Man and World 28: 415-433, 1995. © 1995 Kluwer Academic Publishers. Printed in the Netherlands.
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La temporalit6 de la perception: A propos de l'Interprdtation phdnomdnologique de la CRP de Kant PAVLOS K O N T O S Centre d'Etudes Phdnom~nologiques, Institut Sup#rieur de Philosophic, Coll~ge Thomas More (SH 3), Chemin d'Aristote, no 1, B-1348 Louvain-la-neuve, Belgique
L'~tre objectivant aupr~s de l'~tant subsistant intramondain a le caract~re d' une insigne prdsentification [...]. Pour caractdriser la perception sensible, Husserl emploie l' expression "pr#sentification" (Gegenwtirtigen) [...]. L' analyse intentionnelle de la perception et de l' intuition en gdn~ral devrait inciter d cette caractdrisation "'temporelle" du phdnom~ne. Martin Heidegger, SZ, p.363 et note 1 -
En avri11926 Husserl fit la proposition d Heidegger d' #diter [...1 sa th~orie concernant l' impression, la rdtention et la protention comme moments de la conscience intime du temps. L' apprdhension, la reproduction et la recognition comme moments de l' imagination [...] ne se laissent-elles pas rapporter aux ekstases temporelles du prdsent, du pass# et du futur ? - Otto Pt~ggeler 2
Le travail que nous nous proposons d'esquisser se trouve sugg6r6 dans la juxtaposition des deux citations pr6c6dentes: l'articulation des trois syntheses du temps dolt d6celer l'inauthenticit~ de la temporalit~ de la perception (de la perception telle que l'efit con~ue la ph6nom6nologie husserlienne). Autrement dit, nous cherchons une vole d'6claircissement de ce qui ne fut qu'obscur dans Etre et temps: une connexion intdns~que entre l'inauthenticit6 irr6versible du temps de la rencontre de l'6tant-subsistant et la temporalit6 de la perception. En fait, tout lecteur de l'Interpr~tation ph~nom~nologique de la CRP de Kant, ou m~me du Kantbuch, partage l'impression que l'61aboration des trois syntheses du temps ici pr6sent6es est guid6e par un regard inavou6 sur la th6ofie husserlienne. Quant ~tnous, nous nous sommes dirig6s vers l'Interpr£tation
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phknomOnologique de la CRP de Kant, dont nous d6fendons avec fermet6 la port6e ph6nom6nologique, pour examiner ces implications temporelles de la possibilit6 de la perception. Perception (Wahrnehmung) signifie ici "appr6hension" (Apprehension);3 l'intuitionn6 de cette appr6hension 6gale per~u. Ajoutons que la perception en question est la perception "th6orique" (la perception, le Hinsehen, qui s'arr6te devant le pergu-subsistant afin de d6terminer sa quiddit6). Heidegger a soulign6 ~ maintes reprises que Kant ne connaissait que la r6gion de la nature, ce qu'il ne manque pas de nous rappeler d6s le d6but de la discussion sur le temps. Ainsi la perception n'est que l'acc6s direct ~ l'6tant-subsistant au sens de nature. L'"appr6hension" au sens kantien ne fonctionne que comme une autre formulation de la perception au sens husserlien, formulation irr6vocablement imput6e ~ une vue th6orique. Rappelons en outre que les Probldmesfondamentaux de la phknomOnologie se sont 6galement propos6s d'61ucider la Temporalit~t de la subsistance sur la base d'une d6termination de la constitution sp6cifique temporelle de la perception th6orique: au d6part de la sp6cificit6 de la pr6sentification qui rend possible la perception et par cons6quent la perceptit6, il faudrait d6voiler le mode depraesens qui est inh6rent ~ la subsistance comme telle (Ga24/p.448). Or, cette promesse n'a pas 6t6 tenue. La raison enest que la pr6sentification qui prend place au sein de la perception n'a pas trouv6 un statut clair, la contribution du texte se limitant ~ l'appeler"pr6sentification insigne" ou "Anwesenheit," sans p6n6trer plus avant dans sa propre structure, dans les interactions ekstatiques des trois modes du temps. Le caract6re temporel inaccessible de la perception a 6t6 responsable de l'ind6terminabilit6 du sch6me temporal de la subsistance. Cette discussion st6rile a 6t6 le pr6texte dont les commentateurs se sont saisis pour conclure que Heidegger, h l'6poque de Marbourg, n'a pas pu mettre au jour la temporalit6 de la perception. 4 Notre 6tude s'accroit ainsi d'un th6me suppl6mentaire, ~ savoir son opposition diam6trale ~ ces conclusions, sur la base d'une lecture d6taill6e du cours de 1927-28 sur Kant.
1. Le cadre d'investigation de ce cours est connu de tous: Heidegger essaie de montrer la co-originarit6 des trois synth6ses (appr6hension, reproduction, recognition) et corr61ativement des trois modalit6s correspondantes du temps (pr6sent, pass6, futur); en m6me temps une primaut6 sera attribu6e au futur, ce que nous reconnaissons d'embl6e comme la "priorit6 de la compr6hension," priorit6 sous-jacente ~ tout comportement du Dasein. La logique de la d6monstration heideggerienne proc6de dans l'ordre suivant: l'acc6s au per9u exige l'appr6hension = synth6se du pr6sent; g son tour, celle-ci appelle n6cessairement la reproduction = synthbse du pass6: "l'appr6hension
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elle-m6me n'est pas possible sans la reproduction" (Ga25/p.353); l'unit6 de l'appr6hension et de la reproduction est impossible sans la recognition = synth6se du futur: "ainsi l'appr6hension conduit n6cessairement ~ la reproduction comme ~ son compl6ment, et la reproduction /t la recognition" (Ga25/p.361). Ce Fundierungszusammenhang r6sulte de la co-appartenance des trois modes du temps et des trois synth6ses. La reproduction et la recognition rendent possible l'appr6hension, c'est-~t-dire la relation perceptive avec l'6tant. Ou encore: l'appr6hension n'est pas exclusivement ordonn6e/~ la synth~se du pr6sent, mais implique n6cessairement la co-participation du pass6 et du futur. Le moment est arrivd d'annoncer notre conviction directrice." le texte ici concernk peut nous montrer la modalitO de la co-appartenance des trois synthdses du temps ~ propos de la possibilitk de la perception/apprdhension; en d'autres termes, ce texte nous indique la manikre dont le passO et le futur s "insOrent dans l'articulation interne de la perception, articulation scellde par son caractkre inauthentique. Pr6alablement h toute d6monstration, il y a lieu de signaler ce qui suit: (a) Nous avons pr6tendu montrer que le pr6sentifier de la perception (th6orique) est inauthentique; nous ne nous 61oignons gu6re de cette pr6tention. Cependant, il faudrait distinguer ce pr6sentifier-ci de celui de la curiosit6, le symbole - on ne le sait que trop - de l'ultime inauthenticit6 du pr6sent. Leur diff6rence est fondamentale: la curiosit6 exclut tout 616ment de "compr6hension"; au contraire, la perception pr6suppose par essence la compr6hension. On est stup6fait de voir le souci que Heidegger affiche de mettre en 6vidence cette opposition radicale entre l'inclusion et la non-inclusion de l'instance de la compr6hension. Suivant les textes eux-m6mes dans leur parall61isme impr6visible, on constate que l'analyse de la curiosit6 dans Etre et Temps est introduite par la phrase suivante: "la perception au sens large laisse rencontrer l'6tant-sous-la-main et l'6tant-subsistant g m~me eux, corporellemerit [...] Mais la curiosit6 ne pr6sentifie pas l'6tant-subsistant pour s6joumer auprbs de lui et ainsi le comprendre (verstehen)" (SZ, p.346). L'inauthenticit6 absolue de la curiosit6 tient/~ l'absence de la compr6hension, g savoir de l'avenir. A l'oppos6, et c'est 1~ le "fortuit significatif," l'introduction de notre texte de l'Interprdtation phknomknologique de la ClIP de Kant fait le pas contraire; il va falloir en fait interpr6ter la perception au sein de "l'exp6rience perceptive." Etant donn6 que la perception est ici li6e h la r6gion de la nature, l'exp6rience (compr6hension) prend la forme d'une d6termination objective: "la perception est seulement une pi6ce essentielle de l'exp6rience [ . . . ] . L'exp6rience, c'est le d6terminer pensant du donn6 perceptif en une objectivit6 d6termin6e - la nature" (Ga25/p.327). Le fait que Heidegger prenne dans ces deux passages des pr6cautions par rapport/~ la compr6hension nous
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parait lourd de sens. Ce fait nous autorise en effet h distinguer la temporalit6 de la perception (de l'6tant-subsistant) d'avec l'inauthenticit6 absolue de la curiosit6. (b) La structure temporelle de cette perception porte d'ores et d6jh le sceau de l'inauthenticit6, car elle est identifi6e chez Kant au "temps de la repr6sentation." Heidegger a hgtte de r6affirmer que le temps kantien est la "pure post-position d'une s6quence de maintenant" (Ga25/p.342). Cette (m6-)compr6hension du temps est caus6e par la primaut6 que Kant a assign6e h l'intuition interne comme si6ge des repr6sentations: "Le temps interpr6t6 comme cette pure multiplicit6 successive de maintenant, est la forme universelle du repr6senter" (Ga25/p.342). Les cons6quences en sont imm6diates: le flux de maintenant fait du temps/temporalit6 un simple mode d'intratemporalit6 (dans le temps). Ayons done ~ l'esprit que les analyses qui vont suivre portent sur le temps inauthentique, la Jetzt-Zeit. I1 nous parait opportun de noter que le m6me reproche adress6 au temps de la repr6sentation r6sume l'attitude critique de Heidegger face ~ "la ph6nom6nologie de la conscience intime du temps" husserlienne. Au del~ des 6quivoques, des va-et-vient de l'6valuation que Heidegger effectue sur la th6orie de son maitre, on peut au moins conclure, que, aux yeux de Heidegger, Husserl reste prisonnier du "temps de la repr6sentation." M6me ~t l'61oge le plus explieite dont il gratifie Husserl, Heidegger ne peut pas s'emp6cher d'ajouter: "le temps reste quelque chose d'interne 'dans le sujet.' [ . . . ] L'investigation enti6re de Husserl prend son origine dans le fait qu'il considbre la conscience primordiale et originaire du temps comme la connaissance d'un simple donn6 sensoriel (daft er das primare und urspriingliche Bewufttsein yon Zeit im Wissen um ein bloftes Empfindungsdatum erblickt)." 5 L'inauthenticit6 du temps de la perception th6orique est-t-elle un indice de l'inauthenticit6 de ce temps qui est structur6 selon les moments: r6tention/protention/impression? Y a-t-il moyen de pr~ciser ce caract~re d'inauthenticit6 ~ travers une analyse des relations ekstatiques temporelles qui prennent place ici, analyse analogue ~ celle clue les Probl~mesfondamentaux de la ph~nom£nologie avaient r6serv6 ~ la circonspection? Les axes de notre recherche 6tant multiples et leur synchronisation risquant de provoquer des probl6mes de clart6, r6p6tons les bri6vement: a) montrer tes relations ekstatiques temporelles qui prennent place au sein de la pr6sentification effectu6e par la perception th6orique; b) mettre en 6vidence la quasi-inauthenticit6 de ces relations; c) d6gager les points critiques face h la ph6nom6nologie husserlienne du temps. Un premier apergu global de notre point de vue interpr6tatif est mis en relief par un exemple qui foumit une premi6re 6chappatoire aux perplexit6s ren-
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contr6es: "Prenons ici un exemple trivial: supposons que je doive donner une description exhaustive de cette salle de cours. Je commencerai par aceueillir appr6hensivement les objets qui s'y trouvent [...]. Mais nous avons la possibilit6 de la reproduction; nous pouvons conserver, dire: j'ai vu une lampe, un morceau de craie. Mais qu'en est-il alors de cette craie que j'ai vue 1~? [ . . . ] Qui me dit que la craie que je me repr6sente maintenant appartient/~ la salle de cours. Je peux bien retoumer h la place qu'elle occupe et constater qu'elle s'y trouve - mais qu'est-ce alors que je constaterai? Qu'un morceau de craie s'y trouve. Et j'ai d6j/t perqu pr6c6demment un morceau de craie. Du coup il y aura deux morceaux de craie appartenant/l la salle. Mais non, dira-t-on, de toute 6vidence il ne s'agit que d'un seul et unique morceau de craie [ . . . ] . . . et pourtant, est-ce l~t si 6vident? A supposer que nous puissions accomplir l'appr6hension et que nous puissions tout aussi bien conserver, ce que nous conservons alors, ce sont pr6cis6ment les objets perl/us, et cela aussi souvent qu'ils ont 6t6 pergus, mais que le morceau de craie s'annonce dans routes les diff6rentes appr6hensions et reproductions comme un et le mdme, voil/t ce qui n'est pas suffisamment fond6 dans le simple appr6hender et le simple reproduire" (Ga25/p.361-2; les caract6res gras sont de nous). I1 y a au moins deux br6ves observations que cet exemple inspire: (i) la description ci-dessus n'a rien ~ voir avec la "circonspection" et l'acc~s primaire/~ l'6tant-sous-la-main; au contraire, elle fait 6cho/t d'autres descriptions dont Heidegger a soulign6 le caract6re non-originaire, tributaire de la perception "th6orique;" 6 (ii) le probl6me h r6soudre interroge les conditions temporelles de possibilit6 de la perception (appr6hension).
2. Apprehension/reproduction/recognition Dans le but d'exploiter au mieux, sans les trahir, notre texte dans sa richesse ainsi que l'importance des conclusions ph6nom6nologiques h y relever, il va falloir d6crire le dessin architectonique du texte. Plus il semble explicite, plus il reste voil6. Au delh m6me de l'emprunt des divisions dues au texte kantien lui-m6me, des empibtements constants sont ici h l'oeuvre et rendent probl6matique l'6claircissement des intentions heideggeriennes. D6j/~ la division triple h la suite de la triplicit6 des synthbses du temps est trompeuse. La sbparation du futur par rapport aux autres synth6ses, et sa prktendue authenticitk pi6gent davantage encore les lecteurs, qui y reconnaissent une r6f6rence/l l'avenir authentique de la compr6hension. De plus, l'h6ritage du Kantbuch, dont on se plait ~ souligner la ressemblance avec notre texte, rend ce malentendu encore plus probable. Contre ces interpr6tations, lieu commun des commentaires jusqu'h aujourd'hui, nous allons entamer une lecture fidble au texte/t la lumi6re de notre raisonnement ant6rieur.
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I1 est de premi6re importance de remarquer que deux axes centraux (et non pas la triplicit6 des synthbses) articulent syst6matiquement l'argument heideggerien: celui de l'intuition (l'acc6s/t l'6tant singulier en tant que tel) et celui de l'identification (comprendre cet 6tant comme le m6me). Le premier axe exprime le fait mame de la perception/rencontre de l'6tant et le flux de ces perceptions; le second exprime le moment de l'"exp6rience" perceptive (on y reviendra). L'exemple cit6 plus haut met en 6vidence cette dichotomie entre, d'une part, "cet 6tant-ci" ou encore "cet 6rant pass6" et, d'autre part, le "comme un et le m6me." Ce qui est encore moins manifeste, voire franchement dissimul6, ce sont les implications temporelles de cette dichotomie: quels modes du temps correspondent/t chaque branche? La branche de l'intuition comprend apparemment les moments du pr6sent et du pass6. En effet, quand Heidegger introduit la synth6se de la recognition, il relie intrins6quement les deux autres synth6ses l'une fi l'autre en les opposant h la troisibme qui op6re comme fondement: "la synthksepure de la recognition est le fond qui porte l'unit~ de la synthbse pure de l'appr6hension et de la reproduction" (Ga25/p.367; les caract6res gras sont de rlous). Plus lourde de cons6quences est la remarque capitale selon laquelle le pr6sent et le pass6 constituent, h eux deux, le temps de l'intuition pure: "deux actions primitives qui sont co-appartenantes [...]; ces actions sont ee qui constitue le temps comme intuition pure" ( Ga25/p.3 54; nous soulignons). La r6p6tition de cette locution tout au long du chapitre prouve son caractbre insigne] De plus, pesante est l'insistance sur le fait que "seuls ces modes" concement le temps de l'intuition/perception; et ce, malgr6 et contre l'6vidence que le temps de l'intuition ne peut nullement se constituer de fagon bipolaire (pr6sent-pass6), mais contient par essence pleinement la triplicit6 des modes. Ces indices explicites sont la preuve de la mise en oeuvre r6solue d'une dichotomie cruciale dont on ne connait pour le moment que l'une des deux branches. I1 s'agit de l'ordre de la rencontre imm6diate de l'6tant, de sa manifestation en tant que cet 6rant, de la manifestation dont s'occupe l'Esthktique transcendantale. D'un autre c6t6, le futur correspond fi la possibilisation du moment "un et le m6me." Sans entrer ici dans les d6tails, notons que, h cet 6gard, le futur est li6 au caractbre "no6matique" de l'idem (identification): "l'acte fondamental [de la synth6se de la recognition] est l'identification" (Ga25/p.361). Telle est la fonction propre de cette troisi6me synth6se qui est li6e au futur. Apr6s avoir utilis6 les vocables anticipation et pr6cognition, Heidegger attribue/~ cette synth~se la constitution de la "totalit6 r6gionale," "l'attente anticipatrice d'une unit6 r6gionale de l'6tant offrable" (Ga25/p.364). Pour le dire autrement, l'identification d'un 6tant comme le m6me pr6suppose l'ouverture de la r6gion h laquelle il appartient. Le r61e du futur ne con-
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cerne que cette attente/anticipation, parall61ement h ce qu'on connait comme "compr6hension." La deuxi6me branche de "notre" dichotomie semble 6tre d6ploy6e. Or, il n'en est rien. En d6pit des apparences, le mode du futur ne constitue pas par exclusivit6 le moment de cette ouvermre. A c6t6 de lui, c'est le mode du pass6 qui comporte en soi un 616ment essentiel d'anticipation: "Le concept de reproduction en dit donc ~ proprement parler d6jh trop. La reproduction est impossible si je ne puis reproduire comme m6me ce qui s'est 6cou16 dans le pass6" (Ga25/p.361). I1 est vrai que cette reconnaissance reste un cas unique dans notre texte; elle est cependant accompagn6e de fagon d6cisive par un autre signe parlant. En effet, on a vu que la particularit6 du futur en rant qu'anticipation 6tait l'ouverture d'une "totalit6 r6gionale," totalit6 qui conditionne toute possibilit6 d'identification. Or, Heidegger n'attribue pas exclusivement/t la synth~se du futur cette fonction d'ouverture d'une totalit6. Le pass6 en est coop6rateur. L'introduction de la synth~se de la reproduction ne pourrait pas &re plus indicative: "La possibilisation de l'objet nature dans sa totalit6 r6gionale m~me (in seiner regionalen Ganzheit selbst), voilh ce qui fait ici question pour Kant" (Ga25/p.351). Selon cette conception, qui est d'ailleurs confirm6e ~ plusieurs reprises, 8 le pass6, sans 6tre ~ proprement parler une anticipation, co-constitue cet horizon qui permet l'ouverture d'une totalit6 r6gionale. I1 co-participe done 6galement aux deux branches de notre dichotomie, globalement analys6es comme intuition et identification. Le pass6 empi6te, d'une part, sur le moment de l'intuition, prioritairement possibilis6 par le pr6sent, et d'autre part, sur le moment de l'identification, prioritairement possibilis6 par le futur, remplissant un r61e interm6diaire. En ce qui concerne la branche de l'intuition, le pass6 ne fait que prolonger la synth6se de l'appr6hension, en assurant la possibilit6 de rencontrer ce qui n'est plus pr6sent ("elle constitue done la possibilit6 d'une relation h l'objet," Ga25/p.353). En ce qui concerne la branche de l'identifieation, le pass6 ne fair que prOparer la voie ~ la synth6se de la pr6-cognition: le passage de la reproduction ~ la recognition tient au fait que "si la relation ~ l'objet au sens de la totalit6 r6gionale 'nature' doit 6tre garantie, une condition plus originaire [urspriingliehere] d'union est requise" (Ga25/p.358; nous soulignons). Nous nous proposons de formaliser la dichotomie en question en utilisant des vocables qui ne sont emprunt6s ni h ce texte ni/l Heidegger lui-m6me. Appelons respectivement les branches de l'intuition et de l'identification: Gegenwiirtigung et Vergegenwiirtigung(pr6sentification et re-pr6sentification). Ces vocables sont connus de Heidegger, mais ne constituent pas des termes "techniques" de sa ph6nom6nologie; 9 ils prennent leur origine, on le sait, chez Husserl et se r6f'erent respectivement/t l'impression et au couple r6tention/protention. Notons que notre choix est loin d'6tre fortuit; il est
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motiv6 par notre intention de d6gager du texte de l'Interprktation phknomknologique de la CRP de Kant les jalons d'une critique de la ph6nom6nologie husserlienne du temps de la perception. A titre de conclusion de notre premi6re approche du texte, pr6sentons un sch6me directeur n6cessaire pour des raisons de clart6.
Intuition appr6hension pr6sent
reproduction pass6
rencontre/perception
Gegenwgirtigung
Identification reproduction pass6
recognition futur
totalit6 r6gionale
Vergegenwgirtigung
2.1. La pr~sentification La premi6re instance de la pr6sentification comme "ac-cueil" de l'6tant se manifestant lui-m6me est la synthbse de l'appr6hension, synth6se "imm6diatement exerc6e sur les perceptions." Nous sommes au niveau du temps inauthentique qui se donne comme "pure suite de maintenant", "pure multiplicit6 successive de maintenant." Ceci ne s'oppose pas/t la th6se ph6nom6nologique qui cherche g reconstmire la pure suite de maintenant (interpr6tation selon laquelle le temps 6quivaut /~ un 6tant subsistant) comme une forme (bien qu'inauthentique) du temps lui-m6me en tant que temporalisation, g savoir pr6sentification. Aprbs avoir 6voqu6 en passant le Jetzt-Sagen ("du maintenant ~ chaque lois d6jh dit"; Ga25/p.344), Heidegger fait express6ment r&6rence au caract~re activement ekstatique de la pr6sentification: le pr6sent n'est pas quelque chose de subsistant, mais l'ouverture d'un horizon pr6alable, d'une synth6se apriorique pure: "seule l'orientation pr6alable sur le pur l'un-aprbs-l'autre des maintenant ouvre l'horizon au sein duquel [ . . . ] " (Ga25/p.344). "Ouvrir l'horizon du maintenant" 6quivaut ici ~ "rendre pr6sent," ou mieux, g laisser-quelque chosese manifester-comme-pr6sent. L'intratemporalit6 de l'intuitionn6, du pergu n'est que l'effet de cette ouverture pr6alable. 1° Or, il n'y a aucun doute que la clarification ph6nom6nologique pr6c6dente ne peut nullement nier l'inauthenticit6 du pr6sent en cause; sa destination est de la clarifier en tant que mode de la pr6sentification. Cette inauthenticit6 se r6v~le d@t dans les locutions "/l l'instant de" et "dans un instant pas encore." M6me l'image d'une s6rie de maintenant dont proviennent l'isolation et l'unit6 des maintenant singuliers ou la figure d'un pr6sent qui d6tient en soi une ex-tension vers le non-present ne doivent pas non plus nous tromper: elles ne sont que l'6cho des d6terminations qu'avaient d6gag6es les ProblOmesfondamentaux
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de la phOnomOnologie pour d6crire l'inauthenticit6 du temps ~t propos de l'exp6rience du mouvement.11 Si l'analyse de "la synth6se du pr6sent" ne fait allusion ~ Husserl que de mani6re implicite, l'analyse de "la synth6se du pass6" (reproduction) nous y renvoie express6ment. C'est sans doute ce renvoi qui a suscit6 le soupgon cit6 de O.P6ggeler. Donnons d6s h pr6sent la d6termination du "Behalten," de la synth6se de la reproduction, d6termination dont la correspondance avec celle de la "r6tention" husserlienne saute aux yeux: "cette offrande du pass6 pur de la suite des maintenant est leur union avec le maintenant chaque fois actuel [...] off le temps s'offre comme pass6 imm6diatement-non pas comme pr6sent, mais imm6diatement comme lui-m6me, commepass~'" (Ga25/p.352). Au del~ de cette correspondance, il nous semble int6ressant de souligner une autre relation. En effet, on a montr6 qu'un chiasme interne de la synth6se du pass6 prend place dans le tout de ta temporalit6 de la perception. I1 nous semble que ce chiasme correspond h l'ambivalence interne de la th6orie husserlienne de la r6tention. On entend par ambivalence le balancement de Husserl entre une r6tention soumise h l'omnipotence du pr6sent en tant que point-source du temps (dict6e par le sch6me "appr6hension/contenu d'appr6hension") et une r6tention qui r6clame son autonomie ou, au moins, sa sp6cificit6 en tant qu'ouverture propre d'un "pass6 authentique." 12 Pour le moment et dans le cadre de ce que nous avons nomm6 "niveau de la pr6sentification," il faut circonscrire la d6pendance de la r6tention vis-~t-vis de la primaut6 du pr6sent impressionnel. Le sch6me "appr6hension/contenu d'appr6hension" s'exprime ici comme "temps de la repr6sentation": toute repr6sentation actuelle est "encore maintenant" plus un "encore maintenant" et apr6s un "ne plus maintenant"; elle devient pass6. En ce sens, le pass6 est le contenant des maintenant qui sont devenus des "maintenant-ne-plus." Le pass6, loin donc d'6tre originaire, se contente de constituer un maintenant d6pourvu de son actualit6. Voilh le sch6me de la "ligne du temps" que Heidegger consid~re comme le sceau de toute inauthenticit6. Notre texte sugg6re h plusieurs reprises cette "gen6se" du "maintenant-ne-plus." Citons les expressions les plus frappantes: "dimension du 'maintenant-ne-plus' "; "ramener dans la proximit6 les maintenant 6coul6s comme tels"; 'Toffrande du pass6 pur de la suite des maintenant"; "cette synth6se de la pure conservation du maintenant-ne-plus" (Ga25/p.352). I1 est r6v61ateur que ces formules soient destin6es ~t d6crire le "pass6 pur"! Pour Heidegger elles montrent la fagon dont la pr6sentification perceptive est domin6e par un pr6sentifier inauthentique, qui exerce son pouvoir sur les autres ekstases et en particulier sur celle du pass6. Les locutions telles que pass6 pur ou horizon du pass6 ne doivent pas nous tromper. Elles ne peuvent nullement
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d6samorcer le reproche d'inauthenticit6. Les Problkmes fondamentaux de la phOnom~nologie ont d'ailleurs bien expliqu6 l'inauthenticit6 extr6me du pass6 comme "maintenant-ne-plus" et son origine de l'exp~rience du mouvement. M6me le vocable d'horizon, constamment 6voqu6 dans l'InterprOtation phOnomknologique de la CRP de Kant et qu'on identifie souvent et volontiers h l'authenticit6, reste soumis ~ l'inauthentique. I1 s'agit d'un horizon totalement inauthentique, 6difi6 selon le sch6me "ant6rieur-post6rieur" tel qu'il surgit dans l'exp6rience du mouvement: "ce que nous comptons [...] quand nous suivons en le nombrant un passage dans l'horizon de en 7-cuo~ cL¢ "r~, ce sont les maintenant" (Ga24/p.348). 13 "C'est ~tdessein" (Ga24/p.349) que Heidegger a utilis6 ici le terme d'horizon pour mettre en lumi6re l'inauthenticit6 d'un horizon/contenant des "maintenant-ne-plus." Concluons que si la synth6se du pass6 n'est vis6e que comme la rencontre d'un maintenant 6cou16, elle ne pourra jamais 6chapper h la primaut6 du pr6sent. Le pr6sentifier reste le seul ou au moins l'ultime juge de la rencontre imm6diate de l'6tant-subsistant. I1 ne fait aucun doute que la temporalit6 de l'intentionnalit6 perceptive, telle qu'elle est analys6e ici, est aux yeux de Heidegger incurablement inauthentique. Malgr6 l'adoption r6volutionnaire d'une autre conception du futur (c'est-~t-dire de la conception qui congoit la synth6se du futur comme anticipation), le primat de l'intuition reste inquestionn6. Kant reconnait un r61e sp6cial au futur, sans pour autant 6chapper h la domination du pr6sent. Sous le r6gne de la pr6sentification, le pass6 prend la forme inauthentique du maintenant-ne-plus et analogiquement 14 le futur devient un "maintenantpas-encore." Le futur, dans la mesure off il reste subordonn6 h la fonction de la rencontre imm6diate d'un 6tant "pas-encore-pergu," ne peut que se d6figurer en un "maintenant-pas-encore" qu'Etre et temps a d6termin6 comme un pur maintenant non encore survenu. L'inauthenticit6 de cette triplicit6 de la temporalit6 de la perception acquiert toute sa profondeur au moment off ces trois modes sont congus comme constitutifs de la "r6sistance apriorique de l'6tant'; en clair, l'unit6 des modes inauthentiques du temps ('ne-plus' et 'pas encore') s'identifie h la r6sistance apriorique, h l'auto-affection originaire du Soi, h la transcendance: " [ . . . ] le sujet comme tel s'oppose a priori h une r6sistance - le temps lui-m6me. Et celui-ci, envisagO comme pure suite de maintenant, [...], s'offre en tant que r6sistance par excellence" (Ga25/p.391; nous soulignons)! 15 Voilh l'impasse qui nous oblige h comprendre le texte heideggerien comme une mise en lumi6re de l'inauthenticit6 de la temporalit6 de la perception et nullement comme sa pr6tendue transformation en authenticit& Dire que le "ne-plus" et le "pas encore" co-constituent la r6sistance apriorique, dans le sens ekstatique de l'horizon uni du temps, c'est dire que le monde se d6ploie selon le
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temps inauthentique lin6aire, ce qui est absolument inconcevable. Pourquoi? Tout simplement parce que le monde est ici travesti en "objectivit6 possibilisant l'6tant-subsistant" ayant afortiori perdu sa temporalit6 originaire, savoir l'unit6 des ekstases authentiques du temps originaire. Autrement dit, le monde se transforme en 6tant-subsistant, parall61ement au mode d'6tre du temps lin6aire; au lieu de constituer l'horizon unitaire du pr6sent, du pass6 et du futur purs authentiques, il est compos6 de l'6talement du pr6sent inauthentique, de la pure suite de maintenant. Au lieu d'6tre l'a priori horizontal, l'unit6 ekstatico-horizontale originaire de la signifiance (de la mondan6it6), il est conditionn6 par une rencontre particuli6re et m6me inauthentique (perception th6orique) de l'6tant-subsistant. Attribuer au monde le temps de la pure suite de rnaintenant, c'est d6crire la fagon dont la primaut6 du pr6sentifier a alt6r6 la triplicit6 ekstatique du temps et r6duit le monde ~ l'objectivit6 de l'6tant-subsistant. Ou/~ l'inverse, la m6compr6hension de la temporalit6 du monde nous fournit la preuve ultime du fait que la structure "ne-plus et pas encore" n'arrive nullement h d6passer l'inauthenticit6 du temps lin6aire; elle ne fait que la d6composer. C16mrons notre analyse de la pr6sentification entant qu'616ment primaire de la temporalit6 de la perception. Ayant d61imit6 sa primaut6 et son pouvoir affectif, il faut maintenant examiner la quasi-autonomic des ekstases du pass6 et du futur, autonomic qui est h comprendre dans le sens que, bien que fonci6rement inauthentiques, elles gardent une fonction qui leur est propre. 2.2. La re-prksentification Par re-pr6sentification nous entendons la modalit6 temporelle du temporaliser qui est propre au pass6 et au futur, ou mieux encore h leur coappartenance ou co-op6ration. Au fond nous visons ce caract6re de ces deux ekstases qui leur octroie une quasi-autonomie par rapport ~ la domination du pr6sent. I1 faut 6videmment ne pas perdre de vue que cette repr6sentification n'est nullement authentique au sens o/~ l'est la temporalit6 originaire; elle si6ge n6cessairement dans le tout de la temporalit6 inauthentique de l'intentionnalit6 perceptive. Notre objectif est pr6cis6ment de d6voiler sa mani~re particuli~re d'6tre une re-pr6sentification (et non pas une transformation du pr6sentifier), bien que cette mani6re soit inauthentique. Nous partons d'un donn6 d6jh assur6: notre texte attribue clairement/~ la repr6sentification une fonction singuli6re: l'ouvermre de la totalit6 r6gionale de l'6tant-subsistant. Toute rencontre d'un 6tant d6termin6 est conditionn6e par l'unit6 en soi close "des d6terminations qui d61imitent la structure ontologique de la nature en g6n6ral [/~ savoir de la subsistance]" (Ga25/p.383) dont nous tentons ici simplement/~ d6voiler la structuration temporelle sur l'arri6re fond de la perception.
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Commengons par une analyse de "la synth6se de la reproduction." Selon nos arguments et le sch6me propos6, il est clair que le pass6 contient un 616ment propre de re-pr6sentification, en ce sens qu'il co-participe h l'ouverture d'une totalit6 r6gionale. En effet, Heidegger met l'accent sur le caract&e pur du pass6 qui se donne comme pass6. Au delh du "maintenant-ne-plus," il nous faut un "horizon du pass6 en g6n6ral" qui d'une certaine fagon conditionne le "ne-plus"; cette exigence implique que l'horizon pur du pass6 ne soit pas 6gal mais ant6rieur par rapport ~t la "reproductibilit6 de l'intuitionn6 pur": "cet horizon ouvert du pass6 en g6n6ral foumit ainsi pour la premi6re lois la possibilit6 d'une reproductibilit6 sans obstacle" (Ga25/p.352). La puret6 de cet horizon dolt 6tre ind6pendante du "maintenant-ne-plus" et le conditionner. Ce point reste pourtant constamment obscur dans notre texte, car le pass6 pur est identifi6 tr~s souvent au "he-plus." L'horizon pur du pass6 n'est pas un horizon de la rencontre imm6diate de l'&ant; sa puret6 tient l'ouverture d'une "totalit6 r6gionale" qui rend possible l'6tant comme pass6. Le retenir (Behalten) purest "le retenir de la r6gion objective" dans sa totalit6 (Ga25/p.351). Pour aborder sa d6termination temporelle, il faut franchir d'abord la structure de l'ekstase qui effectue par excellence l'op6ration de l'ouverture de la totalit6 r6gionale, celle du futur, le corr61at de la synth6se de la recognition. Notons d'ores et d6j/t que cette synth6se ne se r6f'ere pas au futur au sens de "maintenant pas encore"; cette signification est d6riv6e et secondaire. Expliquons-nous. I1 nous parait 6tonnant que toute la discussion sur la synth6se de la recognition ne contienne aucune r6f6rence au "pas encore." De plus, Heidegger ne sugg6re nulle part que cette synth6se conceme la donation de quelque chose qui n'est pas encore pr6sent, la rencontre imm6diate d'un 6tant absent h-venir. Paradoxalement, la recognition (son objet propre) se situe dans l'horizon temporel de la reproduction (de son objet), c'est4tdire dans le pass6; elle rend possible de "reconnMtre l'intuitionn6 ant6rieur comme le m~me" (Ga25/p.361; les caract6res gras sont de nous). Ceci ressort avec plus de clart6 h propos du long exemple cit6 auparavant. La recognition ne concerne pas le pergu-pas-encore-pr6sent, mais all contraire les pergus donn6s darts l'appr6hension et la reproduction: "[...] doric pour saisir quelque chose, dans la suite de l'apprkhendO et du reproduit, comme une m6me chose qui se maintient" nous devons avoir la synth6se de la recognition (Ga25/p.362; nous soulignons). La recognition ne conditionne pas l'intuition d'un pergu h-venir, mais l'identification des pergus d6jh donn6s grace aux deux autres synth6ses. D'une certaine fagon, le moment du "pas encore" a 6t6 rendu possible par la synthbse de la reproduction et le "ne-plus." La reproduction n'est-elle pas en r6alit6 une re-production? Le "wieder" qui y est impliqu6 (Wieder-vor-J~hren) n'est-il pas 6galement un "Nach" (Nach-
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bilden) (Ga25/p.416), que A. De Waelhens et W. Biemel ont h juste titre traduit doublement comme "la post6riorit6 et le retour sur ce qui fur" 16? La recognition concerne les pergus d6jh donn6s dans la co-appartenance de l'appr6hension et de la reproduction, en tant que synth6ses de l'intuition imm6diate. C'est cette co-appartenance qui produit les moments du "pasencore" et du "ne-plus" selon le sch6me ant6rieur-post6rieur. C'est pourquoi la synth6se de la pr6cognition ne situe nullement l'intuitionn6 dans le temps lin6aire, mais lui attribue un moment no6matique: la mOmetd. On a montr6 auparavant que la seule fonction de la recognition est d'identifier un 6rant en tant que m6me. Identification/m6met6 est l'instance no6matique qui articule les relations entre le "ne-plus," le maintenant et le "pas encore" et garantit l'unit6 des apparitions de l'6tant. Bien stir, cette identification ne constitue pas "l'acte originaire de la donation d'unit6." Elle pr6suppose "le projet anticipateur d'un tout," l'anticipation d'une unit6 r6gionale. Voilh le point crucial: la synth6se de la recognition ouvre l'horizon du futur en 6tant "l'anticipation de la totalit6 r6gionale," celle qui permet "l'identification des objets singuliers de cette r6gion" (Ga25/p.367). L'ouverture de l'horizon r6gional est de l'ordre du projet (EntwurJ), qu'on reconna]t tout de suite comme le moment authentique de l'avenir au sein de la temporalit6 du Dasein. On pourrait donc pr6sumer que cette ouverture pr6sente une certaine authenticit6, un vrai caract6re repr6sentatif. Avant de revenir h la question portant sur le propre de la re-pr6sentification, attardons-nous sur une autre difficult6. Peut-on, h la suite de la suggestion de O. P6ggeler, identifier la synth6se de la pr6-cognition (recognition) h la "protention" au sens husserlien? Notre r6ponse est ndgative. Comme premi6re justification, nous dirons que la protention est de l'ordre de l'intuition, de la rencontre de l'6tant. La protention se r6f6re h l'6tant qu'on va percevoir, au "ne pas encore" de la perception, h l'arri6re-plan d'une apparition h-venir pr6d6termin6e. Cependant, nous avons montr6 que la synth6se de la pr6-cognition n'est pas congue en termes d'intuition. Notre r6ponse n6gative sera mieux justifi6e par une pr6cision suppl6mentaire. Heidegger lie intrins6quement la synth6se de la recognition ~ l'anticipation: "~t la base de toute identification, il y a l'anticipation d'un enchainement unitaire de l'6tant" (Ga25/p.364). I1 faut comprendre cette relation intrins6que h la lumi6re de la distinction entre protention et anticipation effectu6e par Husserl. En particulier, l'anticipation s'oppose ~ la protention de la m6me fagon que le "pas encore" formel de l'intuition (l'a priori formel) s'oppose ~t la d6termination r6gionale (l'a priori mat6riel). Qu'il nous soit permis de citer ici les conclusions d'une recherche approfondie sur cette dichotomie: "Dans l'anticipation est impliqu6e l'Inhaltlichkeit comme totalit6, dans la protention est toujours
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impliqu6e seulement l'esquisse suivante de cette Inhaltlichkeit totale [ . . . ] . L'anticipation appartient imm6diatement aux actes instaurateurs du sens [...]. Au contraire, la protention est un pur moment formel [...]. Si l'anticipation a une signification mat6rielle-concr6te, la protention a seulement une signification formelle." [7 On rep6re ici une r6sonnance du texte de l'Interpr~tation phOnomOnologique de la CRP de Kant, texte qui insiste pr6cis6ment sur le d6passement du moment formel du "pas encore" pour mettre en relief le moment de la d6terminabilit& Plus analytiquement, l'anticipation ouvre une "totalit6 r4gionale" qui dicte les d6terminations aprioriques attribu6es h l'4tant rencontr6. La r6gion en question est ici celle de l'4tant-subsistant et l'objet surgissant est le per~u lui-m~me. L'anticipation, loin d'etre un moment formel de protention, est charg6e de l'ouverture de l'horizon de d6terminabilit6 qui rend possible toute rencontre d'un 6tant singulier. La re-pr6sentification (synth6ses du futur et du pass6) est une anticipation de la totalit6 r6gionale. On pourrait nous objecter que, dans la suite du texte, la totalit6 r6gionale est d6pass6e et le niveau d'objet-en-g6n6ral est atteint. Nous sommes conscient de ce d6placement qui ouvre "la r6gion formelle du quelque chose en g4n6ral." N6anmoins, il s'agit toujours d'une condition de d6terminabilit6, d'opposition "h tout arbitraire" (Ga25/p.370). I1 faut en l'occurrence distinguer le "formel" impliqu6 dans la pr6tention d'avec le "formel" impliqu6 dans "la r6gion formelle." La premi6re vise le simple fait d'une esquisse qui succ6de au maintenant. Au contraire, la notion de "r6gion formelle" ne fait, selon Heidegger, que se d6placer le long d'une gradation ontologique qui n'alt6re nullement l'essence de la re-pr6sentification comme anticipation. Elle garde constamment son r61e: ouverture d'une totalit6 r6gionale. Quel est le b6n6fice h tirer de ces subtils 6claircissements? Nous avons pr6cis6ment montr6 en quoi consiste le propre de la re-pr6sentification. I1 consiste en l'ouverture d'une totalit6 r6gionale, autrement dit, en l'anticipation d'une d4terminabilit6 pr6alable. La re-pr6sentification (la synth6se de la recognition plus (partiellement) la synth6se de la reproduction) est une anticipation et, comme telle, rend possible l'horizon du futur (et du pass6) pur, quasi-authentique en son ind6pendance par rapport au maintenant-pasencore. Heidegger souligne cette ind6pendance en r6p6tant que la troisi6me synth6se (ou mieux, la re-pr6sentification en entier) est "la synth6se primaire" qui "fonde les deux autres" (ou mieux, la pr6sentification). Le fondement ultime de l'autonomie de la re-pr6sentification est son ind6pendance vis-a-vis de l'ordre de l'intuition/rencontre et sa fonction exclusive d'ouverture d'un horizon de d6terminabilit6.
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3. L'inauthentique de la temporalit~ de la perception Notre 6tude de la temporalit6 de la perception/t partir du texte de l'InterprOtation ph~nomOnologique de la CRP de Kant est arriv6e/t son terme. Nous avons en effet d6gag6 deux branches, deux modes temporels: la pr6sentification et la re-pr6sentification. Leur articulation est significative: tout ce qu i est de l'ordre de l'intuition/rencontre de l'6tant est assign6 au pr6sentifier; il est en plus soumis d6finitivement/l la domination du pr6sent comme tel. Toute contribution ou implication des synth6ses de pr6cognition et reproduction/l la rencontre imm6diate de l'6tant est condamn6e ~ l'inauthenticit6. Autrement dit, le pass6 et le futur, dans la mesure off ils ouvrent un horizon de rencontre imm6diate de l'6tant, portent in6vitablement le sceau de l'inauthenticit6 et se transforment en "ne-plus" et "pas encore." L'ekstase du pr6sent, en tant qu'ekstase dominante de toute pr6sentification, affecte les deux autres ekstases; cette affection exerc6e sur les autres ekstases signifie leur modification. Voilh le sens de l'inauthenticit6 que l'ontologie fondamentale a assign6e h la pr6sentification: "la pr6sentification 6chappe/~ elle-m6me et se perd au point que l'avoir-6t6 se transforme en oubli et l'avenir en attendance" (Ga24/p.407). Tout pr6sentifier appartient/l l'ordre de l'intuition et reste soumis ~ l'inauthenticit6 dominante de l'ekstase du pr6sent. Au moment m6me off les synth6ses du pass6 et du futur s'impliquent dans l'intuition, elles perdent automatiquement leur propre caract6re de re-pr6sentification, et se transforment en "ne-plus" et "pas encore." A l'inverse: c'est parce que le temps de la rencontre du pergu est congu comme "ne-plus" et "pas encore," que toute rencontre est prisonni6re du pr6sentifier inauthentique. L 'autonomie du prksent consiste pr6cis6ment dans le fair que le temps de la rencontre est une "pure suite de maintenant," oblig6 vers le pr6sent et son affection sur les autres ekstases. Le pr6sentifier est toujours la fonction d'une seule ekstase, celle du pr6sent, d6pourvue de tout recours aux autres ekstases dans leurs fonctions propres. C'est le retentissement de ces transformations qui d6crit le statut du pr6sent inauthentique: "la pr6sentification est de plus en plus abandonn6e ~ ele-m~me" (SZ, p.347). Toutefois, il a 6t6 montr6 que les deux autres ekstases gardent une "quasiauthenticit6 partielle," bien qu'elles soient d6pourvues de toute possibilit6 propre de pr6sentification. Ce qui nous importe ici, c'est de clarifier son articulation. Force est de prendre conscience des tensions en acte: le fait que ces deux ekstases soient priv6es de toute instance propre de pr6sentification (leur caract6re d'inauthenticit6) ne peut pas 6tre sans relation avec leur fonction d'ouverture d'une totalit6 r6gionale (leur caract6re de quasi-authenticit6). D'autant plus que la temporalit6 triple se veut un tout organique, dont la coh6rence se fonde sur l'auto-affection. Autrement dit: l'inauthenticit6 de l'unit6 du pass6 et du futur (l'impossibilit6 de permettre de fa~on propre une
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pr6sentification) doit trouver sa contrepartie dans son articulation en tant que re-pr6sentification; le mode de re-pr6sentification en question, c'est-/t-dire l'ouverture d'une totalit6 r6gionale, n'est pas irresponsable de cette impossibilit6, ne peut pas 6tre innocent de l'inauthenticit6 du tout de la temporalit6 de la perception. Mieux: le fait que la re-pr6sentification soit d6pourvue de pr6sentification et le fait qu'elle ouvre une "totalit6 r6gionale" ne sont qu'une et m6me structure. Lepropre du pass6 et du futur comme re-pr6sentifications exclut route instance de pr6sentification, de rencontre imm6diate de l'6tant. Cette polarisation entre l'ordre de la rencontre exclusivement domin6 par le pr6sent et l'ordre d'une re-pr6sentification purement horizontale (i.e. non pr6sentifiante), voilg la cause ultime de l'inauthenticit6 de la temporalit6 de la perception. Autrement dit, l'inauthenticitk de cette temporalitO tient au fait que les fonctions de re-prOsentification et de prOsentification sont incompatibles. Notre th6se d6jh annonc6e sera prolong6e par la suggestion suivante: l'ouverture d'une totalitk rkgionale comme op6ration propre de l'unit6 temporelle du pass6 et du futur, de la re-pr6sentification, porte d'ores et dkjgt le sceau de l'inauthenticitk; de plus, elle correspond/l la temporalit6 de la perception de l'6tant-subsistant. Expliquons-nous. Pass6 et futur "ouvrent" un horizon unitaire au sens du projet (EntwurJ): l'horizon unitaire de la rbsistance apriorique. De plus, cet horizon rend possible la rencontre de l'6tant-subsistant; il semble donc paradoxal, voire arbitraire, de maintenir que la re-pr6sentification, l'unit6 du pass6 et du futur, soit inauthentique et co-responsable de l'inauthenticit6 enti6re de la temporalit6 perceptive. Qu'il soit clair que nous ne soutenons pas que l'ouverture en tant que telle est d'ordre inauthentique. La re-pr6sentification perceptive n'est pas inauthentique en tant "qu'ouverture d'une totalit6 r6gionale," mais en tant "qu'ouverture d'une totalitk rkgionale." Dans le souci de mieux 6clairer cette opposition, il va falloir distinguer l'ouverture qui est propre/~ la re-pr6sentification, d'une part, de la perception d'un 6tantsubsistant et, de l'autre part, de la circonspection: la modalit6 des ouvertures en cause s'6tage selon le sch6me authentique-inauthentique. Si la repr6sentification peut 6tre d6crite dans les deux cas comme "ouverture d'un horizon unitaire," leur diff6rence qualitative tient/~ l'essence de l'horizon en question. Quant/t la re-pr6sentification circonspective, elle ouvre l'unit6 instrumentale, laquelle dispose la structure du monde. En effet, rappelons-le, les structures du Wozu et du Womit, c'est-/t-dire, respectivement, les moments temporels de l'attente et du retenir, rendent possible l'ouverture du contexte instrumental. Pour faire bref, citons un passage qui illustre ad6quatement cette articulation de la re-pr6sentification circonspective: "Tendus vers le pour quoi,
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nous retenons, nous gardons en vue le ce qui (du ce qu'il enest); en le prenant ainsi en vue, nous comprenons alors l'instrument comme tel dans la sp6cificit6 de sa structure de destination" (Ga24/p.415-416). L'ouverture du contexte est le lieu de rencontre de l'6tant-sous-la-main singulier, son "r67ro¢. I1 s'agit d'une totalitk cosmologique. Au contraire, la re-pr6sentification de la perception de l'6tant-subsistant ouvre une totalit6 r6gionale. Or, la totalitk rbgionale n 'est pas cosmologique. Autrement dit: l'ouverture d'une totalit6 r6gionale ne peut aucunement 6tre identifi6e fi l'ouverture d'un contexte instrumental; leur diff6rence profonde est l'abime qui s6pare le monde d'une somme de r6gles aprioriques. C'est pourquoi l'lnterpr~tation phknom~nologique de la CRP de Kant ne peut nulle part 6voquer la constitution du monde h propos de la perception de l'6tant-subsistant et se limite h sugg6rer le moment de la r6sistance apriorique. L'impossibilit6 d'ouvrir un monde, voilfi ce qui condamne la re-pr6sentification de la perception ~t l'inauthenticit6. S'arr6ter h la description de la re-pr6sentification perceptive comme "ouverture d'un horizon unitaire" et pr6juger ainsi de son caract6re authentique, constitue donc une erreur fondamentale. L'ouverture d'un horizon est le point commun de toute re-pr6sentification, son caract6re formel. Son authenticit6/inauthenticit6 d6pend de la totalit6 chaque lois rendue possible. L'inauthenticit6 de la temporalit6 de la perception est due ~t ce qui semblait &re son 616ment le plus heureux: fi l'ouverture d'un horizon; en effet cet horizon est la totalit6 r6gionale. Celui qui ne voit pas que "l'affinit6 transcendantale comme saisie r6gionale apriorique de la nature en g6n6ral" s'oppose la conception heideggerienne du monde, ne peut nullement comprendre le principe d'inauthenticit6 qui est ici sous-jacent. On croit qu'attribuer ~t la repr6sentification de la perception le moment de l'ouverture d'un horizon, c'est garantir d6jfi son authenticit6. I1 a 6t6 montr6 que tel n'est pas le cas. Notre raisonnement qui souligne que le projet heideggerien a pour but de mettre en lumi6re l'inauthenticit6 de la temporalit6 de la perception s'av6re donc justifi6. La re-pr6sentification de la perception, bien qu'elle dispose d'une fonction propre, est profond6ment inauthentique, au fur et h mesure qu'y fait d6faut un moment pr6sentifiant.18
4. Les r6sultas finaux de notre d6marche 6tant annonc6s anticipativement, pr6sentons h titre de conclusion les b6n6fices obtenus au long de cette 61ucidation qui pr6tend avoir rendu justice h la profondeur du cours de l'Interprktation phknomknologique de la CRP de Kant. Nous avons en effet 61ev6 ce texte ~t un t6moignage capital de la pens6e ph6nom6nologique de Heidegger, l'interrogeant sur la possibilit6 d'y d6couvrir une confrontation implicite de Heidegger avec la ph6nom6nologie de la temporalit6 de la percep-
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tion chez Husserl. Le d6voilement de l'architectonique dissimul6e du texte nous a permis d ' y reconnaitre le d6veloppernent d'une telle confrontation articul6e autour du concept de base de "l'inauthenticit6 du temps." Surmontant une s6rie de pr6jug6s ~ propos de l'authenticit6 de la compr6hension perceptive, nous avons reconstitu6 le tout de la temporalit6 de la perception. Les deux axes d6crits rendent visible l'auto-affection du temps inauthentique en tant qu'affection mutuelle entre le propre et l'impropre de la pr6sentification et de la re-pr6sentification; leur impi6tement nous d61ivre un mode de temporalisation, situ6 entre l'authenticit6 de la circonspection et l'inauthenticit6 absolue de la curiosit6, qui efit embarrass6 l'ontologie fondamentale et son analyse de la Temporalitat. Fid61e h la mobilit6 int6rieure du tout de la temporalit6 et h la perplexit6 des relations ekstatiques, la mise en relief des niveaux de l'inauthenticit6 de la re-pr6sentification perceptive (son intervention dans l'ordre de la rencontre et sa quasi-autonomie en tant qu'anticipation d'une totalit6 r6gionale) nous procure le scheme temporel d'une "ouverture horizontale inauthentique", locution qui n'est incoh6rente qu'en apparence. Le paradoxe de cette inauthenticit6, nous sommes maintenant en position de l'affirmer, s'av6re 6tre la cause ultime de l'impasse h laquelle sont conduits les autres textes de Marbourg ~t propos de la temporalit6 de la perception. Le schOme temporel de la perception est celui d'une ouverture horizontale inauthentique. Notre contribution consiste dans le d6voilement de ce scheme, au moment m6me (c'est-h-dire, apr6s les Problkmes fondamentaux de la phOnomknologie) ofa Heidegger semblait avoir d6jh abandonn6 le projet de son 61aboration.
Notes
1. Pour les textes heideggeriens,nous utiliseronsles abr6viationssuivantes: Ga25/: Phginomenologische Interpretation von Kants Kritik der reinen Vernunfi (WS 1927~), Frankfurt a.M., 1977 (Interprktation phOnombnologique de la Critique de la raison pure de Kant, tr. E. Martineau,Paris: Gallimard, 1982); SZ: Sein und Zeit, Tiabingen, Max Niemeyer Verlag, 1986 (Etre et temps, tr. F. Vezin, Paris: Gallimard, 1976); Ga24/: Die Grundprobleme der Phginomenologie (SS, 1927), Frankfurta.M., 1975 (Les probl~mesfondamentaux de laphbnombnologie, tr. J.F. Courtine,Paris: Gallimard,1985). 2. O. P6ggeler,"Zeitund Sein bei Heidegger,"Ph~inomenologische Forschungen 14 (1983): 152-191 (pp. 175-6). 3. VoirGa25/p. 338: le modede l'appr6hension=synth6sedans l'intuition=perception;6galement pp. 3274--8. 4. Voir notamment: M. Heinz, Zeitlichkeit und Temporalitat, (Amsterdam: Rodopi, 1982), pp. 186-7; T. Kisiel, "Der Zeitbegriffbeim frtiheren Heidegger (urn 1925)," Phginomenologische Forschungen 14 (1983): 192-212 (p. 211); G. Wiedernann, Zeitlichkeit Kontra Leiblichkeit, (Frankfurt: Peter Lang, 1984) p. 196. 5. Metaphysische Anfangsgrfinde der Logik im Ausgang von Leibniz (SS 1928), Ga26 (Frankfurt a.M., 1990), p. 264.
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6. Voir par exemple Ga24/p. 231. 7. Voir Ga25/p. 355: "nous avons vu sous les deux numrros prrcrdents [apprrhension et recognition] que l'intuition, en particulier, avait fait l'objet d'une explication plus poussre que dans l'Esth&ique transcendantale"; de m~me Ga25/p. 392: "seuls ces modes de la synthrse expliquaient b.proprement parler le caract~re de l'intuition" (nous soulignons). 8. Voir Ga25/pp. 351-2. Etant convaincu de la portre capitale de ce propos, nous nous permettons de renvoyer h notre 6tude "Heidegger, lecteur de Husserl. Logique formele et ontologie matrrielle," Revue philosophique de Louvain 92/1 (1994): 53-81. 9. Le terme de Vergegenwgirtigungdrcrit la prrsentification d'un 6tant-sous-la-main absent (Unzuhanden); voir SZ, p. 358. 10. "Si nous n'rtions pas drj~t rapportrs a une suite de maintenant, nous ne pourrions pas saisir quelque chose qui s'offre comme faisant suite h ou prrcrdant quelque chose d'autre" (Ga25/pp. 346-7). 11. "Multiplicit6 ponctuelle dans l'horizon d'un ' d e . . . h' "(Ga24/p. 347) sous la forme d'une transition vers le non-prrsent. 12. Voir E. Husserl, Zur Phginomenologie des inneren Zeitbewusstseins, Husserliana X, 6d. par R. Boehm (1966): "Zur Auflrsung des Schemas Auffassungsinhalt-Auffassung," (pp. 269-334). 13. Pour l'inauthenticit6 de l'horizon du "maintenant-ne-plus," voir 6galement Ga24/pp. 337, 347, 348--9, 360-1,387-9. 14. "De la mdme manibre il est possible d'antieiper la srrie des pas-encore-maintenant" (Ga25/p. 414; nous soulignons). 15. Voir 6galement, Ga25/p. 390, 393,414. 16. Kant et leproblbme de la mktaphysique, traduction fran9aise (Paris: Gallimard, 1953), p. 237. 17. K. Wiegerling, Husserls Begriffder Potentialitat (Bonn: Bouvier Verlag, 1984), p. 99. 18. II y a lieu de maintenir que la critique contre l'assimilation entre monde et totalit6 rrgionale vise ici la phrnomrnologie husserlienne. Pour se dispenser d'une longue parenthrse, notons simplement que, quand Husserl essaie de drcrire les horizons qui drterminent l'apparition du pergu, il est oblig6 de recourir h la graduation rrgionale du perqu en rant que chose matrrielle (voir sprcialement, Erfahrung und Urteil, 6d. L. Landgrabe, Meiner Verlag, 1972). Le destin de cette nrcessitr, lu en termes normatiques de constitution du champ perceptif, devient manifeste chez A. Gurwitsch ("Beitrag zur phanomenologischen Theorie der Wahrnehmung," Zeitschriftfurphilosophische Forschung 13, (1959): 419-437).