n effet, il n'eSt pas garanti par la logique, puisqu'il revient /~ conclure de la v~rit~ d'une proposition particuli~re A la v6rit6 de l'universelle correspondante, ce qui est contraire aux r&gles de la subalternation des propositions. I1 n'est m~me pas cautionn6 par l'exp~rience, puisque affirmer que les uniformit~s ou les fr~quences constat6es dans le pass~ se maintiendront dans l'avenir, ajoute quelque chose de nouveau anx donn~es brutes de l'exp6rience. Le principe d'induction apparatt, soit comme une hypoth~se de travail, dont on se sert dans la mesure oh elle r6ussit, la fa~on de H u m e, soit comme un principe synth~tique a priori, ~ la fa~on de Kant. Or, si l'on substitue A la logique bivalente des propositions d'Aristote la logique probabilitaire des mises de Reichenbach, la nouveaut~ qu'~nonce l'inf6rence inductive n'est plus donn~e comme une proposition vraie, mais comme une raise plus ou rnoins probable, et l'on d~montre alors, A l'aide de simples tautologies, que le principe d'induction correspond A la raise la plus favorable que nous puissions faire pour pr6voir l'avenir. Ainsi, l'organisation conceptueUe et the~orique de notre connaissance du monde n'est nuUement univoque. Plusieurs axiomatiques peuvent ~tre 61abor6es, plusieurs logiques adopt~es. Le caract~re syntactique d'une ~nonciation, le fait pour eUe d'etre tautologique, contradictoire ou syntMtique, d'6tre une proposition vraie ou ]ausse ou une raise plus ou moins probable change avec la construction th6orique adoptde. v i i i . LES ]~NONCIATIONS D]~NU]~ES DE SENS
On peut aller plus loin et se demander si le fait pour une 6nonciation de n'~tre ni tautologique, ni contradictoire, ni synthgtique, c'est-A-dire d'etre ddnude de sens, poss&de un caract~re absolu? Ce que ]e viens de dire laisse pressentir la solution. On ne peut d6clarer une 6nonciation d6nu6e de sens qu'd Fintdrieur d'un langage donnd et par rapport ~ la structure logique de ce langage. Une m~me dnonciation peut ~tre doude de sens dans un langage et ddnude de sens dans un autre. Nous d~terminerons compl~tement la structure logique d'un langage quand nous aurons pr6cis6: son vocabulaire de base, c'est-Adire les symboles 616mentaires, d6signant des mots, des hombres, des signes de ponctuation dont se composent les expressions complexes de ce langage; ses r~gles de ]ormation qui stipulent quels
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assemblages de symboles 6lfmentaires sont considfr6s comme propositions; ses r~gles de transformation ou r~gles logiques de ddduction lui d~terminent queues propositions, appelfes consfquences logiques, sont consid6r6es comme tautologiquement 6quivalentes d'autres propositions appel6es pr6misses. Ces r~gles de lormation
et de transformation constituent les rdgles syntactiques du langage adoptd. Une 6nonciation sera d6clar~e d6nu6e de signification ~ l'intdrieur d'u•e langue donnde dans les deux cas suivants: lorsqu'eUe est form6e de mots qu'on ne peut pas d6finir en partant du vocabulaire de cette langne; lorsque ces mots, d6finissables dans cette langue, sont associ~s contrairement anx r~gles de sa syntaxe. Par exemple, dans le langage de la logique formeUe, le symbole de l'implication ne peut unit que deux propositions; si j'6cris: ,,l'homme est un animal raisonnable implique Pierre" cette 6nonciation est d6nu6e de sens. Dans le langage de l'arithm6tique, un exposant ne peut s'6crire qu'en hant d'un hombre: si j'6cris , + 2 = 4)", cet assemblage d e signes est d6nu6 de sens. Mais il peut arriver qu'une 6nonciation, d6nu6e de sens dans un langage, en soit dou6e dans un antre. Le langage de la physique se famine A des 6nonc6s de coincidence d'6v6nements, A savoir A des lectures d'instrument qui consistent A noter la coincidence d'une aignille avec un trait de la graduation d'un cadran. A ce degr6 de d6pouillement, la physique peut pr6tendre ~t un sens intersubjectif universel, car les coincidences d'6v6nements et leur ordxe causal ont un sens absolu pour tousles groupes d'observateurs. Mais cette universalit6 est pay6e du prix suivant: le physicien laisse tomber le contenu qualitatif de ses concepts. Des couleurs, par exemple, il ne retient que ce qu'un aveugle peut en entendre: une couleur sera pour lui une certaine longneur d'onde; le spectre color6 d'une vapeur se ram~nera ~ la structure de son spectre. Des phrases teUes que: ,,le mariage de ces deux nuances est chantant"; ,,la robe du pape L6on X dans le tableau de Raphael est moins 6carlate que le vin d'Espagne" seront d6nu6es de sens dans le langage de la physique pure. Elles en auront un dans le langage moins universel des clairvoyants, puisque un peintre et un marchand de couleurs, un couturier et un teinturier arrivent A se comprendre, c'est-~-dire A homologuer leurs conventions de langage d'une fa~on intersubjective coh6rente relativement au domaine sensoriel des couleurs. Si je dis maintenant: ,,la nuit obscure des
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sens est le premier des 6tats d'oraison", cette ~nonciation n'a aucun sens dans le langage des couleurs, mais elle en a un dans le langage, beaucoup plus restreint, des mystiques, puisque ceux-ci parviennent A s'entendre au point d'~crire des Trait~s d'Asc~tique et de Mystique. Si j'~nonce, enfin, un dogme tel que celui de l'union hypostatique de deux natures en J6sus-Christ, qui s'~nonce: ,,en J6sus-Christ la nature humaine et la nature divine sont consubstantieUement unies" cette proposition n'a aucun sens pour un empiriste qui pretend constituer toutes les notions de son langage en partant de ses perceptions ext6rieures; fl en a un pour un th6ologien thomiste et pour tous ceux qui conviendront de consid6r~r certains livres comme r~v~l~s, qui s'entendront sur les r~gles d'interpr~tation de ces livres, qui accepteront, ell outre, une certaine phflosophie premiere et une certaine logique, ~ condition toutefois que l'ensemble des conventions ainsi pos~es soit coherent. Nous sommes, en effet, libres de prendre comme domaine de notre langage ou uniquement les lectures d'instruments comme le physicien; ou l'ensemble des perceptions sensorieUes comme le phflosophe empiriste, ou l'ensemble de nos perceptions color~es comme le peintre; ou certains 6tats d'~me, comme le mystique, ou le contenu de certains livres comme le th~ologien. Pour coordonher le plus commod6ment possible nos lectures d'instruments, nos sensations externes, nos sensations chromatiques, nos 6tats d'~me mystiques, les textes de certains ouvrages, nous sommes bien libres d'~difier la langue que nous jugeons la plus propice, ob~issant la syntaxe que nous jugeons la plus favorable. Nous ne sommes li~s que par trois conditions: les r~gles syntactiques que nous avons choisies ne doivent pas conduire ~t des contradictions; lorsque nous voulons nous faire entendre d'autrui nous devons lui r6v61er de quelle mani~re nous avons constitu6 notre langage; enfin, nous sommes tenus, une lois notre langage choisi, A respecter nos propres conventions. Une lois que nous avons d61imit6 le domaine des faits que nous voulons 6tudier et la m6thode propre Ales observer; une lois que nous avons fait choix d'un langage comportant une logique coh6rente; une fois que nous avons pos6 d'une fa~on univoque les r~gles de correspondance entre les symboles de notre langage et les faits du domaine 6tudi6, nous sommes li6s par nos conventions et l'accord entre l' ensemble de nos propositions et l'ensemble des ]aits dtudids ne peut 6tre que constat6 ou infirm~ avec un indice de fr6quence
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plus ou moins ~lev~. Mais nos conventions reposent sur des choix subjectifs pr6alables et robjectivit~ n'est atteinte qu'A travers ces positions subjectives. La science n'est pas ,,le d~calque des bleus dont s'est s e r v i l e Grand Architecte de l'Univers", suivant l'heureuse expression du G~n~ral Vouillemin; la science reste une aventure humaine, qui, dans certains domaines, rdussit. BIBLIOGRAPHIE 1. O. B e c k e r, Z u r L o g i k der M o d a l i t d t e n , Jahrb. f. Phil. u. Phiinom.
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