BULLETIN
of the International Association of ENGINEERING GEOLOGY de I'Assocation Internationale de GEOLOGIE DE L'INGENIEUR
N ~ 29
PARIS
1984
LES EXPLOITATIONS DE GRANULATS ET LES "ETUDES D'LMPACT" SUR L'ENVIRONNEMENT : AVANTAGES ET INCONVENIENTS POUR LES PROFESSIONNELS, LE BILAN DE CINQ ANNEES D'EXPERIENCE ET DE REFLEXION EXTRACTION OF AGGREGATES AND IMPACT STUDIES ON ENVIRONMENT: ADVANTAGES AND DISADVANTAGES, RESULTS OF 5 YEARS OF EXPERIMENT AND REFLECTION SOUBOUROU C*, BERANGER C.*
R6sum~ Le 16gislateur a voulu, notamment, par les modifications apportEes au Code Minier en 1979 et, par la loi sur la protection de la nature, que le document appel6 "Etude d ' i m p a c t " relive de l'enti~re responsabilit6 de la personne qui envisage d'exploiter un gisement. Voil5 la raison pour laquelle les exploitants de carri~res ont cr~6 une Association, ENCEM qui outre le rassemblement et la mise & disposition de moyens d'Etudes, est aussi l'organisme au sein duquel s'exprime la rEflexion et s'61abore la synth~se des experiences individuelles des professionnels dans le domaine des relations des exploitations avec leur environnement. Au regard de cette exp&ience, il apparait que l'&ude d'impact est avant tout pour le carrier, un document de concertation entre lui-mEme, les administrations et le public. C'est pour lui, le plus souvent, le moyen de prendre conscience des questions d'environnement humain et physique, auxquelles il se doit, dans la mesure du possible, d'apporter des solutions. En contrepartie, cette m&hode originale de s~lection des choix de professionnels, par laquelle chacun, sans justification de comp&ence, est appel~ & s'Eriger en censeur se traduit, non seulement, par une remise en cause fr~quente de la d~marche des entrepreneurs, mais aussi peut entrainer des modifications des caract&istiques essentielles de la profession. D'autre part, pour 6tre crfidible, l'&ude d'impact doit abandonner son caract&e descriptif pour devenir analytique et quantitative. Les exploitants doivent donc se donner les moyens de cette mutation. Mais cette crEdibilit~ n'empEchera, malheureusement pas le document d'Etre toujours le pr&exte/t des debars politico-Ecologiques au lieu d'Etre, enfin, consider6 comme une base de travail. Enfin, une prise de conscience plus importante des besoins rEciproques dolt exister, tant au niveau de l'exploitant qu'/~ celui des particuliers et des administrations. Alors la procedure de l'&ude d'impact pourra devenir une procedure participative r~elle.
Abstract
The legislator wanted, particularly with the modifications brought to the Mining Code in 1979 and by the law on Protection of Nature that the document called "Study of I m p a c t " comes under the whole responsability of the person who thinks of exploiting a deposit. That is why quarries exploiters have created an Association: ENCEM; this association besides the gathering and the disposal of means of studies is also the established body in which can be expressed the reflection and the synthesis of individual professional experiences in the field of connection of quarries whith their environment. In the eyes of this experiment, it seems that the impact study is first of all for the quarry manager a document of relationship between himself, the administration and the public. More often for him, it is the means of becoming aware of human and physical environment problems which he will have to solve as fast as possible. In return, this original method of selecting the choices of the professionals, by which everybody without any proof of ability is called to set himself up as a censor, this method is conveyed not only by a frequent challenge of the steps of the contractors but can also lead to modifications in the essential characteristics of the profession. On the other hand, to be trusted, the impact study must loose its descriptive characteristics to become analytic and quantitative. Therefore, the quarry manager must get the means for transformation. Unfortunately the trust of this document will not prevent it always from being a pretext for politico-ecological debates instead of being finally looked upon as a work basis. At last, one must become more aware of mutual needs for the quarry managers,as well as the privates and the administrations. Then the procedure of this impact study will become a real contributing procedure.
* ENCEM - 3, rue Alfred Roll, 75017 Paris.
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I n t r o d u c t i o n : Les nouvelles obligations 16gales du p6titionnaire La prise en compte de l'environnement est tr~s ancienne dans le droit Franqais mais jusqu'en 1976, l'ensemble des textes relatifs ~ la protection de l'environnement s'attachait, le plus souvent, /~ des aspects particuliers : il visait la protection de milieux sp6cifiques, de secteurs et se contentait de fixer des normes. Du point de rue de la coh6rence du ~tispositif l~gislatif et compte tenu de l'6volution des atteintes, une politique de protection de i'environnement plus efficace supposalt l'intervention de nouvelles dispositions 16gislatives et r6glementaires. C'est dans ce contexte qu'il faut consid6rer l'introduction de la proc6dure de l'6tude d'impact (loi du l0 juillet 1976, mat6rialis~e pour la profession des carriers par le d~cret du 20 D~cembre 1979). Au regard de ce nouveau support 16gislatif, il apparait que la protection de l'environnement est d'int~rdt g~ngral et du ressort de tous. C'est le p~titionnaire ou le maitre d'ouvrage qui est responsable du projet, ce qui a pour cons6quence directe d'obliger ce dernier a int~grer, d~s le d~part, la d6marche de l'~tude d'impact dans ses travaux, dont elle constitue la synth~se. I1 faut bien insister sur Ie fair qu'il ne s'agit pas t/~ de r~aliser une 6tude compt~mentaire /~ l'issue de l'daboration d'un projet mais de concevoir un document global attestant du bien-fond6 du projet. Par ailleurs, afin de tenter de rendre impartial le contr61e de l'4tude, la demande est rendue publique ~ partir de certains seuils de tonnage, de surface d'exploitation ou en raison d'un contexte environnemental g6n6ral. Les nouveIles obligations r4gtementaires conduisent le carrier h faire face ~ de multiples consid6rations : consid4rations techniques propres ~ l'exploitation et b. la gestion de son gisement, - consid6rations relatives ~ l'environnement. Le professionnel dolt consulter des sp6cialistes des sciences de l'environnement aptes a r6pondre ~ des questions de plus en plus pertinentes, -considerations de relations publiques : si le public s'attache essentiellement ~ la d4fmition et b. la critique des effets, est-il toujours/~ m4me de porter un jugement rigoureux sur l'4tude d'irnpact ? L'enqu~te publique permet un 61argissement du d4bat qui n'est pas sans danger pour le professionnel mais que ce dernier se doit de maftriser. Pour r4pondre /tces diff6rents points, les professionnels de l'Union Nationale des Industries de Carri6res et Mat6riaux de Construction (UNICEM) ont eu une attitude originale : ils se sont group4s en Association et ont ainsi cr64 un Organisme de Conseil et d'Assistance technique (ENCEM), au sein duquel s'exprime la r6flexion et s'4labore la syntMse des exp6riences individuelles.
1. Les a v a n t a g e s e t les i n c o n v 6 n i e n t s des m o d i f i c a tions d e loi p o u r Ia p r o f e s s i o n des carriers La proc6dure de l'6tude d'impact peut devenir une cat6gofie nouvelle d'aide ~ la d6cision que l'on peut qualifier de participative en opposition aux m6thodes classiques technocratiques pures. En effet, l'6tude d'impact est de la responsabilit6 de ta personne qui projette l'exploitation.
1.1. Les avantages Le p~titionnaire, face i cette nouvelle forme de prise de conscience du projet est tenu /t de nouveaux engagements :
Engagement moral sur le pro/et :. La nouvelle formulation de la demande, l'6tude d'impact mais aussi l'instruction de cette demande mobilisent le carrier de faqon continue depuis sa conception jusqu'~ l'arr6t~ pr6fectoral. Ce cheminement, en vue d'un aboutissement positif, n6cessite un investissement qui peut paraitre lourd pour certains. Cependant, le carrier est tenu de concevoir un projet homog6ne par lequel il fait la preuve de sa comp6tence en mati~re d'environnement, rant physique qu'humain, mais peut ~tre, surtout, de son engagement moral g rem6dier aux effets appr6hend6s. L'6tude d'impact est donc bien un document pr6visionnel auquel t'exploitant est intimement Ii6. Engagement technique : L'obligation est donn6e, dor6navant, de justifier des capacit6s non seulement administratives, fonci~res ou financi6res, mais 6galement, de capacit6s d'ordre technique. Le carrier doit donc 6tre cr6dible au regard de l'Administration mais aussi du public. I1 s'agit l i d'une disposition tout g fair unique et originale. Cet engagement technique, pour ~tre complet, oblige par ailleurs le professionnel ~ une meilleure connaissance du gisement exploit4 : la nature et les caract4ristiques techniques des mat6riaux doivent ~tre pr6cis~ment 6nonc6es. Engagement pour la concertation L'4tude d'impact reste, avant tout, pour le carrier un document de concertation, entre lui-m6me, l'administration et le public. C'est pour lui le moyen de prendre conscience des probl~mes d'environnement, prob16mes auxquels il se doit d'apporter dor6navant des solutions, rant au niveau des nuisances qu'h celui de la remise en 6tat ou du r6am6nagement final. Un tel objectif ne peut 6tre atteint sans la concertation. Celle-ci devient un outil n4cessaire dans la prise de d4cision pour que l'acte ne soit plus isol6 mais, aussi, afin que I'instruction d'une demande ne s'anime pas en v6ritable d6bat politique, d6bat inhibiteur pour la proc4dure pr4vue par le texte de loi.
1.2. Les inconv6nients Si la concertation est un avantage pour la communaut6 et pour le carrier d'une certaine faqon, la raise h jour du projet implique que le p6titionnaire, d~s le d6p6t de la demande, n'est plus le seul h d6cider du devenir de son projet, notamment en ce qui conceme certaines obligations r~glementaires qui peuvent venir se greffer sur celui-ci. De graves difficult~s peuvent freiner la d~marche du p~titionnaire et aUer jusqu'h remettre en cause, plus ou moins compl~tement, son projet. Autrement dit, m6me avec les pr6cautions d'usage, prises de faqons in6gales suivant les carriers il faut bien l'avouer, une mise en place m6ticuleuse d'un projet (reconnaissance g~otechnique du gisement, investigation des contraintes r6glementaires, investissements foncier et technique...) ne se solde pas toujours par une suite positive m~me si l'6tude d'impact peut 6tre consid~r~e, au d6part, comme irr~prochable. I1 arrive encore, trop fr6quemment, que les imp6ratifs 6conomiques soient 61ud~s face aux param~tres ~cologiques,
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ta notion de protection de la nature prenant alors un caract~re tout ~ fait aveugle : un discernement honn6te reste tout ~ fait possible.
moyenne taille qui repr6sentent la majorit6 des dossiers d4pos6s au titre du Code Minier et plus pr6cisdment en mati6re de granulats.
Autre inconvdnient, le d6placement partiel des centres de ddcision cr6e des contraintes tel le Plan d'Occupation des Sols, document d'urbanisme opposable au tiers. Les nouvelles lois du 7 Janvier et 22 Juillet 1983 ont modifi6 la r6partition des comp6tences entre l'Etat et les eollectivit6s territoriales. M6me si le prdfet conserve toute sa comp6tence pour accorder les autorisations, les dispositions d'int6r6t g6ndral limitant le droit d'exploiter, trouveront leur origine beaucoup plus qu'auparavant dans le contexte de politique locale, accroissant l'influence des pouvoirs Iocaux aupr~s du d6cideur des services ext6rieurs de l'Etat. Devant cet 6tat de chose, il" est important pour le professionnel de se faire entendre aupr~s de ces instances pour faire valider sa demande. Par ailleurs, le souhait de l'Administration qui vise ~ d6finir une politique d6partementale, voire rdgionale des exploitations, souhait survenu devant la volont6 de regrouper les exploitations, apparait comme une nouvelle servitude, notamment pour l'int6gration de ces rdflexions dans les documents d'urbanisme. On connait, en effet, les difficult6s que la profession rencontre d~s qu'il s'agit de faire accepter et reconnaitre la valeur 6conomique d'un gisement, qu'il soit aUuvionnaire ou de roche dure, au sein du groupe de travail responsable de la rdalisation de ces documents.
Compte tenu de l'exp6fience qu'ENCEM a pu acqu6rir en matidre d'6tude d'impact, il est possible de dire aujourd'hui qu'un "bon dossier", c'est-fi-dire un dossier qui satisfasse l'ensemble des parties consultdes, est basd sur une approche exhaustive, hi6rarchisant les consequences, perrnettant un 6clairage approfondi sur les difficult6s importantes afin d'6tre un diagnostic des probl~mes que pose le projet sur l'environnement. En outre, les 6tudes r6alis6es g c e jour n6cessitent une part notable de recherches mdthodologiques plus ou moins avanc6es suivant les projets, recherches qui souvent conduisent h un investissement important se traduisant par la raise au point d'un savoir faire op6rationnel, de m6me que le cofit du recuefl de donn4es sur le milieu environnant s'est vu, progressivement, r6duit par la raise i la disposition des amdnageurs de v6ritables inventaires 6tablis au fur et mesure des besoins et 5. l'occasion d'dtudes antdrieures. Fort heureusement, une remise en cause des mdthodes et des moyens s'av4re n6cessaire, aujourd'hui, notamment par les nouvelles exigences des consultants. Mats alors trop peu d'entreprises peuvent d~gager les financements n6cessaires.
2. Le bilan de c i n q a n n 6 e s d ' e x p 6 r i e n c e Bien que maintenant souvent usit6e, aussi bien par les pdfitionnaires que par l'Administration, et le public, l'6tude d'impact reste parfois un outil dont certains apprennent se servir. Rappelons, si besoin est, ses deux objectifs principaux : -- ddfinir, grace ~ une analyse de l'6tat initial du site et des caract6ristiques du projet des sc6narii, les effets de l'exploitation sur les milieux physique et humain, tout en proposant des mesures compensatoires, voire des variantes au projet initial ; - mats c'est peut 6tre davantage dans la r6alitd des faits, le moyen de participer b. la recherche de la solution optimale pour l'exploitation rationnelle d'un gisement et la rdinsertion du site dans son environnement. La carri~re 6tant une occupation industrieUe temporaire de l'espace, il est d6terminant de planifier sa destin6e. Malheureusement, b. ce jour, les r6sultats escomptds sont encore trop souvent atteints de faqon partielle. Une critique sommaire des limites de cette proc6dure peut 6tre bross6e de la faqon suivante : 2.1. La m6thodologie et les moyens pratiques de r6alisation des dossiers : brans et perspectives L'ing6nieur qui r6alise ces documents, doit effectuer une v6fitable recherche appliqu6e g partir d'un projet. Les moyens h mettre en ceuvre reposent, essentiellement, sur des dtudes du type planification 6cologique, dont on parle beancoup mats pour lesquelles on s'aperqoit tr6s vite qu'elles ne peuvent ~tre appliqu~es aux projets de petite et
2.2. Contr61e de l'6tude d'impact Les quelques interrogations et les limites qui viennent d'6tre aborddes sur l'efficacit6 des 6tudes d'impact d6montrent l'intdgration partielle aux proc6dures existantes. Par ailleurs, le contr61e et la publicit6 de la demande du pdtitionnaire sont encore trop souvent mal effectu6s et le grand nombre de recours devant les juridictions administratives pour annulation de d6cision s'appuyant sur le contenu de l'6tude sont significatifs h ce sujet. Si l'obligation de l'6tude d'impact, et par consdquent la prise en compte de l'environnement dans le processus de ddcision, est une 6tape fondamentale du "droit" de l'environnement et de sa reconnaissance juridique, cette obligation, par le biais de l'instruction (autrement dit du contr61e) ne doit pas devenir un proc6s d'intention vis h vis du carrier. Pour 6viter l'61argissement exag6r6 de la consultation face b, des probl6mes mineurs, et afin de limiter cette inflation, le seuil de d6clenchement de l'dtude d'impact devrait alors ddpendre du risque 6cologique du projet. La tfiche de l'ingdnieur responsable de la r6alisation de l'6tude d'impact et celle du service instructeur de la demande, est de conserver un 6quilibre entre les dimensions du projet et l'importance de l'6tude. La qualit6 des travaux est encore trop in6gale et parfois d'autant moins bonne que les travaux sont de petite dimension, tout en ayant des cons6quences non n6gligeables sur - l'environnement. Au regard du bref rapport qui vient d'6tre fait sur l'6tude d'impact, il apparait que l'avenir de la procddure repose essentiellement sur l'ad6quation - qu',dit~ des 6tudes produites par le carrier, qualit6 du contr61e et insertion dans le processus de ddcision. Si le professionnel se doit d'etre le d6fenseur d'une cause, celle de la promotion d'une industrie, il ne doit pas pour autant 6tre mis en accusation.