Douleur analg. (2013) 26:S16-S27 DOI 10.1007/s11724-013-0347-7
ARTICLE DE SYNTHÈSE / REVIEW ARTICLE
L’enquête ménagère : la loi, le médecin, l’assureur, le juge The domestic debate: the law, the doctor, the insurer and the judge A. Overney Reçu le 20 juin 2013 ; accepté le 2 juillet 2013 © Springer-Verlag France 2013
Résumé Depuis plusieurs années, l’atteinte à la capacité d’exercer ses tâches ménagères revêt une importance croissante. Il appartient à la loi, au médecin, à l’assureur et au juge de mesurer cette atteinte. Or, le régime diffère fondamentalement selon que l’on se trouve dans le domaine de l’assurance responsabilité civile ou dans celui des assurances sociales. Quel est, à cet égard, le rôle joué par le médecin ? On verra que le Tribunal fédéral a, pour ce qui concerne la responsabilité civile, reconnu la valeur de l’expertise médicale, de l’évaluation de la capacité fonctionnelle (ECF) ou encore de l’évaluation ergothérapeutique. Pour ce qui est de l’assurance invalidité, le rôle du médecin s’inscrit plus dans la détermination des limitations fonctionnelles. Mots clés Dommage ménager · Invalidité · Expertise médicale · Évaluation de la capacité fonctionnelle (ECF) · Évaluation ergothérapeutique Abstract For many years, the loss of ability to perform household chores has been earning growing importance. It is up to the law, doctors, insurers and judges to measure the resulting damages. However, the regime is fundamentally different in liability insurance than in social insurance. What role does the doctor play in this respect? We will see that the Federal Tribunal, with regard to civil liability, has recognized the value of medical examination, assessment of functional capacity (AFC) and occupational therapy evaluation. With disability insurance, the physician’s role is more to determine the functional limitations. Keywords Household production valuation · Disability · Medical expertise · Assessment of functional capacity (AFC) · Occupational therapy evaluation A. Overney (*) Avocat, spécialiste FSA responsabilité civile et droit des assurances, Fribourg et Lausanne, boulevard de Pérolles 21, case postale 656, CH-1701 Fribourg, Suisse e-mail :
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Introduction S’il est, dans le domaine de la responsabilité civile, une question qui a fait (et qui fera encore) couler beaucoup d’encre, c’est bien celle que l’on range sous le vocable de « dommage ménager ». La présente contribution a pour but de présenter les contours juridiques de cette institution aussi bien dans le domaine de la responsabilité civile que dans celui des assurances sociales (Le contexte juridique). En second lieu, c’est la méthode qui permet de mesurer l’atteinte à la capacité ménagère qui sera présentée (La mesure de l’atteinte à la capacité ménagère).
Contexte juridique Dommage corporel dans le domaine de la responsabilité civile Notion Selon la conception classique, le dommage se définit comme la diminution du patrimoine d’une personne qui se produit sans la volonté de celle-ci. Cette diminution peut consister en une réduction de l’actif, en une augmentation du passif ou dans un gain manqué. Elle correspond à la différence entre la situation actuelle de la fortune et celle qui existerait sans l’événement dommageable1 ; cette conception est reçue sous l’appellation de théorie de la différence2. Selon la nature du bien touché par l’événement dommageable, on distingue le dommage corporel, le dommage matériel et le dommage purement économique. Le dommage corporel est la perte patrimoniale résultant d’une atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou 1 ATF 133 III 462 ; 132 III 186 ; TF, 4C.343/2001, ATF 129 III 331 ; 127 III 403. 2 Franz Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, no 39, p. 18.
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psychique d’une personne3. Du point de vue du dommage, une atteinte corporelle n’est ainsi pertinente que si elle se manifeste par une perte patrimoniale. Comme telles, les blessures ne constituent pas un dommage4. Le professeur Werro illustre ce principe en citant l’exemple de la perte d’un doigt : si la victime est un violoniste, elle subit un dommage, car elle est empêchée de jouer ; si elle est avocate, elle n’est pas empêchée d’exercer son activité lucrative5.
critiques sur un calcul du préjudice ménager qui serait fondé sur des données purement abstraites11.
Dommage ménager
Dans le domaine de l’assurance invalidité (AI) est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée12. Les assurés majeurs qui n’exerçaient pas d’activité lucrative avant d’être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique, et dont il ne peut être exigé qu’ils en exercent une, sont réputés invalides si l’atteinte les empêche d’accomplir leurs travaux habituels13. Cette disposition vise à permettre de déterminer la méthode à appliquer pour évaluer l’invalidité des assurés (actifs ? non actifs ? actifs et non actifs ?)14. L’article 8 al. 3 LPGA permet d’exclure qu’un assuré qui n’exerçait pas d’activité lucrative avant d’être atteint dans sa santé, et qui de ce fait ne subit pas de préjudice en raison de cette atteinte, ne puisse prétendre à une rente en invoquant une impossibilité d’accomplir des travaux habituels. En revanche, s’il devait s’avérer qu’un tel assuré aurait normalement dû avoir une activité lucrative qui soit exigible, il devrait être considéré comme un assuré actif, avec toutes les conséquences que cela peut avoir (on prendra en considération des revenus qui seront tous deux hypothétiques). Tel sera le sort des assurés qui seraient en mesure, sur le plan de la santé, d’exercer une activité lucrative à plein-temps, mais qui décideraient de leur propre gré de réduire leur horaire de travail pour s’accorder plus de loisirs ou pour poursuivre leur formation (ou leur perfectionnement professionnel), ou des assurés auxquels le marché du travail n’offrirait pas d’activité à pleintemps. Mais il en va différemment lorsque l’on peut admettre que l’assuré partagerait son temps entre exercice d’une activité lucrative et accomplissement des travaux habituels15. Ont ainsi droit aux prestations de l’AI les assurés qui, par suite d’une atteinte à leur santé, sont totalement ou partiellement empêchés d’exercer une activité lucrative ou d’accomplir leurs travaux habituels.
La notion de dommage ménager n’est pas définie, comme telle, par le Tribunal fédéral. C’est à partir des principes dégagés par la jurisprudence qu’on peut en déterminer les contours. En cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-int érêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l’atteinte portée à son avenir économique (art. 46 al. 1 CO). Une lésion corporelle peut porter atteinte non seulement à la capacité de gain, mais également à la capacité de travail, particulièrement à celle concernant les activités non rémunérées, telles que la tenue du ménage ainsi que les soins et l’assistance fournis aux enfants ; il est alors question de dommage domestique ou de préjudice ménager6. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce type de préjudice donne droit à des dommages-intérêts en application de l’article 46 al. 1 CO, peu importe qu’il ait été compensé par une aide extérieure, qu’il occasionne des dépenses accrues de la personne partiellement invalide, qu’il entraîne une mise à contribution supplémentaire des proches ou que l’on admette une perte de qualité des services7. Ce dommage est dit normatif (ou abstrait), parce qu’il est admis sans preuve d’une diminution concrète du patrimoine du lésé8, ce qui signifie qu’il peut se manifester sans diminution effective de patrimoine au sens de la théorie de la différence9. Toutefois, a précisé le Tribunal fédéral, il est clair que seul celui qui, sans l’accident, aurait effectivement accompli des tâches ménagères peut réclamer la réparation de son préjudice ménager. On ne peut ainsi parler de pur dommage normatif10. La doctrine a d’ailleurs apporté des 3 Franz Werro, op. cit., no 59, p. 22 ; Alfred Keller, Haftpficht im Privatrecht, T. I, Berne 2002, p. 64, 66 ; Ingeborg Schwenzer, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, Berne 2003, no 50.08. 4 Franz Werro, op. cit., no 60, p. 22. 5 Franz Werro, op. cit., no 61, p. 22. 6 ATF 131 III 360 consid. 8.1 ; 129 III 135 consid. 4.2.1. 7 ATF 132 III 321 consid. 3.1 ; 131 III 360 consid. 8.1 ; 127 III 403 consid. 4b. 8 ATF 132 III 321 consid. 3.1 ; 127 III 403 consid. 4b. 9 David Weidmann/Urs Kröpfli, Erhebung und Quantifizierung der Einschränkungen im Haushalt, HAVE 2010, p. 293. 10 TF, 4C.166/2006 du 25 août 2006, consid. 5.1.
Incapacité d’accomplir les travaux habituels dans le domaine des assurances sociales Assurance invalidité
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Guy Chappuis, Le préjudice ménager : encore et toujours ou les errances du dommage normatif, HAVE 4/2004, p. 282 ss, 284s. 12 Art. 8 al. 1 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA ; RS 830.1). 13 Art. 8 al. 3 LPGA. 14 SBVR XIV-Jean-Louis Duc, L’assurance invalidité, no 38, p. 1408 ; Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, Zürich 2003, no 16 ss, p. 110 ; cf. également Ueli Kieser/Gabriela Riemer-Kafka/Ghislaine FrésardFellay, Tables du droit suisse des assurances sociales, Genève– Zurich–Bâle 2004, Table 12, p. 21. 15 Jean-Louis Duc, Des règles de coordination en droit suisse : l’apport de la LPGA et ses limites, Berne 2009, p. 216.
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Par travaux habituels des assurés travaillant dans le ménage, il faut entendre notamment l’activité usuelle dans le ménage, l’éducation des enfants ainsi que toute activité artistique ou d’utilité publique16.
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Assurance accidents La notion d’invalidité est en principe la même en matière d’assurance accidents que dans les autres domaines du droit des assurances sociales : est réputé invalide celui qui subit une incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée17. L’incapacité de gain, définie à l’article 7 LPGA, a pour origine une incapacité de travail (dans la profession habituelle) qui a des répercussions sur les possibilités de gain de l’assuré. Elle se détermine donc toujours en fonction des conséquences économiques concrètes de l’atteinte à la santé sur le revenu, et non en se fondant sur la fixation d’un pourcentage d’incapacité de travail ou d’« invalidité » par le médecin18. Le champ d’application personnel (personnes assurées) de l’assurance accidents comprend une assurance obligatoire destinée aux salariés et une assurance facultative dont l’accès est ouvert aux indépendants. Les personnes sans activité lucrative n’ont pas accès au régime. Selon l’article 4 al. 2 LAA, ne peuvent pas adhérer à titre facultatif « les employeurs sans activité lucrative qui n’emploient que des gens de maisons ». Cette disposition exclut de l’assurance accidents sociale les femmes ou hommes au foyer19. Il résulte de ce qui précède que l’assurance accidents ne couvre pas les conséquences d’un empêchement d’exercer les travaux habituels.
Mesure de l’atteinte à la capacité ménagère Mesure de l’atteinte dans le domaine de l’assurance responsabilité civile Bases de calcul • Remarques générales Lors du calcul du préjudice ménager, explique le Tribunal fédéral, il convient de procéder en trois étapes : il s’agit :
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d’évaluer le temps que, sans l’accident, le lésé aurait consacré à accomplir des tâches ménagères (cf. L’évaluation du
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• Évaluation du temps nécessaire aux activités ménagères : choix de la méthode Méthode abstraite Pour évaluer le temps nécessaire aux activités ménagères, le juge peut se prononcer de façon abstraite, en se fondant exclusivement sur des données statistiques. Le juge applique alors des critères d’expérience. Le choix de la méthode abstraite, fondée exclusivement sur des données statistiques, suppose à tout le moins que le juge explique en quoi telle donnée statistique correspond peu ou prou à la situation de fait du cas particulier21. Le Tribunal fédéral demande d’opérer des ajustements en fonction des circonstances concrètes22. Méthode concrète Le juge peut également prendre en compte les activités effectivement réalisées par le lésé dans le ménage. Il examine alors la situation concrète, même s’il s’aide d’études statistiques pour déterminer dans les faits à quelle durée correspond une activité précise réalisée dans le ménage en cause23. Données statistiques utilisées Le Tribunal fédéral considère que l’enquête suisse sur la population active24, effectuée périodiquement par l’Office fédéral de la statistique, offre une base idoine pour la détermination du temps effectif moyen consacré par la population suisse aux activités ménagères et pour la fixation du temps consacré dans chaque cas individuel25. En d’autres termes, lorsqu’il utilisera la méthode abstraite, le juge se fondera sur les statistiques ESPA pour déterminer le temps consacré par le lésé aux activités ménagères. 20
TF, 4A_98/2008 du 8 mai 2008, consid. 2.2. ATF 129 III 135 consid. 4.2.2.1, p. 155 ; TF, 4C.166/2006 du 25 août 2006, consid. 5.2. 22 ATF 129 II 145 consid. 3.1 et les références citées ; TF, 4A_98/2008 du 8 mai 2008, consid. 3.1.3 ; TF, 4C.166/2006 du 25 août 2006, consid. 5.2. 23 ATF 132 III 321 consid. 3.1 ; 131 III 360 consid. 8.2.1 ; 129 III 135 consid. 4.2.1 ; cf. aussi ATF 131 II 656 consid. 6.1 ; 127 III 403 consid. 4a in fine. 24 ESPA ; en allemand SAKE. 25 ATF 132 III 321 consid. 3.2 et 3.6 ; 131 III 360 consid. 8.2.1 ; 129 III 135 consid. 4.2.2.1. 21
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Art. 27 du règlement sur l’assurance invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ; RS 831.201). 17 Art. 8 al. 1 LPGA auquel renvoie l’article 18 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance accidents du 20 mars 1981 (LAA ; RS 832.20). 18 SBVR XIV-Jean-Maurice Frésard/Margrit Moser-Szeless, no 161, p. 897s. 19 Pierre-Yves Greber/Bettina Kahil-Wolff, Introduction au droit de la sécurité sociale, Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, no 37, 2006, nos 306 et 316, p. 122 et 124 ; Alfred Maurer, Bundessozialversicherungsrecht, Bâle 1993, p. 338.
temps nécessaire aux activités ménagères : le choix de la méthode) ; en partant du taux d’invalidité médicale résultant de l’accident, de rechercher l’incidence de cette invalidité médicothéorique sur la capacité du lésé à accomplir ses tâches ménagères (cf. L’incidence de l’invalidité médicothéorique sur la capacité du lésé à accomplir ses tâches ménagères) ; de fixer la valeur de l’activité ménagère que le lésé n’est plus en mesure d’accomplir (cf. La valeur du travail ménager)20.
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Lorsqu’il aura opté pour la méthode concrète, ces statistiques lui serviront à déterminer à quelle durée correspond telle activité du lésé. Des tables ont été dressées sur la base des statistiques ESPA26. Le juge peut en tenir compte dans le cadre de l’application du droit, puisqu’il ne s’agit pas de constater des faits, mais d’appliquer des règles d’expérience27. L’Office fédéral de la statistique a réactualisé ses tables en 2010. On en compte aujourd’hui 1328. L’Office fédéral de la statistique a réparti les tâches ménagères en plusieurs groupes (Tableau 1). Il affecte ensuite, à chacune des tâches, un nombre d’heures en fonction de l’état des personnes (femmes vivant seules, hommes vivant seuls, femmes et hommes vivant en couple), du groupe d’âges, de la situation professionnelle (activité à plein-temps ou à temps partiel, sans activité lucrative), du nombre et de l’âge des enfants. • Incidence de l’invalidité médicothéorique sur la capacité du lésé à accomplir ses tâches ménagères Pour le Tribunal fédéral, le dommage consécutif à l’invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète ; le juge partira du taux d’invalidité médicale (ou théorique) et recherchera l’incidence de l’invalidité médicale sur la capacité du lésé à accomplir des tâches ménagères29. Il est tout à fait possible, observe le Tribunal fédéral, que le handicap dont souffre le lésé n’exclut pas la poursuite d’une activité ménagère ou ne commande qu’une faible diminution de celle-ci ; inversement, il se peut qu’une certaine affection génère, sur le plan du dommage domestique, des effets sans commune mesure avec le taux d’invalidité médicale qui s’y rapporte30. • Valeur du travail ménager Pour fixer la valeur du travail ménager, le Tribunal fédéral prend comme référence le salaire d’une femme de ménage ou d’une gouvernante31. Il a précisé que le juge est en droit de prendre en compte une rémunération horaire du travail ménager quelque peu supérieure à sa valeur actuelle, pour tenir compte d’un accroissement de revenu dans le futur32. 26 cf. Pribnow/Widmer/Sousa-Poza/Geiser, Die Bestimmung des Haushaltsschadens auf der Basis der SAKE, Von der einsamen Palme zum Palmenhain, in HAVE 1/2002, p. 24 ss, 37 ss. 27 ATF 132 III 321 consid. 3.1 ; 131 III 360 consid. 8.2.1 ; 129 III 135 consid. 4.2.2.1. 28 Consultables sur le site de l’Office fédéral de la statistique : www. bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/20/04/blank/data.html, consulté le 24.4.2013. 29 ATF 129 III 135 consid. 4.2.1, p. 153. 30 ATF 129 III 135 consid. 4.2.1, p. 153. 31 ATF 132 III 312 consid. 3.1 ; 131 III 360 consid. 8.3 ; 129 II 145 consid. 3.2.1. 32 ATF 131 III 360 consid. 8.3 et la jurisprudence citée.
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Tableau 1 Liste des tâches ménagères. Préparer les repas Laver et ranger la vaisselle, mettre la table Faire les achats Nettoyer, ranger Faire la lessive, repasser Travaux manuels Animaux, plantes, jardinage Travaux administratifs Nourrir les petits enfants, les laver Jouer avec les enfants, faire les devoirs Accompagner les enfants, les emmener quelque part Soins et assistance aux adultes
Évaluation de l’atteinte à la capacité ménagère Expertise De très nombreuses évaluations de l’atteinte à la capacité ménagère sont faites par voie d’expertise médicale. Les questions posées aux experts sont à ce point diverses qu’il est impossible d’en tirer un enseignement global. Elles peuvent en effet prendre une teneur très générale (« Quel est le taux d’incapacité de la personne expertisée en ce qui concerne les travaux ménagers ? ») ou reprendre précisément les diverses tâches inventoriées par l’Office fédéral de la statistique en demandant à l’expert de se déterminer sur l’incapacité à retenir pour chacune d’elles. Dans un arrêt rendu le 8 mai 2008, le Tribunal fédéral a donné un certain nombre d’indications au sujet de la valeur d’une expertise médicale à partir de laquelle les premiers juges avaient fixé la mesure de la diminution d’une victime d’un accident à accomplir ses tâches ménagères33. L’expert médical avait constaté que la victime « ne pouvait plus effectuer les tâches exigeant un port de charge, une élévation des bras ou une mobilisation de la nuque prolongée et qu’elle présentait de ce fait une incapacité ménagère dont l’ampleur avait varié avec le temps, compte tenu de l’aggravation secondaire intervenue ». Les premiers juges avaient ainsi fixé le taux de l’incapacité ménagère à 30 % pour une première période et à 50 % pour une seconde période, ces taux correspondant à l’invalidité médicale retenue par l’expertise. La compagnie d’assurance reprochait aux premiers juges d’avoir repris tel quel un taux d’invalidité médicale de 30 puis de 50 % pour en déduire un taux d’incapacité ménagère de manière purement abstraite et en dehors de toute considération sur les facultés concrètes de l’intimée quant à sa capacité à effectuer des travaux domestiques. Elle soutenait qu’il incombait à la victime d’alléguer quelles étaient les tâches ménagères qu’elle ne pouvait plus accomplir du fait de son invalidité, par exemple quelles étaient les difficultés
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qu’elle rencontrait dans la préparation de ses repas, pour effectuer sa lessive, ses nettoyages, ses courses, ses rangements, etc. Selon la compagnie, les constatations d’ordre général résultant de l’expertise judiciaire sur les tâches que l’intimée ne pouvait plus accomplir en raison de son invalidité (tâches exigeant un port de charge, une élévation des bras ou une mobilisation de la nuque, sans précision sur les gestes ménagers visés ou leur fréquence) ne permettraient pas d’évaluer l’incidence concrète du handicap de l’intimée sur sa capacité à effectuer ses tâches ménagères. Dès lors, selon l’assurance, la victime n’avait pas apporté la preuve des répercussions de ses limitations fonctionnelles sur son activité ménagère après l’accident34. Après avoir évoqué les principes de calcul du préjudice ménager, le Tribunal fédéral rappelle que « pour apprécier la diminution de la capacité du lésé d’effectuer les tâches ménagères qu’il aurait accomplies sans l’accident, le juge doit partir du taux d’invalidité médicale (ou théorique) et rechercher l’incidence de l’invalidité médicale sur la capacité du lésé à accomplir ses tâches ménagères, le dommage consécutif à l’invalidité devant, autant que possible, être établi de manière concrète »35. Pour autant, poursuit le Tribunal fédéral, « cela ne signifie (…) pas qu’il faille systématiquement dresser la liste de toutes les tâches ménagères effectuées par le lésé et établir, pour chacune de ces tâches, la mesure exacte dans laquelle son exercice est concrètement entravé. Une telle manière de procéder, outre le fait qu’elle n’apparaît guère praticable, serait d’ailleurs difficilement conciliable avec l’établissement du nombre d’heures consacrées aux tâches ménagères selon la méthode abstraite, où le juge doit se fonder sur le nombre d’heures total que, selon les statistiques pertinentes, une personne dans la situation du lésé consacre aux tâches ménagères dans une période de temps donnée »36. Les juges fédéraux observent que, dans le cas d’espèce, les experts médicaux ne s’étaient pas contentés d’énoncer un taux d’invalidité médico-théorique, mais avaient exposé que la victime ne pouvait plus effectuer les tâches exigeant un port de charge, une élévation des bras ou une mobilisation de la nuque prolongée. De plus, des témoins avaient confirmé que la victime avait beaucoup de peine à faire le ménage, en particulier des activités telles que nettoyer les sols ou laver les vitres, qu’elle ne pouvait accomplir aucun travail domestique pénible, comme décrocher les rideaux, faire un trou dans le mur pour fixer un cadre ou encore jardiner. Dans ces conditions, conclut le Tribunal fédéral, les premiers juges ont estimé correctement le préjudice ménager37.
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TF, 4A_98/2008 du 8 mai 2008, consid. 3.2. TF, 4A_98/2008 du 8 mai 2008, consid. 3.2.2. 35 TF, 4A_98/2008 du 8 mai 2008, consid. 3.2.3. 36 TF, 4A_98/2008 du 8 mai 2008, consid. 3.2.3. 37 TF, 4A_98/2008 du 8 mai 2008, consid. 3.2.4. 34
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On peut retenir de cet arrêt les enseignements suivants :
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que le juge opte pour la méthode abstraite ou la méthode concrète, il doit déterminer concrètement l’incidence de l’invalidité médicale sur la capacité d’accomplir les tâches ménagères ; cela ne signifie pas, cependant, qu’il doive dresser la liste de toutes les tâches ménagères et établir, pour chacune d’elles, la mesure concrète de la diminution (une telle manière de faire n’apparaissant, pour le Tribunal fédéral, guère praticable) ; une expertise médicale qui déterminerait (a) le taux d’invalidité médicothéorique et (b) les limitations fonctionnelles de la victime (attestées par ailleurs par des témoins) est suffisante pour que le juge puisse s’appuyer sur ce taux pour déterminer le taux d’incapacité ménagère.
• Évaluation de la capacité fonctionnelle (ECF) Notion Que l’on doive évaluer l’atteinte à la capacité d’exercer une activité lucrative ou une activité ménagère, on recourt de plus en plus souvent à l’évaluation de la capacité fonctionnelle (ECF). Lorsqu’on doit évaluer la capacité d’exercer d’une activité lucrative, on parlera volontiers d’EFL (Evaluation der arbeitsbezogenen funktionellen Leistungsfähigkeit). Lorsqu’on traite de la capacité d’exercer des tâches ménagères, on a alors recours à la méthode dite de l’EFH (acronyme de Evaluation der funktionnellen Haushaltfähigkeit). Ces deux méthodes se basent sur des principes analogues tendant à l’extrapolation de résultats de tests conformément à des processus établis scientifiquement. Dans le cadre de l’EFH, on utilise également un certain nombre d’éléments propres au ménage qui ressortent de l’ECF, notamment le test physique de base. Cependant, le test physique de base ne contribue que pour une faible partie aux résultats globaux, alors que l’évaluation concrète et spécifique des activités au ménage prédomine aussi bien dans leur quantité que dans la significativité des résultats. Fondamentalement, il s’agit de deux procédures distinctes38. La description de cette méthode qui suit ressort d’un article publié par les médecins de la clinique de Bellikon dans la revue HAVE en 201039. Définition L’EFH est un concept, un système qui a été développé par la clinique de réhabilitation de Bellikon, dans le souci 38 Sönke Johannes/Hans Georg Kopp, Die Evaluation der funktionnellen Haushaltsfähigkeiten, HAVE 3/2010, p. 286 ss. 39 Pour l’ensemble de cette section, cf. Sönke Johannes/Hans Georg Kopp, Die Evaluation der funktionnellen Haushaltsfähigkeiten, HAVE 3/2010, p. 286 ss.
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d’optimiser l’objectivité, la fiabilité et la validité des évaluations quant au préjudice ménager. Ont ainsi été établies des procédures standardisées, notamment sur la base de l’Assessment of Process and Motor Skills (AMPS) et de l’« ECF », tous deux déjà existants. L’AMPS est un processus ergothérapeutique de portée internationale, destiné à replacer l’homme dans un contexte connu de lui et qui recrée les tâches du quotidien. Il permet de quantifier l’exécution de certaines tâches, indépendamment du diagnostic médical ou du handicap. La standardisation de ce procédé repose sur l’examen de plus de 100 000 sujets tests. Pour l’EFH, des sous-tests de l’AMPS ont été sélectionnés en rapport avec les catégories SAKE/ ESPA, tandis que d’autres ont été développés spécifiquement. Selon ses auteurs, les critères d’évaluation ont été adaptés avec les résultats des tests, de même qu’avec les exigences légales liées aux expertises médicales en matière de droit de la responsabilité civile. Méthode d’évaluation de la capacité ménagère fonctionnelle L’EFH est, de par sa nature, une expertise médicale, qui intègre une série de diagnostics complémentaires d’ordre physiothérapeutique et ergothérapeutique. Les patients doivent préalablement être informés sur la mise en œuvre de l’expertise et pouvoir formuler toutes les questions qu’ils souhaitent. L’évaluation de la capacité ménagère fonctionnelle se compose des éléments suivants :
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dossier médical : le médecin résume le dossier médical et prend position sur les antécédents dans une évaluation ; établissement d’une anamnèse et d’un examen médical : un médecin spécialiste, dont les qualifications correspondent au diagnostic qui ressort du dossier médical, procède à l’anamnèse et à l’examen physique. S’il en ressort des indices quant à un tableau de lésions interdisciplinaires, il convient alors d’intégrer à l’évaluation des médecins spécialistes des autres disciplines. Cela vaut en particulier pour les cas qui nécessitent des compétences psychiatriques, lorsqu’il y a lieu de craindre des troubles psychiques de la part de la personne examinée ; test physique de base : le test de charges comprend les éléments de l’ECF, à savoir soulever et porter des charges, exécuter des travaux au-dessus de la tête, force et coordination des mains, posture, marche, équilibre et s’asseoir. Il est effectué par un physiothérapeute ; évaluation personnelle de ses capacités au moyen de Spinal Fonction Sort (Oesch et al. 2010) ; questionnaire standardisé sur la réalisation des activités ménagères et sur l’appréciation personnelle de ses limitations : conformément aux catégories issues des tables SAKE/ESPA et avec une échelle ordinale, on examine d’un point de vue ergothérapeutique de quel laps de temps
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la personne examinée avait besoin pour effectuer ses tâches ménagères avant la survenance de l’incident dommageable. On examine ensuite le temps qu’elle consacre aujourd’hui pour les mêmes tâches et avec ses limitations. Les résultats sont alors transcrits en pour cent, décrivant la « fréquence » de l’activité ménagère et la « limitation » subjective. Le questionnaire se concentre également sur d’éventuelles limitations spécifiques liées à certaines activités et sur les lésions qui, du point de vue de la personne examinée, sont sources de ces limitations ; examen des capacités au ménage : sous la conduite et la supervision d’un ergothérapeute, la personne examinée exécute des activités ménagères standardisées, qui ont été choisies conformément aux catégories issues des tables SAKE/ESPA. Elles comportent : – préparer les repas : il s’agit de cuisiner des spaghettis avec viande (ou substitut) et sauce tomate, de préparer une salade et de servir des boissons ; – laver et ranger la vaisselle/mettre la table : il s’agit de nettoyer à la main la vaisselle pour quatre personnes, de l’essuyer et de la ranger ; – faire les achats : il s’agit d’aller faire les courses, à pied, dans une épicerie du village (distance : 200 m) ; – nettoyer/ranger/faire les lits : il s’agit de nettoyer une cuisine (surface de 12 m2) ; – faire la lessive/repasser : il s’agit d’installer une planche à repasser et de repasser une chemise à manche courte ; – activités manuelles : il s’agit de changer des ampoules à une lampe murale située en hauteur ; – animaux/plantes/jardinage : il s’agit d’arroser des plantes, de porter un bidon jusqu’au bassin, de ramasser des feuilles et de nettoyer ; – travaux administratifs : il s’agit de commander des habits sur un catalogue. Les estimations procèdent d’une évaluation fonctionnelle. La qualité et la quantité de l’exécution des activités sont évaluées au moyen d’un système de scores, reconnu au niveau international et standardisé conformément à l’AMPS. Il en ressort des scores, tant pour les capacités motrices que cognitives, qui sont alors transformés en degrés de limitations (exprimés en pour cent), mais également une évaluation globale semi-quantitative grâce aux résultats des ergothérapeutes. Les auteurs de la méthode exposent que la batterie de tests a été mise en place de sorte que, globalement, toutes les fonctions qui sont nécessaires à l’exercice de l’activité ménagère quotidienne, comme la mobilité, le travail dans différentes postures, la force, l’endurance, la coordination, l’attention, la concentration, la mémoire, puissent être observées de manière répétée. Ainsi, au travers des éléments fonctionnels observés et évalués, des indications sur les tâches ménagères peuvent être faites sans qu’elles n’aient été testées concrètement ;
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examen de la fréquence des douleurs, de la persistance des symptômes et de la capacité d’action : l’examen est effectué au moyen d’un système de scores, issu d’un processus développé dans le cadre de l’ECF. Sont évalués le comportement de la personne examinée face à la douleur, la consistance des symptômes médicaux et son comportement pendant la consultation. On récolte enfin des informations sur son degré de coopération et sa disposition à exécuter des tâches. Les résultats figurent dans l’évaluation médicale globale et servent à justifier une éventuelle aggravation ou dysfonctionnement ; appréciation globale : une discussion interdisciplinaire entre tous les spécialistes impliqués dans l’évaluation est organisée sous la direction du médecin spécialiste responsable. Dans l’appréciation globale, tous les aspects mentionnés sont pris en compte. Il est à souligner que la méthode de l’ECF n’est que partiellement utilisée dans les tests physiothérapeutiques de charge. De même, à eux seuls, les résultats de l’évaluation standardisée du ménage ne se rapprochent en aucun cas de l’évaluation de la capacité ménagère et du préjudice ménager. Les résultats des tests sont évalués beaucoup plus dans un contexte général, à la lumière des documents médicaux et après examen de l’anamnèse de l’assuré ainsi que des rapports et diagnostics médicaux. L’examen de la personne en question prend en considération les trois dimensions, à savoir : – le diagnostic somatostructurel ; – le diagnostic psychiatrique ; – le comportement actif. En raison des possibilités limitées du test standardisé, les valeurs pour les catégories « Garder les enfants et membres du ménage qui ont besoin de soins » doivent être extrapolées sur la base des autres résultats. Enfin, pour chacune des catégories SAKE/ESPA, le pourcentage du dommage est effectué séparément. On renonce sciemment à établir un dommage ménager global, puisque la mise en commun des valeurs isolées en une valeur globale n’exige aucune compétence médicale particulière. En effet, la pondération relative de chaque dommage par rapport aux autres ne ressort que d’un travail purement administratif ; il est possible d’effectuer une évaluation supplémentaire au sein même du ménage de la personne examinée, dans le cas où des différences entre l’évaluation personnelle et les résultats de l’évaluation de la capacité ménagère fonctionnelle ne pourraient pas être éclaircies lors des discussions finales. Cela est en tous les cas possible, lorsque le ménage de cette personne comporte des caractéristiques particulières, qui se distinguent clairement de la situation du ménage-test mise en place auprès de la clinique de réhabilitation de Bellikon.
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Influence des lésions somatico-organiques Selon les médecins de la clinique de Bellikon, les lésions somatico-organiques sont prises totalement en considération lors des tests. Influence des troubles psychiques Les troubles psychiques sont, selon la clinique de Bellikon, également pris en considération dans les scores. Toutefois, notent les auteurs, dans certains cas rares, des troubles psychiques, comme par exemple des angoisses, apparaissent de manière moins évidente en présence d’un thérapeute en cuisine qu’en situation réelle chez soi. Cette particularité doit alors être examinée dans le cadre de la discussion finale et prise en compte en augmentant le taux du préjudice. Prise en considération des douleurs Si une personne examinée ne peut exercer certaines tâches en raison de douleurs, il s’agit de le constater médicalement et de l’évaluer dans le contexte général des autres diagnostics posés. Comportement actif Les résultats des tests ne peuvent entièrement être pris en considération dans l’évaluation que s’il y a, chez la personne examinée, une bonne coopération et disposition à exécuter les tâches. Des informations de ce genre sont souvent découvertes au cours des tests. Concrètement, on examine, par exemple, lors des observations du deuxième jour, si la charge des tests est adaptée au handicap constaté le premier jour. Un procédé identique a été instauré au niveau international pour la procédure de test neuropsychologique et pour l’ECF. Prise en compte de la volonté et de l’effort escomptables De par sa nature, le degré de la volonté n’est pas directement mesurable. Dans le cadre de l’EFH, on choisit pour procéder à l’examen une procédure à plusieurs niveaux, proposée par Foerster. Tout d’abord, on contrôle s’il existe ou non des lésions somatiques ou psychiatriques conformément au système de classification. S’il existe des lésions, leur intensité est quantifiée dans le cadre de constatations détaillées. On estime médicalement, avec l’aide d’un thérapeute, le degré des effets concrets du tableau des symptômes quantifiables sur l’activité domestique. Enfin, on examine de quelles possibilités dispose la personne examinée pour traiter la symptomatique du point de vue prospectif. À cet égard, il est possible de formuler certaines conclusions finales sur le degré de volonté, tant il découle d’un certain pouvoir d’appréciation. Extrapolation des résultats sur une journée de travail Selon les tables SAKE/ESPA, le travail consacré chaque semaine en moyenne au ménage peut atteindre plus de 70 heures (femme en couple avec trois enfants ou plus, sans activité professionnelle). L’EFH comporte de plus courtes périodes d’activité. Par exemple, la durée des tests est d’environ 12 heures au total, divisées sur deux jours consécutifs (jour 1 : 10–12 heures et 13–16 heures ; jour 2 : 8–15 heures).
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Se pose donc la question de savoir comment prendre en considération ces constats limités dans le temps par rapport à la charge de travail réelle qui s’étale sur un jour entier de ménage. Sur la base des principes qui découlent de la physiologie du sport et du travail, on a développé de manière empirique un système d’extrapolation pour des questionnaires analogues. Dans ce système, on a établi un lien entre le poids d’une charge et la fréquence à laquelle on la porte. Dans la détermination de la fréquence admissible du port de charge, on y intègre les observations du test. Dans l’EFH, on procède fondamentalement de la même manière, en ce sens que le responsable de l’évaluation prend en compte les observations du test physique de base et avant tout les observations récoltées lors de l’évaluation des activités ménagères, pour extrapoler les limites d’aptitude avec, de l’autre côté, la durée du test. Ainsi, en raison du cumul des activités pendant les nombreuses heures consacrées à passer cette batterie de tests, on arrive à extrapoler les résultats du seul test au ménage (par exemple nettoyer le sol de la cuisine) en considérant un investissement réellement plus grand pour le travail consacré à l’ensemble du ménage (par exemple nettoyer le sol de toutes les pièces de l’appartement). Dans le cadre des discussions finales, il s’agira de prendre également en compte les influences d’une éventuelle activité professionnelle sur les limites de la capacité fonctionnelle. Mécanismes de compensation L’objet de l’évaluation consiste également à examiner la possibilité d’utiliser des mécanismes de compensation pour les fonctions ménagères altérées. S’il devait exister ce genre de mécanismes, utilisables par l’assuré de manière raisonnable et médicalement sensé, comme par exemple un caddie pour transporter les courses, un deuxième aspirateur dans un appartement duplex, il s’agirait d’y recourir, puisque cela découle de l’obligation légale de diminuer son dommage. Dans l’ECF, on examine les deux situations. Questions ouvertes Pour les auteurs du test, du point de vue de la médecine, il subsiste encore des questions qui doivent être éclaircies par les praticiens du droit. La question tendant à déterminer la limitation en pour cent de la capacité de travail au ménage a besoin, du point de vue de la médecine, d’un rapport concret avec la grandeur et/ou le genre de famille et/ou de logement. Il n’est également pas clair aujourd’hui de savoir comment il conviendra de prendre en considération au cours des années la modification prévisible de la constellation des familles. Jurisprudence du Tribunal fédéral Dans un arrêt du 16 janvier 2009, le Tribunal fédéral s’est arrêté longuement sur l’EFL et a constaté qu’elle représentait une méthode particulièrement appropriée de la détermination de la capacité de travail. En particulier, observent les juges fédéraux, il est établi que dans des situations où la douleur influence considérablement le comportement de la personne
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assurée, une évaluation objective de la capacité fonctionnelle est particulièrement difficile, car l’effort est souvent influencé par une autolimitation. C’est précisément dans de telles situations que l’EFL permet de quantifier les prestations que le lésé est d’accord de fournir, son comportement vis-à-vis de la douleur et des efforts physiques, sa coopération ainsi que la cohérence des prestations fournies40. Le Tribunal fédéral relève ce qui suit : « Entgegen der durch das kantonale Gericht vertretenen Auffassung ist einer derartigen konkret leistungsorientierten, arbeitsmedizinisch-ergonomisch ausgerichteten Abklärung mithin nicht von vornherein jegliche Aussagekraft für die Schätzung der Restarbeitsfähigkeit abzusprechen. Bei Beurteilungen mit möglichen Rentenfolgen wird jedoch, um zusätzlichen Aspekten Rechnung zu tragen, die Kombination einer EFL mit einem rheumatologisch-orthopädischen, gegebenenfalls auch psychiatrischen Gutachten befürwortet »41. Critiques Du fait que l’Association suisse d’assurances (ASA) assure une certaine propagande en faveur de l’ECF, cette méthode a suscité plusieurs critiques qui ressortent notamment d’une contribution de Peter Kaufmann, Urs Eschmann et Luzius Hafen42. En premier lieu, elle contiendrait des lacunes. Tous les thérapeutes n’appliqueraient pas la même rigueur face aux patients lors de l’évaluation. D’une manière générale, le fait de déterminer quand un patient atteint la limite de ses capacités est très subjectif, cette appréciation pouvant donc varier d’un thérapeute à l’autre. L’ECF évaluerait la capacité d’une personne à un moment bien précis, sans faire un pronostic. En particulier, elle ne permettrait pas d’établir quelles sont les activités qu’une personne peut accomplir sans prendre le risque d’aggraver sa situation de santé. Les conditions lors de l’ECF seraient trop avantageuses et ne correspondraient pas à la réalité, de sorte que les résultats en seraient falsifiés. Conséquence : il existerait souvent une divergence entre l’évaluation faite par le médecin et le résultat de l’ECF. Si l’ECF peut fournir aux médecins des informations utiles supplémentaires, elle ne suffirait pas, à elle seule, à évaluer la capacité d’accomplir des tâches ménagères. Pour qu’une évaluation soit possible à long terme, il faudrait adapter les résultats de l’ECF aux particularités du patient en question et à son dossier médical. L’ECF pourrait donc compléter l’appréciation d’un médecin expérimenté, mais pas la remplacer. En deuxième lieu, elle serait proposée afin de permettre aux assureurs de réduire leurs prestations. L’application de l’ECF aurait eu comme conséquence que les montants des dommages ménagers ont été réduits de 33 ou de 20 % 40
TF, 8C_547/2008 du 16 janvier 2009, consid. 4.2.2.1. TF, 8C_547/2008 du 16 janvier 2009, consid. 4.2.2.1. 42 Peter Kaufmann/Urs Eschmann/Luzius Hafen, Haushaltassessment — das Ei des Kolumbus?, HAVE 1/2010, p. 13 ss. 41
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environ. Les auteurs des critiques soupçonnent les assureurs d’avoir ainsi un intérêt à faire appliquer le plus possible l’ECF. En troisième lieu, l’ECF ne permettrait pas de calculer correctement le dommage ménager, cela notamment pour les motifs suivants :
• • • • •
les circonstances lors de l’évaluation ne correspondraient pas à la réalité ; la capacité ne serait pas évaluée à long terme, mais à un moment précis uniquement (Momentaufnahme) ; les problèmes de nature psychique ainsi que les limitations de la capacité liées à des problèmes psychiques ne seraient pas pris en compte, de même que les problèmes de motivation et les difficultés cognitives ; l’approche serait purement physique et exclurait d’autres aspects de la capacité ; l’approche de l’ECF consisterait à prendre en considération également des « optimisations » (ce qui aurait comme conséquence que la capacité fonctionnelle en serait augmentée).
Cela irait, selon les auteurs, à l’encontre de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l’évaluation de la capacité de gain et du dommage ménager. • Évaluation ergothérapeutique dans la jurisprudence du Tribunal fédéral Dans un arrêt rendu le 19 décembre 200243, le Tribunal fédéral avait à se prononcer sur le cas d’une victime d’un grave accident de circulation routière. Les experts médicaux avaient estimé à 30 % son degré d’invalidité médicothéorique relativement aux tâches ménagères, tandis que, dans un rapport mis en œuvre par le médecin traitant du lésé, le centre d’ergothérapie fonctionnelle avait évalué à 88 % le degré d’inaptitude de ce dernier à accomplir des tâches ménagères. Les premiers juges avaient, en quelque sorte, « coupé la poire en deux » pour retenir un taux de 50 %. Le Tribunal fédéral commence par exposer « que l’évaluation du dommage domestique suppose que le juge du fait examine l’incidence de l’invalidité médicale sur la capacité du lésé à accomplir des tâches ménagères. Il faut donc qu’il puisse se baser sur des observations fiables et objectives, qui se rapportent à ces tâches-là et qui soient suffisamment différenciées pour permettre de tirer des conclusions ayant une certaine force probante »44. Or, relève le Tribunal fédéral, le rapport établi par le centre d’ergothérapie fonctionnelle, rédigé sur la base des constatations faites au domicile du lésé par l’une de ses employées, remplit toutes ces conditions : « Les activités
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ménagères y sont ventilées en sept postes représentant chacun un pourcentage déterminé de l’activité domestique globale (organisation du ménage, alimentation, entretien du logement, emplettes et courses diverses, lessive et entretien des vêtements, soins aux enfants, divers) et le taux d’inaptitude du demandeur a été évalué séparément pour chacune d’entre elles, avec motifs à l’appui. »45 Il en résulte un taux d’incapacité totale de 88 % d’accomplir les activités ménagères. Quand bien même ce rapport avait été établi à la demande du médecin traitant du lésé, les premiers juges n’avaient élevé aucune critique à son endroit. Le Tribunal fédéral a donc retenu le taux de 88 %. Le Tribunal fédéral a donc, de ce fait, entériné la méthode de calcul ressortant d’une évaluation ergothérapeutique. • Méthode indifférenciée d’évaluation de la capacité d’accomplir des tâches ménagères Relevant que le juge doit vérifier quelle influence l’invalidité médicale a sur la capacité d’accomplir des tâches ménagères46, certains auteurs (proches des milieux des assurances il est vrai) préconisent que l’expert médical ne soit pas interrogé de manière différenciée au sujet des tâches ménagères. Les questions suivantes devraient plutôt être posées : la personne à expertiser peut-elle se tenir debout longtemps, jusqu’à quel poids peut-elle porter des charges, peut-elle se pencher, lever ses bras au-dessus de sa tête, etc. ? À partir de là, les limitations de mouvements corporels sont traduites sur le travail ménager concret. Si, par exemple, une personne ne peut plus porter de poids supérieur à 10 kg, il lui est impossible d’effectuer elle-même des achats lourds (par exemple l’achat de harasses de boissons). Dans le sens d’une solution simple et pratique, trois catégories pourraient être définies, dans lesquelles les travaux envisagés seraient regroupés : par « travaux légers », on viserait « ranger, mettre la table, préparer des plats simples », etc. Par « travaux moyens », on entendrait « repasser, passer l’aspirateur, faire des achats ». Par « travaux lourds », on comprendrait « laver les fenêtres » et d’autres tâches comparables47. Mesure de l’atteinte dans le domaine de l’assurance invalidité Régime légal Dans le domaine de l’AI, la limitation de la capacité d’accomplir des tâches ménagères n’est déterminante que pour les 45
ATF 129 III 135, consid. 4.2.2.1. ATF 129 III 135, consid. 4.2.1. 47 Massimo Pergolis/Cornelia Dürr Brunner, Ungereimtheiten beim Haushaltschaden, HAVE 2005, p. 209. 46
43 44
ATF 129 III 135. ATF 129 III 135, consid. 4.2.2.1.
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non-actifs48 ou les personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel. La détermination du taux d’invalidité se fonde sur la « méthode spécifique de comparaison des types d’activité » prévue à l’article 28a al. 2 LAI, qui consiste à déterminer dans quelle mesure la personne assurée est empêchée d’accomplir ses « travaux habituels ». Selon la circulaire sur l’invalidité et l’impotence du 1er janvier 201249, l’application de la méthode spécifique nécessite l’établissement d’une liste des activités qu’une personne exerçait avant la survenance de son invalidité ou qu’elle exercerait sans elle ; on la compare ensuite à l’ensemble des tâches que l’on peut raisonnablement exiger d’elle, malgré son invalidité, après d’éventuelles mesures de réadaptation50. Contrairement à ce qui se passe dans le domaine de la responsabilité civile, on attend de la personne assurée qu’elle réduise son dommage. Par obligation de réduire le dommage, on entend le fait que la personne assurée doit, de sa propre initiative, faire ce qui est en son pouvoir et que l’on peut raisonnablement exiger d’elle pour améliorer sa capacité d’accomplir ses travaux habituels (par exemple en adoptant une méthode de travail adéquate, en faisant l’acquisition d’appareils ménagers appropriés). Une surcharge de travail est déterminante pour le calcul de l’invalidité seulement si la personne ne peut effectuer tous les travaux de ménage dans le cadre d’un horaire normal et a donc besoin de l’aide de tiers51. Elle doit répartir son travail en conséquence (répartition sur l’ensemble de la semaine, aménagement de pauses, etc.52) et avoir recours à l’aide des membres de sa famille. L’aide de ces derniers va plus loin que ce que l’on pourrait normalement attendre d’eux si la personne ne présentait pas d’atteinte à la santé53. En d’autres termes, on se demandera quelle attitude adopterait une famille raisonnable, dans une même situation et dans les mêmes circonstances, si elle devait s’attendre à ne recevoir aucune prestation des assurances54. Si la personne ne prend pas de telles dispositions en vue de réduire son invalidité, il 48
Soit les assurés qui n’exerçaient aucune activité lucrative lors de la survenance de l’atteinte à la santé et qui, par la suite, n’en ont ou n’en auraient assumé aucune s’ils n’étaient pas devenus invalides (par exemple les personnes qui s’occupent du ménage, les apprentis et les étudiants encore en formation, les membres des communautés religieuses) ou les assurés qui auraient vraisemblablement cessé leur activité lucrative antérieure après la survenance de l’atteinte à la santé, cela même si cette atteinte ne s’était pas produite (par exemple reprise d’une formation professionnelle sans lien avec l’atteinte à la santé ; prise en charge de tâches non rémunérées telles que les travaux ménagers ou des tâches d’assistance) [cf. ch. 3079 et 3080 de la circulaire sur l’invalidité et l’impotence du 1er janvier 2012]. 49 CIIAI. 50 Ch. 3081 CIIAI. 51 RCC 1984, p. 143 cons. 5. 52 Fabienne Hefti, L’invalidité dans le ménage, in Le médecin face au droit des assurances sociales. Revue médicale suisse 2011, p. 373. 53 ATF 130 V 97, consid. 3.3. 54 Fabienne Hefti, op. cit., p. 373.
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ne sera pas tenu compte, lors de l’évaluation de l’invalidité, de la diminution de la capacité de travail qui en résulte dans le domaine du ménage55. Contrairement à l’évaluation de l’invalidité dans l’activité lucrative, la notion de rendement n’est pas décisive dans l’évaluation des empêchements d’accomplir les travaux ménagers : est décisif le fait que la personne soit ou non en mesure d’effectuer ses tâches ménagères56. Enquête ménagère L’enquête ménagère au domicile de la personne assurée constitue, en règle générale, une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans ce domaine. Ce n’est qu’en cas de divergence entre les résultats de l’enquête et les constatations médicales qu’on fera estimer les empêchements par un médecin ; cela survient souvent en présence de troubles psychiatriques57. En principe, le médecin n’intervient donc pas directement dans l’évaluation des empêchements ménagers ; par contre, il est important que les limitations fonctionnelles présentées par la personne assurée soient clairement établies par le médecin, puisque ce sont ces dernières qui serviront à l’évaluation des empêchements ménagers58. En pratique, la méthode utilisée consiste à établir un catalogue des activités que la personne assurée effectuerait si elle n’était pas atteinte dans sa santé en tenant compte notamment des circonstances du cas particulier (taille de la famille, conditions de logement, équipements techniques, moyens auxiliaires, surface à gérer)59. L’Office AI se fonde en général sur une tabelle de l’OFAS qui répartit les activités ménagères en sept catégories et qui fixe un pourcentage minimum et maximum pour chacune d’elles60 (Tableau 2). Le total des activités doit toujours se monter à 100 %61. La présentation de la répartition des travaux indiquée dans le tableau ci-dessus et leur appréciation individuelle sont applicables dans les cas normaux. La fixation d’un minimum et d’un maximum est destinée à garantir une égalité de traitement dans toute la Suisse. La marge existant entre ces deux extrêmes permet de mieux tenir compte de la réalité et des circonstances du cas particulier. Une pondération différente ne peut être faite qu’en cas de divergences importantes par rapport au schéma.62 55
Ch. 1048 et 3089 CIIAI. Fabienne Hefti, op. cit., p. 373. 57 Fabienne Hefti, op. cit., p. 373. 58 Fabienne Hefti, op. cit., p. 373. 59 Fabienne Hefti, op. cit., p. 373 ; ch. 3085 CIIAI. 60 Ch. 3084 et 3086 CIIAI. 61 Pratique VSI 1997, p. 298. 62 RCC 1986, p. 244. 56
S26
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Tableau 2 Répartition des activités ménagères.
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.
Activités
Minimum Maximum (%) (%)
Tenue du ménage (planification, organisation, répartition du travail, contrôle) Alimentation (préparation, cuisson, service du repas, nettoyage de la cuisine, provisions) Entretien du logement (épousseter, passer l’aspirateur, entretenir les sols, nettoyer les vitres, faire les lits) Achats et courses diverses (poste, assurances, services officiels) Lessive, entretien des vêtements (laver, étendre et plier le linge, repasser, raccommoder, nettoyer les chaussures) Soins aux enfants ou aux autres membres de la famille Divers (p. ex. : soins infirmiers, entretien des plantes et du jardin, garde des animaux domestiques, confection et transformation de vêtements ; activité d’utilité publique, formation complémentaire, création artistique) [à l’exclusion des occupations purement de loisirs]
2 10 5
5 50 20
5 5
10 20
0 0
30 50
Détermination du taux d’invalidité Sur la base des résultats de l’enquête ménagère, l’autorité va procéder à la détermination du taux d’invalidité, lequel servira à fixer le degré de rente (quart de rente, demi-rente, trois quarts de rente, rente entière). Nous allons illustrer la méthode à partir de deux exemples. • Personne ayant une activité ménagère (sans activité lucrative)63. En raison de l’atteinte à sa santé, une personne ayant une activité au foyer et deux enfants d’âge préscolaire ne peut plus s’occuper que partiellement du ménage. Elle ne peut assurer le poste alimentation qu’à 50 %, et ne peut que partiellement éduquer et prendre soin de ses enfants parce qu’elle ne peut plus les surveiller ni les accompagner en dehors de la maison. Elle n’est plus en mesure d’accomplir les autres travaux du ménage (sauf la conduite du ménage). Le taux d’invalidité est évalué comme indiqué dans le Tableau 3. La personne assurée est invalide à 63 %. Par conséquent, elle a droit à trois quarts de rente. • Personne ayant une activité ménagère et une activité lucrative à temps partiel En raison d’un accident de circulation, une personne assurée voit sa capacité d’exercer son activité lucrative et d’accomplir ses tâches ménagères réduite. Avant l’accident, elle exerçait une activité lucrative à 80 %. Compte tenu du fait qu’elle ne peut désormais plus travailler qu’à un taux réduit, l’Office 63
Ch. 3089 CIIAI.
AI a fixé à 62,49 % son taux d’invalidité sur le plan de l’activité lucrative et professionnelle. Il procède ensuite au calcul du taux d’invalidité en ce qui concerne les tâches ménagères en utilisant la méthode mixte (puisqu’on a affaire à une invalidité qui touche à la fois l’activité lucrative et l’activité ménagère). On peut illustrer le calcul grâce aux Tableaux 4, 5. Le degré d’invalidité résultant des deux domaines d’activité calculé selon la méthode figurant dans le Tableau 5. La personne assurée est invalide à 55 %. Par conséquent, elle a droit à une demi-rente.
Conclusion On peut, de ce qui précède, tirer les enseignements suivants :
• •
l’incapacité d’accomplir les tâches ménagères peut faire l’objet d’une indemnisation tant dans le domaine de la responsabilité civile que dans celui de l’AI ; les deux domaines présentent toutefois des différences notables : – en droit de la responsabilité civile, le dommage ménager est dit normatif (ou abstrait), parce qu’il est admis sans preuve d’une diminution concrète du patrimoine du lésé ; – l’AI ne prévoit de servir des rentes d’invalidité en raison d’un empêchement d’accomplir ses travaux ménagers qu’aux personnes qui n’exerçaient pas d’activité lucrative ou à celles qui en exerçaient une, mais à temps partiel ; – le dommage ménager ne peut en principe pas être réévalué dans le domaine de la responsabilité civile ; le degré d’incapacité d’accomplir ses tâches ménagères peut, dans l’AI, être réévalué en cas d’aggravation ;
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Tableau 3 Évaluation du taux d’invalidité.
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. a
Activités
Pondération en %
Limitation en %
Handicapa en %
Tenue du ménage Alimentation Entretien du logement Achats Lessive, entretien des vêtements Soins Divers Total
5 40 10 10 10 20 5 100
0 50 100 100 100 40 100
0 20 10 10 10 8 5 63
Handicap dans l’activité particulière par rapport à l’ensemble des travaux.
Tableau 4 Calcul du degré d’invalidité.
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. a
Activités
Pondération en %
Limitation en %
Handicapa en %
Tenue du ménage Alimentation Entretien du logement Achats Lessive, entretien des vêtements Soins Divers Total
3 30 15 8 12 12 20 100
20 30 40 10 20 10 20
0,6 9 6 0,8 2,4 1,2 4 24
Handicap dans l’activité particulière par rapport à l’ensemble des travaux.
Tableau 5 Calcul du degré d’invalidité.
•
Activité partielle
Part en %
Empêchement en %
Degré d’invalidité en %
Lucrative Ménagère Degré d’invalidité
80 20
62,49 24
49,99 4,8 55
– dans l’AI, on attendra notamment de la personne assurée qu’elle recourt à l’aide de ses proches pour accomplir ses tâches ménagères. Une telle obligation n’existe pas en responsabilité civile ; le Tribunal fédéral n’impose aucune méthode de calcul du degré de l’atteinte à la capacité d’exercer ses
•
tâches ménagères dans le domaine de la responsabilité civile : – il a entériné des calculs ressortant d’expertises médicales ou d’évaluations ergothérapeutiques ; – l’EFH suppose une évaluation médicale approfondie. Elle est toutefois sujette à des critiques de la part d’une partie de la doctrine ; dans le domaine de l’AI, l’atteinte à la capacité d’accomplir ses tâches ménagères est évaluée au moyen d’une enquête ménagère. Le médecin n’intervient pas dans cette enquête ; toutefois, il est important que les limitations fonctionnelles présentées par la personne assurée soient clairement établies par le médecin.
Conflit d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.